L’haleine des brumes
insuf­fle, à ce jour, un autre chemin.
La nuit essuie sa bouche du revers de sa fièvre.
Ma palette de suie sèche dans mes mains.

Il fait matin.

Que d’autres le sachent :
En masse noire, ici, j’ai pactisé avec mon âme !
Que le dia­ble s’en souvienne !
Qu’il aille, infâme, pleur­er ailleurs son mal.
Je suis seul maître de l’étal.
A présent, la toile se révèle
Et m’ex­tirpe de ses plis.

C’est toi Lumière que j’invoque !
Toi seule que je convoque !

Entre et viens en ce lieu juger de ce pouvoir.
Ma noire est entrée en matière !
C’est à toi main­tenant d’y porter ta couleur!
Verse en elle ta blanche obscurité.
Que ton lait jail­lisse et qu’il inonde mes traits.

Noire est la face du monde
Noire se voudrait pren­dre place .

Lisse, luisante, coupante surface.
Noire sur tous les vis­ages guerriers.
C’est sans compter,
Ma force et mes gestes assénés.
C’est sans compter
La chaleur de ton jet.
La main de l’homme travaille,
Elle creuse et enveloppe.
La matière noire appelle la spi­rale d’un autre monde.
Toi seule pour­ra nous sauver.
Entre Lumière !
Par les pores de ce spectre
embrase l’év­i­dente crasse de notre cécité.
Jusqu’à moi le jour est venu t’escorter.
Tu entres par les portes de la cité
pour exor­cis­er l’in­sup­port­able silence.
Décou­vre par ta puissance ,
Ce qu’en cette toile, je viens de composer.
Par tes courbes célestes gon­fle cette oeuvre.
Soulève les ombres de son voile.
Écaille les nacres de sa nue.
Entaille cette illu­sion repue.
Le jais cède sous ta glace.
Tends et brise mes lignes.
Tranche en cette vaine ébène.
Je livre ma noire à ce combat.
A la trace, mets toi en chasse
et éclaire ce que je n’at­tendais pas.
Chante aux hommes ce qu’ils n’en­tendaient pas.

Passe Lumière
Passe autour, par, sur et partout en cette noire fidèle.
J’ai brassé tout en elle pour touch­er ce que je ne voy­ais pas.

A toi Lumière,
Sem­blante distance,

A toi Lumière,
Con­traste des cendres.

A toi Lumière
Le par­fum des absences.

Joue le désac­cord qui se fait entendre !
Avant toi je sup­po­sais l’informe.
J’ai dépeint aux non-vus ta venue.
Je t’ai, de si loin,… attendue.
Accroche et ne faib­lis pas.
Mets en jour ma matière.

Dis leur, Prêtresse solaire,
Dis leur ce qu’ils ne dev­inaient pas :
Le relief de notre monde
décou­vre sa couleur
dans la lumière de ses ombres.
Puisque qu’en ce jour,
Lumière,
Tu me rejoins,
tout, ici, me sem­ble bien.

 

 GARAIN — Juil­let 2012 

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