En exer­gue et pour nous met­tre en con­di­tion, une cita­tion de Mal­com de Chaz­al : « l’œil est la meilleure salle de ren­dez-vous ». Puis le texte nous annonce une his­toire d’yeux-cocons, abri­tant donc visions et méta­mor­phoses.  On sent d’emblée qu’il va nous fal­loir rester les quin­quets grands ouverts et bien atten­tifs, qu’il nous fau­dra savoir être myopes et pres­bytes à la fois, que nous devrons soumet­tre notre vue à une imag­i­na­tion astig­mate, il y a de la pro­fondeur de champs et des flous rêveurs dans le texte d’Olivier Hobé. On lit larve, on lit aile, on lit car­a­vane et l’esprit laisse éclore une flopée de papil­lons. Faut-il com­pren­dre psy­chés et donc âmes, à la grecque ? (Plus loin nous sommes infor­més qu’il peut aus­si s’agir de mouch­es et d’yeux à facettes.) Ou bien faut-il lire un par­ti pris du corps et la ten­ta­tive de résoudre le mys­tère du regard … alors il s’agirait d’une his­toire d’interface ? De rétines pla­cen­taires avec son réseau de nerfs qu’on voit s’enfoncer dans la boîte crâni­enne abri­tant le paysage men­tal de l’auteur. Pour corol­laire se pose sérieuse­ment le prob­lème de la peau qui délim­ite un extérieur et un intérieur, qui est mem­brane à franchir pour l’insecte qui veut pour­suiv­re son cycle d’évolution, peau dont on doit se débar­rass­er pour se con­naître tel que nous ne nous voyons jamais, afin d’aller trou­ver l’étranger en nous… quoiqu’écorchés nous savons tous ce vif de la réac­tiv­ité jusqu’à souffrance…

Mais c’est une farce, jouée par quel­conque Trick­ster, esprit farceur Bre­ton, au bord d’un canal. Cette vision, il se pour­rait bien que ce soit au tra­vers de la langue qu’il faille savoir la regarder, voilà où localis­er les yeux : dans ce qui vient, écrit. Dans ce qui devient fable. C’est une his­toire de globes, leur fonc­tion pos­si­ble de miroir, leurs réserves d’eau, leurs poches nourri­cières, (des pis plein la bouche), leur con­science humaine de la fini­tude quand vivre en poésie est sen­ti­ment d’éternité. « Nous rebrous­sons chemin, la mort dans l’œil. On s’est tiré la langue comme on écrit un poème ».

Il y a une chose dont je suis sûre, le prochain cadeau que je ferai à Olivi­er Hobé ne sera pas une paire de lunettes, tant il fait preuve de lucid­ité et de qual­ités de dis­sec­tion. Il nous mon­tre dans cet ouvrage comme dans ses autres livres, les fenêtres de son âme, et j’en aime tout, des volets jusqu’aux rideaux plus ou moins agités par les bris­es et les tem­pêtes de sa vie. 

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