Le vent ayant avalé d’imprévisibles oiseaux s’est réfugié dans les mots qui n’osent plus ouvrir la bouche . Nous, nous avons hérissé notre langue de défense dans la gorge du silence afin que l’angine rouge du poème mûrisse la parole sans origine, la parole d’immédiate source.
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Orfèvre voyant, le temps, ponctué de trous noirs,d’absences
ensoleillées râpièce la voix qui ordonne toute ascendance céleste ou assermente le râle d’écrire.
Ne pactisant plus avec les pensées qui se dissipent des calamiteuses émotions, nous ne guettons, solennels, qu’en lune noire ; les codes échappant à l’esprit de l’affolante agonie générale.
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Pluie de suie, grésil rouge − réel acide émietté…
L’oeil cherche la parole à laquelle nous avons voué
avec ferveur naïve et abnégation désespérée tous nos innombrables rendez-vous de solitude. Désormais, ne pouvant plus compter que sur ce qui nous précède ou nous aspire irrésistiblement, nous allons à l’ignorance la plus vide, la bienheureuse inconnaissance.
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Entre les brouillons de l’éveil et les marges de la perfidie mentale, la fantasque et loufoque aliénation nous disqualifie dans la lenteur écartelée.
Avisés que les reflets amplificateurs de notre incroyable léthargie voulant finir d’ ensommeiller notre peu de soif, nous cardons notre patience, l’étrillons, pour faire de notre coeur un ardent buisson de roses, de notre âme un pain de ciel ouvert.
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Faute d’être la véritable peau, l’originel visage de ce corps qui n’est qu’une lettre qu’il nous faut attiser, nous avançons notre langue d’attaque dans la gorge du silence, afin, que le bruissement du sel écume le feu d’un autre nom.
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(la soif entre deux poèmes est un désert)
Le silence grésille de l’écho que midi préfigure et que minuit lui renvoie.
C’est par l’aurore pressentie que nous avons franchie, que nous nous sommes avisés ; par la langue déprise du fouet du temps et les mots d’une autre parole que nous nous sommes verticalement édifiés pour ne plus être que chacun de nos poèmes, pour les autres tout ce que nous sommes, même quand nous ne sommes pas.
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Notre rythme est celui du soleil sur les eaux ; de la pierre qui fait bruire le sel de son battement ; de la mer qui oriente nos routes, nos chemins, nos sentiers muletiers jusqu’au delà des marges qui nous savent, de leurs lignes qui nous guident et ne nous guident plus.…là, où nous pouvons édifier des mesures de silence immobile où croître hors du nom.
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Maintenant le pas le plus sûr est celui qui se fait dans l’espoir rugueux du suivant, où de la halte définitive. Aussi, nous n’avons ni à presser le pas, ni à nous retourner, ni à rebrousser chemin, ni à nous arrêter, si ce n’est que pour mieux nous mouvoir en notre sang, nous réaccorder avec notre coeur ou avec le grand souffle universel qui nous respire.