Un nou­veau recueil de Luis Benítez, Brève antholo­gie poé­tique, traduit en français par mes soins, et agré­men­té d’illustrations de Sebastián de Neymet, vient de paraître, aux édi­tions de la Réso­nance. Ce recueil, précédé d’un avant-pro­pos d’Elizabeth Auster, per­me­t­tra aux ama­teurs français de poésie de suiv­re l’évolution de cet impor­tant poète argentin depuis ses pre­mières œuvres jusqu’à celles qui précè­dent Les Imag­i­na­tions, recueil pub­lié en français en 2013 par L’Harmattan.

Comme le dit si juste­ment Eliz­a­beth Auster dans son avant-pro­pos, le poète s’efface pro­gres­sive­ment, de recueil en recueil, der­rière son œuvre de sorte que le lecteur « com­plice de lillu­sion créée par Benítez, se trans­forme en auteur de ce qu’il lit. » Bien qu’il ne soit pas totale­ment absent de ses poèmes, Luis Benítez en occupe rarement le pre­mier plan. Sou­vent, ceux-ci racon­tent une his­toire ou par­tent d’un fait divers. Mais, der­rière la banal­ité des événe­ments quo­ti­di­ens, transparaît le mys­tère caché der­rière les apparences.

Le poème glisse ain­si naturelle­ment du réc­it vers une réflex­ion philosophique à portée uni­verselle. Les allu­sions lit­téraires n’y man­quent pas, qu’il s’agisse de Rim­baud, qui n’a pas eu assez de temps pour con­tem­pler et traduire à l’homme l’incendie des étoiles, à Ezra Pound, que ceux qui n’ont rien à dire ferait mieux de laiss­er par­ler, sans oubli­er Lao Tseu, Keats ou Schwob.

Plusieurs textes met­tent en scène des ani­maux qui se font écho à tra­vers les recueils. C’est ain­si que le tigre des Imag­i­na­tions qui se retrou­ve incon­gru­ment sur un bal­con der­rière des tiges de bam­bou, à Buenos Aires, relaie le pachy­derme qui écrase cette vieille men­di­ante, la rou­tine, au Vil­lage de New-York, dans L’Après-midi de l’Eléphant.

Les poèmes de Luis Benítez font penser à une poly­phonie. Plusieurs voix s’y mêlent qui se con­fondent dans l’unité musi­cale d’un orchestre. Le ton en est plutôt pes­simiste, mais sans aigreur ni dés­espoir. La récur­rence des thèmes et la façon de les traiter con­fèrent à l’ensemble une pro­fonde unité qui doit être tenu pour un témoignage d’authenticité.   

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