Ce dernier recueil de Marie-Claire Banc­quart est celui du temps qui passe, qui est passé, du temps de la mal­adie et de la mort qui se rapproche.

Pour­tant sa voix reste trans­par­ente, limpi­de, même si des objets sont fichés au-dessus de l’inu­tile, dans une sorte de ter­ri­ble beauté. Elle pose cette per­pétuelle ques­tion de qui sommes-nous, et cette ques­tion se traduit par la poésie qui chante encore, mal­gré les mots qui tombent par­fois en désor­dre, à la recherche du silence.

Et puis renaître avec la nature, d’abord au plus sim­ple, avec l’hu­mus qui invite à la caresse, si proche de l’hu­main, pour ramass­er quelques miettes d’é­ter­nité. Mais l’être ne con­naît pas le tout de l’être, que fait-il faire alors, courir au galop sur les poèmes pour tra­vers­er l’é­pais­seur des mots, célébr­er l’in­no­cence, don­ner forme à l’in­con­nu ou sim­ple­ment arroser sa bruyère sur son bal­con. Une odeur peut suf­fire à voy­ager ou à enlac­er le tronc d’un arbre.

Notre chemin est aus­si celui des entrailles, du cœur bat­tant et du squelette si frag­ile, jusqu’à ce que tout finisse par des ques­tions, celles qui nous tra­versent tout le long de la vie, celles qui nous fondent, celles qui résis­tent aux répons­es toutes faites, celles qui ne cherchent pas de répons­es, celles qui peu­plent les ruines, celles qui ger­ment, celle qui unis­sent l’e­space, celles qui espèrent… La poésie est-elle alors la clé uni­verselle qui peut sauver, non pas le monde, mais l’individu ?

 

“Il y a des mots meurtris
devant la porte

n’ou­vre pas

ils sont amon­celés, ils tomberaient en désordre
cer­tains mon­tent encore l’escalier

ils cherchent
peut-être
le silence. Leur silence

Si tu ouvrais la porte
ils entr­eraient dans les dictionnaires

ils occu­peraient ces calmes logis
d’or­dre alphabé­tique, où rien ne prouve
que l’hor­reur existe vraiment

mais le sang
coulerait d’eux
chaque fois que nous arrive­ri­ons au mot Sang.”

 

“Ser­rer les durs rayons des lampes
les jeter à la face du crépuscule
organ­is­er un monde net
contre
la nuit tombale.

— Et si le crépuscule
nais­sait de nous ?

— Non. Cueil­lir d’é­cla­tants tournesols
s’é­clair­er d’un reflet
à caresser…

Se faire à vivre…aomer la vie…

Bon­jour, math­é­ma­tique incar­née, notre monde !

…Mais peut-être
dans une autre par­tie d’univers
dans un ailleurs tout à fait ailleurs
règ­nent des claculs dif­férents, inconnus,
et d’autres poésies,
d’autres dis­po­si­tions de l’amour, des cristaux.”

 

“Qui vient de loin, qui espére et appelle,
graine folle par­mi les hommes ?

Qui germe,
qui veut aller vers l’accomplissememnt ?

Qui peu­ple les ruines
des fan­tômes vivants ?

Qui unit les espaces
et,
parfois,
caresse sim­ple­ment le bois de sa table ?
Qui rêve à une seule lettre
ouverte
sur l’innombrable? ”

 

Marie-Claire BANCQUART, Qui vient de loin, Le Cas­tor Astral, avril 2016

 

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