« L’alphabet des étoiles
Subite­ment se renverse »

La poésie est un big bang créa­teur per­ma­nent et tout se joue sous le com­pas tenu entre les mains/équerres d’un archi­tecte invis­i­ble porté par la vie des Nom­bres. On l’aura com­pris, c’est avec un plaisir non mesuré que nous voyons, au sein de Recours au Poème, paraître L’insoupçonnée ou presque de Muriel Stuck­el, en un fort et beau vol­ume accom­pa­g­né des pein­tures de Lau­rent Reynès. Et l’occasion de saluer la beauté physique du tra­vail édi­to­r­i­al des édi­tions Voix d’encre. Pourquoi si peu de mesure ? Nous défendons l’atelier poé­tique de Stuck­el depuis les débuts de Recours au Poème. Et avons donc eu le bon­heur de faire paraître des extraits de ce qui est devenu L’insoupçonnée ou presque (Dans les failles de la phrase). Cer­tains des poèmes com­posant ce vol­ume, plus un ensem­ble qu’un sim­ple recueil d’ailleurs, ont aus­si paru dans Voix d’encre, Terre de femmes et la Revue Alsa­ci­enne de Lit­téra­ture. Et Muriel Stuck­el étant femme de goût n’omet pas de sig­naler ces prépub­li­ca­tions. La chose est fon­da­men­tale, de notre point de vue, ten­ant au respect – et donc à notre part d’humanité courtoise.

L’insoupçonnée ou presque se com­pose de six ensem­bles, le cinquième don­nant son titre au livre, reliés comme par nature les uns aux autres, ain­si que par la présence dis­séminée de « notes de silence » numérotées. Ce mot « silence » est sans doute le mot essen­tiel de la poésie de Muriel Stuck­el, parce qu’il est tout sim­ple­ment le son de toute poésie authen­tique, le son même du Poème, mesure har­monique et har­monieuse de ce qui est. Et ain­si, toute poésie, et sin­gulière­ment cette poésie-là, est pen­sée de la poésie et du Poème. Ce qui ne sig­ni­fie aucune­ment théori­sa­tion de la poésie. Non que nous refu­sions tout crédit à la théori­sa­tion au sujet de la poésie ; au con­traire, même. La théori­sa­tion au sujet de la poésie et du Poème sont de notre point de vue une néces­sité et nom­bre de poètes act­ifs au sein de Recours au Poème tra­vail­lent la matière théorique de la poésie autour de cette notion que nous avons fait émerg­er – la poésie des pro­fondeurs. Cela même en quoi nous nous recon­nais­sons et vivons quo­ti­di­en­nement. Cepen­dant le poème en tant que tel n’est pas le lieu de la théori­sa­tion intel­lectuelle. Ce qui ne l’empêche pas de penser la poésie.

Et c’est une grande force dans ce livre de Muriel Stuck­el, livre où le tra­vail même de la poésie et du Poème est simul­tané­ment pen­sée de la poésie et du Poème. Un lieu où les con­tra­dic­toires appar­ents cessent le l’être pour appa­raître sous le jour de ce qu’ils sont réelle­ment : des com­plé­men­taires. Alors, L’insoupçonnée ou presque est plus qu’une sim­ple réus­site, c’est un fort et beau livre de poésie, et cela pour cette sim­ple rai­son : c’est une voix de poète qui, ici, émerge des pro­fondeurs du Poème. Une voix d’encre.

Et des pro­fondeurs dont le maître d’œuvre ne peut être autre que le silence. Ce qui, réelle­ment, est le… plus bruyant. Car :

 

« Dès l’aube l’éclair déchire
La toile con­voitée de l’infini » 

 

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