Un recueil au titre pro­vi­soire, comme toute poésie qui ne vaut par son sens qu’à l’instant proférée. Tout comme la lec­ture et relec­ture mod­i­fient l’angle de vision et la présence des poèmes. Tout est pro­vi­soire même dans sa fer­meté, c’est de l’incertain, de l’inaccompli : une force quand on le sait.

C’est un sil­lage de vie que nous pro­pose Lydia Padel­lec : le des­tin de la mère, ses allées et venues sur la ligne du temps. Tout se situe au plus près dans le quo­ti­di­en le plus ras, le plus util­i­taire, le plus caché. Il faut un cer­tain courage pour l’écrire en toute sim­plic­ité, une forme de mise à nu dans la pudeur :

 

Tôt le matin
la mère lève les plis
de sa peau
les yeux s’attardent
sur la rondeur
de la lune

 

La mère dans ses rides devient un vaste sou­venir qui l’enferme dans sa mémoire d’où elle sem­ble peu échap­per, quelques sourires par­fois, quelques traits de lumière. Elle ne reste pas insen­si­ble mais ne peut rien mod­i­fi­er du monde. Dans sa pro­fonde tristesse,

 

Un sou­venir de pissenlits
s’évapore dans l’odeur
du détergent

 

elle tente encore l’impossible, l’échappée ailleurs que dans cette cui­sine, lieu des femmes soumis­es aux néces­sités : Les jambes lour­des /d’avoir trop plié/ de linge : poésie qui tire sa pro­fondeur de la sim­plic­ité de dire la pau­vre vie, les pau­vres joies. Du cou­ver­cle resté sur la casse­role, il ne restera que quelques pau­vres désirs :

 

le sou­venir
d’une petite fille
s’échappe
par la fenêtre

 

Ce recueil impose un fris­son de vie telle­ment cha­cun peut s’y retrou­ver quelque part. Dire ou oser dire, c’est tou­jours dépass­er la chose, la ren­dre à dis­tance plus acceptable.
Poésie poignante dans sa sim­plic­ité, dans son con­tenu et sa généralisation.

Le recueil est divisé en deux par­ties. La sec­onde étant des réflex­ions sur le mot, les blancs, la poésie, le rôle qu’ils tien­nent, les rap­ports que nous entretenons avec eux, la vie pro­pre qu’ils sont capa­bles d’assumer. Le mot : être vivant. Chaque par­tie pou­vant se lire séparé­ment, elle s’éclaire mutuellement.

L’encre serait l’ombre qui rendrait les mots vis­i­bles. C’est très beau, tout est dit dans la vérité des opposés qui s’épousent. L’auteure reste con­sciente de la pré­car­ité des mots. Elle ne se prend pas au jeu et tient la poésie à dis­tance d’elle-même. Der­rière le mot se cache l’arbre.

Il reste au total des éclairs d’espoirs, des images de joie, des par­tic­ules de lumière qui sil­lon­nent maintes sec­on­des par­ties des poèmes :

 

la cui­sine se réduit
à un morceau de nappe
parsemée de soleil

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