L’éternité

Par | 11 janvier 2014|Catégories : Blog|

 

L’éternité. En voilà un prob­lème. Une idée. Une sec­ousse. Un cyclone de fureur. Une hor­loge arrêtée. Même si ça se déchire partout autour. La musique que j’entends n’est pas si froide. Elle est loin. Sans appréhen­sion, elle se mélange à la dis­tance. C’est de l’amour si tu y pens­es bien. Au moins un bouil­lon­nement, des mes­sages broyés. 

Nous avons rem­pli toutes les heures de nos gue­nilles, de nos écorchures bleues. Nous avons sauté d’un palier à l’autre. Nous nous regar­dions en nous dis­ant que notre nais­sance était extra­or­di­naire. Rap­pelle-toi les oura­gans, les car­reaux cassés, les îles justes là. En face, les maisons avaient des couleurs vertes. Les planch­es de bois qui traî­naient ça et là avaient été volées à des bateaux fan­tômes. Il n’y avait per­son­ne à l’intérieur de ces bico­ques. Presque timide­ment, elles se rem­plis­saient le soir d’une chaleur curieuse. Nous pos­sé­dions cette force de nous incar­n­er. Nous coulions comme le soleil seul sait le faire. C’était comme ça. C’était une mer­veilleuse his­toire. Extraire des morceaux de ciel était notre facil­ité. Nous échap­pi­ons aux usines en nous regardant. 

L’abîme qui détache est un chien fidèle. On peut courir, tra­vers­er la ville en cri­ant mais rien n’y fait. Se met­tre à l’abri minu­tieuse­ment. Un instant ou toute une vie. Quand ça se déchaîne, il faut fer­mer les yeux. Oubli­er que je n’avance pas à ta vitesse. 

Tu cou­vres mon corps d’un rem­part frag­ile. Avec ta force, ton courage, il faudrait écrire. Ecrire quelque chose qui ferait mon­ter. Les tor­rents dans tes yeux de tigre, je les vois. Un cer­cle par­fait tracé avec art sur le sable en bor­dure de la route me rap­pelle que je passe. Une liane de feu coulant de tes nattes comme l’irréversible sagesse de la pierre me dit que j’ai saisi ma chance. In extremis. 

J’ai presque oublié. Les vagues nous ont per­du. Elles ont tout pris de nous. Les mots, les syl­labes, la corde qui nous reli­ait. Tu décodes le monde et son cha­grin nor­matif. Les vio­lences, les pris­ons, les cages, sont pour ceux qui ont ouvert les vannes du vide à la recherche de révéla­tions. J’ai presque oublié. Comme un sac trop lourd, tu laiss­es tomber ton jeans au pied du lit. Tu donnes ta con­fi­ance et puis ta chaleur. Nous nous regar­dons. Nous savons ce qui nous attache. Notre immor­tal­ité de bazar trop lourde à porter, notre répug­nance avérée devant ce qui n’est pas lit­téra­ture. Je te fais couler un bain puis tu gliss­es dedans. Tu es belle et pré­caire, sex­uelle et revêche. Un élan spon­tané, une odeur de savon, tout est à dés­ap­pren­dre. Je te rejoins. L’eau est brûlante. Nos nuques obliques font se rejoin­drent nos fronts.

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L’éternité

Par | 2 janvier 2014|Catégories : Blog|

 

L’éternité, un point, un lieu, un point
Une forme, une dimen­sion infime, un point rond et noir
Il me faut me dédou­bler pour me voir la recon­naître. C’est là, dans la rue de ce vil­lage, si plein, au cré­pus­cule. La per­ma­nence. L’autre monde. C’est comme cinquante ans en arrière.J’étais là, je pas­sais, et il n’y a pas la moin­dre dif­férence. Je n’ai pas le sen­ti­ment que quelque chose a changé. Peu impor­tent les gens dans ces maisons fer­mées, ou les maisons vides. Peu impor­tent les change­ments de toutes sortes. L’épaisseur est la même. Le froid et la couleur de l’obscurité, les mêmes. Comme si je n’étais jamais par­tie. La tran­quil­lité dans ce paysage noc­turne. La liberté.
Je regarde ce point, l’éternité, et je suis dedans.

 

 

 

L’eternitat

 

L’eternitat, un punt, un lòc, un punt.
Ua figu­ra, ua pagèra, hèra pichona, un punt redond e negre.
Que’m cau des­doblar entà’m vés­er l’arreconéisher. Qu’ac es aciu, dens la rua d’aqueth vilatge, tan plen, au hant-se-nuèit. La per­manén­cia. L’aute monde. Qu’ei atau com cinquan­ta ans en darrèr.
Qu’èri aciu, pas­savi, e n’i a pas briga difer­ença. N’èi pas lo sen­tit de quauquar­ren de cambiat.
Aquò rai la gent dens aque­ras maisons bar­radas, o las maisons vueitas. Aquò rai los cam­bi­a­ments de tot biais. L’espessor qu’ei par­ièra. Lo hred e la col­or de l’escuretat, medish­es. Atau com se n’èri pas jamei par­ti­da. La tran­quil­li­tat dens aque­th paisatge nueitiu. La libertat.
Que guaiti aque­th punt, l’eternitat, e que soi dedins.

 

 

(In Parçans esconuts- Edi­tions Jorn- Févri­er 2013)

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