Sur l’étrave du Ver­ba­nia, l’eau accourt – blanche
étrave, lac d’acier lam­iné par de lourds
rouleaux de nuages – Mon­tagnes autour sans têtes –

Dis­putes scan­dées, vagues de rires, vendeurs
à la sauvette entre deux marchés – sapins
sous la pluie leurs grands para­pluies reposent
en bou­quets sous leurs chais­es et zézaient sur le sol
d’inox – qua­tre Africains en bon­nets de skieurs

et elle dans la cab­ine avant, assourdie
par les coups du moteur, peignée comme un amour
de jeunesse accou­ru seins tout haleine sous
le pull – chevilles posées loin sur une chaise
jaune d’œuf et mains étouf­fées entre les cuisses.

– Bass­es limoneuses, vocalis­es filées, 
froisse­ments du lac sali­vant con­tre la coque –
au madri­gal be-bop des voix des qua­tre noirs
elle mêle secrète­ment le balancier
de son souf­fle – les trente-sept mil­liards de mètres
cube du jour morne – de son inguérissable
soli­tude – L’étrave du fer­ry froissant
l’eau, les voix des qua­tre noirs sont cette chanson
–  Etre sym­pa­thique – qui fait venir les larmes.
 
Avec la pluie d’avril ric­o­chets de leurs yeux
sur les vit­res – Cou­vrant les pentes de névés
ros­es ou parme, les aza­lées en fleurs – autour
du débar­cadère – tètent l’eau presque noire

 

Bateau vers Luino

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