Le Tartare coréen

 

Nous sommes con­viés dans la pièce assom­brie par les stores
Pour le con­fort des reliures
Le décor hésite entre alcôve et tem­ple bouddhique
Autel pour le culte des ancêtres en laque noir et or
Accordé aux brassées de têtes de pavots
Penchées sur le néces­saire raf­finé du fumeur d’opium
Assis à la table basse, nous voyons venir à nous des assiettes
Rem­plies de lanières de bavette d’un beau rouge cerise
Macérées dans l’huile de sésame l’ail et le piment vert
Le tout assaison­né du soju bien frappé
Le cuisinier qui a pré­paré ce mets savoureux
Est une gra­cieuse fleuriste coréenne
Chue depuis une décen­nie dans le sam­sara fran­cilien des destinées
Elle sait à bon­heur égal apprêter un bou­quet de fleurs de pavots
Ou ce régal de carnivore
Elle con­naît le rouge plaisir relevé du vert de la ciboule hâchée
Et la touche voluptueuse d’atomes de poire dis­simulés dans la chair
Et sans doute d’autres secrets
L’effet de ce tartare est si puis­sant qu’une des filles invitées
Se sent mal
Elle doit s’allonger et il faut lui mass­er les orteils

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