Jean Pérol est l’auteur d’une impor­tante œuvre poé­tique, depuis son recueil paru en 1953 chez Seghers, l’époque même où les pub­li­ca­tions poé­tiques de Pierre Seghers mar­quaient l’histoire de l’édition française. Avoir été un de ces auteurs Seghers là, ce n’est pas anodin. L’œuvre du poète a ensuite paru aux édi­tions Cham­bel­land, Gal­li­mard, La Dif­férence, avec un pre­mier tome d’œuvres poé­tiques com­plètes, puis de nou­veau chez Gal­li­mard, comme un retour aux sources le temps de ce Libre livre.
Il faut saluer la force et la beauté de l’ouverture de ce livre :

Ne don­nez plus rien
aux courages lâches
tenez écartées
les fêtes pourries

j’attends que la nuit
tire sur tout sa bâche
et d’autres caresses
que de ses furies

j’attends le dirais-je
les cieux plus légers
sur tous les vergers
la musique en plis

j’attends la lumière
des blancs d’avalanche
les masques tombés
les par­dons en pluie

la douceur des mains
des lèvres fidèles
un cœur sans calculs
la farce effacée

un Japon des mers
des chants d’îles mauves
un matin charnel
entr­er dans les villes

quand plus rien n’importe
franchir le portique
le démon aux portes
l’ange à mes côtés

                              À mes côtés

Le recueil est com­posé de trois par­ties : Petites vari­a­tions avant la nuit, Notes incer­taines au bas de cer­taines pages, Nou­veau cœur véhé­ment. La dernière par­tie étant con­sti­tuée de pros­es poé­tiques. L’ensemble forme une poésie fine­ment ciselée, mêlant douce cri­tique de la trahi­son quo­ti­di­enne et hymne poé­tique à l’amour, au corps des femmes et à la sex­u­al­ité. Les vers ne dédaig­nent pas l’humour ni la présence de la mort :

De l’autre moitié du siè­cle je viens
dont le temps gris oublie déjà
tout ce qu’en fut l’âpre misère

et de nou­veau le monde fait
devant tes pas fer­mer tes mots
retour à ceux un jour vaincus

oh très sub­tils les dédales
du grand jeu froid des capitales
retour à ceux qui sont jugés

sort sans par­don des bouch­es closes
tout juste dignes de se taire
qui pour tou­jours n’auront plus droit

qu’au grand oubli des cimetières.

                                                   Cimetières

Nom­bre de poèmes dis­ent le degré de détache­ment atteint par le poète et son lecteur passe du rire à la lucid­ité sur ce qu’est une vie d’homme.
Et de poète :

Il est grand temps print­emps léger
que de tes rives je m’en aille.

 

 

Jean Pérol est né en 1932 à Vienne, en Isère. Il partage actuelle­ment sa vie entre l’Ardèche et Paris. Jean Pérol a vécu au japon entre 1961 et 1989. Il a col­laboré à La NRF, aux Let­tres Français­es et au Mag­a­zine Lit­téraire. Mem­bre de l’Académie Mal­lar­mé depuis 1998 et du Prix Kowal­s­ki de la voca­tion. Il a obtenu le prix Mal­lar­mé en 1998.

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