Com­ment s’étonner que le Fin­istérien Olivi­er Cousin s’intéresse à Orphée ? Amoureux de la Grèce, un pays qui a inspiré son recueil Sous un ciel sans paupière (La Part com­mune, 2010), il est aus­si lui-même poète. Son Orphée est notre con­tem­po­rain. Il chante dans le métro, dans les maisons de retraite et dans les guinguettes… « au bord du Styx ». Olivi­er Cousin s’amuse mais a le cœur lourd. Qu’a‑t-on fait d’Orphée, par qui la poésie est adv­enue ? « Lumière des lam­pi­ons dans les yeux/Orphée n’éblouit per­son­ne avec son blues/aux accents de champ de coton ».

     Dans une belle défense et illus­tra­tion d’Orphée, Oliv­er Cousin se met dans la peau du poète/musicien et nous livre (en exclu­siv­ité) des frag­ments de son jour­nal. Belle ini­tia­tive car, comme l’a si bien dit Fab­rice Midal dans son livre Pourquoi la poésie (Pock­et, col­lec­tion Ago­ra, 2010), « le mythe d’Orphée est vivant et por­teur de lec­tures tou­jours nou­velles  et (…) se tourn­er vers Orphée, c’est chercher à renouer le lien avec sa pro­pre inspi­ra­tion ». Olivi­er Cousin en est la preuve. Il fait, pour sa part, le choix de présen­ter un Orphée quelque peu dés­abusé par le monde qui l’entoure. « Rien ne sonne comme jadis. Il fau­dra remuer terre et terre pour retrou­ver l’harmonie des orig­ines ». Car, dit-il encore, « dif­fi­cile de s’apitoyer sur des humains qui ten­tent d’amadouer les oiseaux à coups de fusil ».

     Il y a aus­si, dans ce recueil, toute une réflex­ion sur le rôle de la poésie. « Si tu veux faire forte impres­sion imprime peu », s’exclame Orphée. On le décou­vre même, au pas­sage, dis­posé à faire amende hon­or­able. « Je ne suis qu’un poseur qui se cha­grine avec com­plai­sance. Je n’ai pas assez fait dans la demi-mesure. Retrou­ver le goût de la douleur sim­ple, humaine ». Aus­si Orphée se dit-il  prêt, aujourd’hui, à s’arrêter « au bord du chemin/pour faire son miel de la désespérance ».

     Finale­ment, c’est un Orphée ayant pleine­ment les pieds sur terre qui a les faveurs d’Olivier Cousin. Un Orphée qui sait com­pos­er avec les « pépins » de l’existence. La preuve ? « Dans la gamelle de son homme/Eurydice glis­sait une pomme/que la pluie gâtait avant le pre­mier croc ». Sous des airs à ne pas y touch­er, le poète bre­ton (avec un  goût avéré des jeux de mots) nous en dit  plus sur les rap­ports de notre époque avec la poésie que bien des livres savants sur le sujet.

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