Porté maman-croc­o­dile
trop longtemps dans le dos
col­lée peau col­lée maman-siamoise
rep­tile sous les omoplates
seuls les yeux seuls et la figure
perçaient le dos pour dehors
se mon­tr­er dehors et regarder
dans mon dos regarder vers où
je n’al­lais pas vers où je quittais
maman-croc­o­dile buvait l’ar­rière de la vie
de ses yeux de sa bouche avalait
les kilo­mètres des temps passés

moi nour­rie au lait vert de crocodile
le dos lourd bossue d’écailles
voûtée la vie je voulais je voulais
aller là-bas vers le vert des forêts
empêchée par les fils de bave de maman-crocodile
qui tis­sait les retenues par l’arrière
pour que moi pas devant pas avancer cour­bée noire sur mes pieds
moi-vis­age à la proue
elle fig­ure à la poupe
navire à voiles en cale
quand aimer bras ten­dus robe légère
ça tirait la peau du dos gri­maces et sang noir
à l’intérieur

alors sous une pergola
blanche et les ros­es grimpantes
j’ai arraché maman-dos
les yeux la bouche la figure
et tout le corps caché
j’avais le dos plein d’épines et d’é­cailles et de sang
j’avais le dos ouvert et blessé ouvert
pour que tout l’air s’en­gouf­fre et les eaux
et le vert des forêts
les fils de bave tombés par terre
les dents les ongles les yeux du dos
et j’ai pris maman-croc­o­dile dans mes mains et je l’ai regardée
et je l’ai vue fig­ure en face de moi visage
elle était toute petite et vieille lézard et bébé
et moi j’avais le dos doux pour la caresse et la cicatrice
je pou­vais tourn­er me retourn­er les paysages
sont les miens touts neufs sur ma peau les vents le soleil
pas avalés par la bouche à dents et les yeux noirs
pas avalés mâchés les vents le soleil les paysages
posés légers sur moi dif­fusés alchimiques
alchimiques

 

Usson-Guil­ers août 2012 // à Christiane
 

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