La pre­mière par­tie du recueil, Obscurs par­mi les ombres, est d’abord un hom­mage à Li Ts’ing-tchao (qui s’écrit aus­si Li Qingzhao), poétesse chi­noise du XIIème siè­cle. Des poèmes de Li Qingzhao ont été édités dans une col­lec­tion bilingue (chi­nois – français)  en 1990, aux édi­tions de La Dif­férence (Orphée), sous le titre Les Fleurs de can­neli­er.

La poésie de Li Ts’ing-tchao, comme celle de François Perche, s’écrit en marchant en pleine nature. Alors François Perche cherche Li dans le paysage : dans l’eau d’un fleuve, dans l’air, la pluie ou la chaleur.

 

Une antholo­gie de la poésie clas­sique chinoise,
livre léger dans ma poche, com­pagnon de voyage.
Tes poèmes, Li, à portée de ma voix.

 

Plusieurs siè­cles les sépar­ent mais le poète sem­ble sou­vent sur le point de touch­er l’épaule de Li. Il voit son vête­ment de soie, son corps frag­ile. Il s’adresse à elle parce qu’il la sait à proximité.

 

Où allons-nous con­stru­ire notre demeure ?
Le chemin s’allonge.

 

À force de marcher dans ses pas, Françoise Perche délaisse les je et les tu qui cèdent  leur place au nous.

Nous lisons l’ombre et la lumière.

Mais la présence de Li demeure évanes­cente. Elle n’est qu’un souf­fle ou un regard. Quand son corps appa­raît, il est diaphane et cela rap­pelle à celui qui la regarde qu’elle est bien absente.

La parole, la sienne, s’écrit d’un seul élan. Le vent
l’emporte.

Pas éton­nant que le dernier poème s’achève sur ces mots : la vie des morts. Les poèmes de François Perche célèbre la présence d’une absente, l’écho d’une voix vouée au silence. Cela donne l’impression d’une errance dans un monde par­al­lèle, plus frag­ile, plus insta­ble que le monde réel. Le lecteur est embar­qué dans un entre-deux : entre la terre ferme et le ciel, entre chien et loup.

Le deux­ième ensem­ble, Noc­turne pour V.S, est comme un miroir ten­du au pre­mier. Il met lui aus­si en scène un auteur, Vic­tor Segalen. Les deux hommes ont en com­mun leur pas­sion pour la Chine, où Vic­tor Segalen a vécu, au tout début du XXème siè­cle (et où il a écrit Stèles, un recueil de poèmes réédité aus­si par La Dif­férence – dans la col­lec­tion Orphée, tou­jours – en 1989). Vic­tor Segalen est un marcheur, un décou­vreur, un poète errant.

 

Coureur de terre. Tu te venges de ta
chair et de tes os douloureux. Tu
pos­sèdes en toi le vent des grandes
car­a­vanes. […]

 

Quand François Perche finit par rejoin­dre le marcheur, ils pour­suiv­ent leur route ensem­ble. Marchent de nuit sans doute, car ils se méfient ter­ri­ble­ment de l’immobilité.

 

[…] Chas­sons l’immobilité,
glo­ri­fions la mer en tem­pête, ces rugissements
ivres et fous, réfu­gions-nous dans l’excessif,
le bru­tal, l’inhumain,
sans oser regag­n­er le port.

 

Cette marche n’a pas de but – ou alors un but qui ne se laisse jamais attein­dre – mais elle les trans­forme et nous sommes témoins de cette méta­mor­phose intérieure, qui rend pos­si­ble la nais­sance des poèmes.

Ce recueil donne ter­ri­ble­ment envie de se remet­tre en route – si on n’a plus erré depuis trop longtemps -, de rejoin­dre des sen­tiers qu’on n’a pas encore arpen­tés, de s’en remet­tre au vent.

Sur le site de la SGDL, où François Perche se présente, on apprend que la Chine n’a pas été la seule des­ti­na­tion du poète, qui a vécu d’autres expéri­ences au Mex­ique et au Burk­i­na-Faso notamment :

« […] j’ai vécu un temps dans un vil­lage indi­en des Hautes Ter­res du Chi­a­pas, au Mex­ique, où j’ai écrit Pier­res indigènes, poèmes parus aux édi­tions Rougerie. Lors d’un autre séjour, je suis allé à la décou­verte de poètes indi­ens écrivant dans leur langue. J’ai traduit des textes de six de ces poètes, parus sous le titre Lais­sez par­ler notre cœur aux édi­tions de Champtin, avec des illus­tra­tions de pein­tres indigènes. Du Burk­i­na-Faso j’ai ramené le sou­venir de ren­con­tres très fortes, et un recueil de poèmes Saisons noires et rouges paru chez Rougerie. »

http://www.sgdl-auteurs.org/francois-perche/index.php/pages/Biographie

 

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