nulle mémoire dans l’encre de ton souffle
ils sont par­tis trop tôt
ils ont oublié
qu’on ne peut dénuer
ces rivages encore emplis
de vos ombres
ils sont par­tis trop tôt
ils ont oublié
que les courbes de nos rêves
ne rejoin­dront jamais
l’élan des vents premiers
ils sont par­tis trop tôt
ils ont oublié
que les insolences
de ta peau
ne sont que
des par­chemins lapidés
nulle mémoire dans l’encre de ton souffle
ils sont par­tis trop tôt
ils ont oublié
que ce n’est pas une
étreinte
qui blesse les vacarmes des os
mais tes lèvres
ils sont par­tis trop tôt
ils ont oublié
que la matière n’est
pas l’œuvre d’un quel­conque orfèvre
mais de tes déferlantes
ils sont par­tis trop tôt
ils ont oublié
qu’on ne peut remuer
les ves­tiges de
san­glots pas encore assagis
nulle mémoire dans l’encre de ton souffle
ils sont par­tis trop tôt
ils ont oublié
qu’au bout d’un soleil
larvé de couleurs
se trouve
cette car­a­vane – vos yeux –
pour­fend­euse d’absence
ils sont par­tis trop tôt
ils ont oublié
que les fêlures
qui transparaissent
dans la pierre
sont les énon­cés de tes soifs
ils sont par­tis trop tôt
ils ont oublié
que les rouages
d’un ciel trop rouge sang
déclament
votre verbe qui se louvoie
dans les sil­lons graveleux
de nos peurs
nulle mémoire dans l’encre de ton souffle
ils sont par­tis trop tôt
ils ont oublié
que la mis­ère d’un corps
trop décharné – le nôtre –
est le pos­si­ble recueil
de votre compassion
ils sont par­tis trop tôt
ils ont oublié
que la course échevelée
d’une éclipse
n’a qu’un objet
par­faire la substance
de nos défaites
ils sont par­tis trop tôt
ils ont oublié
que nos mains
à l’orée de ta chair
con­ver­gent vers un même lieu
celui de notre dissolution
ils sont par­tis trop tôt
ils ont oublié
ils ont oublié
il ont oublié qu’il n’est
nulle mémoire dans l’encre de votre souffle
 

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