Nous avons beau­coup arpen­té les îles. Nous
nous sommes sou­vent éton­nés de cette
récur­rence, sans savoir ce qu’elle dis­ait ou non
de nos faib­less­es. Les îles sont des ter­res finies,
où notre inachève­ment trou­vait à se rassurer.
La steppe, le désert inquiéteraient davantage
ce que nous taisons. Mais j’en­tends grin­cer les
join­tures de la chaise dans le jardin. Où sont
les cour­til­ières ? Quelle force en toi pourrait
les domin­er ? Un goût de terre macérée
s’in­fil­tre entre mes dents et j’ai de l’eau plein
les yeux. La diplop­ie encore. Je tâtonne
jusqu’à la porte du jardin. Je recon­nais la
lumière qui se prend dans tes cheveux.
J’en­tends ton souf­fle. Le livre papil­lon frémit
sur ta poitrine. Tu te retournes et des yeux se
mul­ti­plient autour de moi. Tu n’es pas morte.

 

Quand ta mère te tue, édi­tions Pleine Page, 2007

image_pdfimage_print