L’océan par la vit­re. A cet instant, on ne le voit plus. On le sait là, quelque part entre le front du petit jour et les pha­langes noires qui se replient der­rière. Le reste a dis­paru. Pas seule­ment dans le brouil­lard mais aus­si dans les ven­tres. Ça n’a pas tenu plus loin. L’im­pres­sion de chaleur quand le bliz­zard fait face. Quand on revient du gris, sans se souci­er des foules qui pressent en sens inverse. Une même sen­sa­tion quand la lumière résiste à l’autre bout du ciel. Ça ne tient pas. La dis­tance en avant.  Cette prox­im­ité-là. Chaque matin y est bancal.

 

 

***

 

 

Revoilà les sou­venirs mouil­lés. Les gross­es piques noires qui den­tel­lent la plage. Les poèmes écrits au cro­chet. Per­son­ne ne vient sur le débar­cadère. Per­son­ne ne s’a­vance pour accrocher le ciel à la fenêtre de l’aube. Il n’y a que la pluie et ces éclabous­sures tout au fond de nos yeux. On a per­du la vue sur l’océan. Les fris­sons du dimanche. Le goutte à goutte du cré­pus­cule. Le soleil ser­ré con­tre la poitrine du large. Une étuve. Quelques regrets. Une pointe de douceur plan­tée entre les côtes. Plus per­son­ne pour la retir­er.  Plus rien.

 

 

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Ramass­er quelques coquil­lages. Se détach­er de la gri­saille qui s’al­longe en dedans. Sous les pieds. Sous la peau. Sous la corne blanchie par les brûlures salines. Si timides que l’on avance encore vers un jour de plus. Les poches pleines de sable. Les mains tachées de mots, comme on oublie de racon­ter. De dire mieux la colère, la peur à marée basse. De retrou­ver un peu de charme là où plus rien ne vit. Ça peut suf­fire et on le sait. Le temps est immo­bile. Les nuages posent sur l’hori­zon comme sur un chevalet. On n’at­tend plus que les couleurs. De l’eau à petites gorgées. On est là. On se tient prêt.

 

 

***

 

 

Des fois on ne s’at­tend à rien en ouvrant les volets. Un bock de soleil ren­ver­sé sur la table. Un vieux chat qui le lape. Des bulles. De la tiédeur. Un peu de mousse jaune dans la barbe du ciel. Une brise sucrée. Les enfants qui courent vers la plage en lais­sant loin der­rière leurs ombres essouf­flées. Une mer  entrou­verte. Les dunes désertées. Les nuages col­lés à la vit­re comme de petits post-it frois­sés. La buée les fait gliss­er tout douce­ment jusqu’à nos yeux. Mais on n’y lit qu’une tempête.

 

 

***

 

 

Toutes les vagues ne se ressem­blent pas. Cer­taines mon­tent trop haut pour que l’on ose l’ex­pli­quer Détailler les embruns. Les immor­talis­er. On les regarde prudem­ment alors la vit­re s’embue. Quelque chose a cassé à l’in­térieur. Trop de ten­sion. Trop d’im­ages à la suite. Et peu importe le reste. Une sirène troue le silence. La plage change de for­mat. On en perd la dis­tance à chaque ondée de gris. C’est un banc d’é­mo­tions qui s’ap­proche du bord. On y veut des couleurs. On lance le filet de nos yeux. Mais comme en soi, ça remue trop. 

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