125-

 

La mort sera la source qui me sin­gu­lar­isa. Tout le jeu de couleurs dont Dieu me revêt s’exprimera par elle.

Je serai vent avec le vent, pain avec le pain, enfin unique, anonyme et frater­nel avec vous tous.

 

Pourquoi anonyme, diras-tu ? Voudrais-tu effac­er ton nom ? Oui, car il ne m’appartient pas.

Il porte sur lui le bais­er que Dieu lui posa et son souf­fle, nul ne l’éteindra. Il se per­dra dans le Sien.

 

127-

 

La mort est l’habit du poète – non par reniement de la vie – mais par cette préférence accordée à l’absence,

Qui peu­ple les jours et les heures, et donne à chaque chose le mys­tère de sa présence.

 

Depuis longtemps – tou­jours ? – la pluie, c’est faite la sœur et la mère des dis­parus qui s’en revi­en­nent, s’attardent et con­fient aux vivants le rythme et l’accord.

La lenteur de l’ombre les accueille ; ils rejoignent les cœurs et les abreuvent de la grande vie du dehors.

 

131-

 

Mourir, c’est une étrange habi­tude dont on ne se défait pas. A force, on se résout à con­fi­er aux arbres,

Aux pier­res, le peu­ple de nos actes et pen­sées ; et eux, bien embar­rassés, s’avancent pour nous jusqu’aux con­fins de la lumière.

 

« Plus ter­ri­ble que la mort, nous réci­tent-ils, l’injustice. Plus désir­able que la vie, la paix des hommes. »

Nous voudri­ons les croire, puis tout s’efface et revient. La mémoire est l’Esprit et l’oubli Sa langue. Il est le cœur vivant qui sans se lancer nous ouvre au monde.

 

3-

 

Ivan Illitch est mort. Moi, ça ne devrait pas tarder, mais la nou­velle la plus impor­tante reste la mort d’Ivan Illitch.

Elle tra­vaille l’esprit et le cœur de mil­liers d’hommes. D’autres achè­tent une bouteille de Vouvray.

 

Nous, nous ne savons pas encore très bien mourir. Je dis cela en com­para­nt la mort et le chocolat.

Quoique plus récent, sa pra­tique est bien mieux entrée dans les mœurs. La mort ou la quête d’une vie morale.

 

 

Inédit, extrait de “Par-dessus l’é­paule de Blaise Pas­cal

Titre pro­vi­soire

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