On a perdu son nid
et comme coupé ses ailes
avant la migration
On a raté le dernier car
de ramassage
et on serre contre soi
un billet pour nulle part
on s’écrit des poèmes
se sachant seul à lire
ses fautes d’orthographe
On joue tout seul
la fin du dernier acte
(Le quatrain sifflera
trois fois )
…
On joue sa farce
Aux p’tits oignons
On joue papamama
Et les enfants gnan-gnan
On joue comme ça
à qui père mère
le poème adultère
On joue
faut-il le répéter
la même répétition
différant la première
quand au grand soir
c’est en fait la dernière
On joue à guichet fermé
devant une salle vide
Tout seul
on joue
sur des planches
qui se referment
on joue comme Eddy
Murphy comme Spencer
Tracy comme Clint
Eastwood Pecker ah
Ah ah ah ah ah
ah ah ah ah ah ah
ah ah ah ah…
On joue comme Charl
ton Heston Gary
Cooper Magic Johnson
Comme la divine Ava
Gardner on joue
la fille de l’air
On joue machine arrière
dans un théâtre de banlieue
On se recueille
en poésie
On joue
comme isolé de tout
Comme Saint-Antoine
de Padoux ou on ne sait
trop d’où
On joue tout seul, éditions Corps Puce ; 2010.
Commentaire : On joue tout seul fait écho à la solitude de l’écrivain lorsqu’il écrit. Et plus encore lorsqu’il écrit de la poésie, celle-ci ne rencontrant, du fait d’une diffusion très aléatoire, que très peu de lecteurs. J’ai voulu, à travers ce livre, briser aussi quelques poncifs dont s’enrobe la poésie, à savoir, par exemple, celui de la beauté du verbe (et du monde), celui des bons sentiments, celui du merveilleux…J’ai sous-titré cet ouvrage « poésie en phase finale », comme pour lui donner valeur de testament poétique. Plus pour en appuyer la « vérité » que pour en faire mon livre ultime, n’étant pas prêt à renoncer à l’écriture poétique, la seule, à mon sens, apte à exprimer le réel de nos vies.