L’« homme qui se pré­tend prophète », est né à Kūfa en 915, dans une famille très hum­ble, orig­i­naire de l’Ara­bie du Sud. Pour lui il n’est de poète que lui-même. Cet orgueil ne fut pas com­pris des Ori­en­tal­istes. Ils crurent décel­er une forme de pré­ten­tion sans com­pren­dre que le poète a passé un temps de sa vie à faire l’éloge des princes afin d’obtenir d’eux la récom­pense matérielle. Pour autant très vite son pané­gyrique s’est trans­for­mé en satire. Sa poésie n’est pas le fait un orgueil vide. Le poète était ani­mé de ce que Niet­zsche nom­mera plus tard la « volon­té de puis­sance ». L’auteur se veut le surhomme qui agit au-delà du bien et du mal. Il eut la change d’être recon­nu par le prince ham­danide Sayf ad-Dawla qui régna à par­tir  d’Alep sur le nord de la Syrie et qui mena avec con­stance une guerre con­tre les Byzan­tins en Asie Mineure.  Mutan­ab­bi par­tic­i­pa à ses  batailles qu’il décrit dans ses poèmes avec des accents épiques avant de devenir l’errant qui va  par­courir le Moyen Ori­ent de l’Irak jusqu’aux rives du Nil et va créer une poé­tique du nomadisme.

Il est au fonde­ment de la poé­tique qui car­ac­térise forte­ment la cul­ture arabe. En leur temps ses œuvres ont ouvert à la créa­tion des voies nou­velles. L’auteur a  adop­té un lan­gage et une écri­t­ure pro­pres à traduire le lyrisme qu’une sen­si­bil­ité mod­erne peut faire sienne comme dans la cul­ture occi­den­tale un Dante peut touch­er n’importe quel lecteur. Exis­tent chez Mutan­ab­bi une audace et une orig­i­nal­ité qui se per­dent chez ses suc­cesseurs. Ils vont diluer son héritage dans des formes de poésie élé­gante et raf­finée mais trop légères et sou­vent sans souf­fle et vigueur si bien que de tels fils ne sont que d’aimables poètes de cours. Mutan­ab­bi est l’inverse. Il aura fait émerg­er un art puis­sant par une maîtrise totale de la langue dont « Le livre des sabres » est la preuve. Con­tre ceux qui, selon ses mots, « béent plus du cul que Sagra », face aux « faibles crétins » il reste celui qui ne s’est jamais abais­sé et a voulu saisir jusqu’aux « astres lointains ».

Dans « Le livre des sabres » la force et la vio­lence débor­dent de partout et restent com­pa­ra­ble aux périples de l’auteur :

« Quel lieu ai-je passé qui n’ait eu ses dangers » 

écrit celui qui affirme encore que les rois qu’il a croisé ne méri­taient que de bons coups sur la tête. Mais pas­sant out­re à ce qui l’outragea il finit jusqu’à brid­er sa rage sachant que

« les let­tres glis­sent sur le rus­tre écervelé ». 

Celui qu’on voulut présen­ter comme empreint de com­ponc­tion prou­ve dans ce livre sa lutte con­tre la clique des pleu­tres dont, dit-il « le baratin me débecte ». Con­tre les vicis­si­tudes il  a su aplanir les embûch­es et à tou­jours refuser d’être réduit au rang d’esclave. Face aux

« poèmes juments et aux vers clopinant » 

il a donc imposé une faconde qui dis­perse l’encens fumeux de la flat­terie pour ral­li­er ses par­ti­sans dans l’ardeur du désert afin que comme lui ils « soient brulés d’une rage vio­lente ». Elle fait de lui celui qui se dérobe à la nuit de l’être et qui en appelle à la poésie du plus haut lig­nage que l’histoire du genre peut recenser.

 

image_pdfimage_print