Ce recueil, qui commence par une section « Cendres » et se place sous les auspices de Henri Thomas, est un livre de poésie tranquille, avec une dimension autobiographique et une dimension de présence au monde plus universelle, chacune étant comme le calque de l’autre. C’est un itinéraire fait de brefs poèmes en prose, qui part des souvenirs de l’enfance émergeants dans l’hiver présent, qui se poursuit avec l’évocation (très elliptique) d’un amour en Cornouaille (p. 44), prolongeant des nostalgies plus lointaines, celles du Katanga-Kivu et celle du verger de Saint-Denis (p. 61), et qui se termine avec le présent et ses souvenirs récents : un bref retour en Cornouaille (p. 97) et l’élévation de l’amour humain à une sorte d’amour céleste (p. 98). Pour accomplir une sorte de trinité poétique : la commémoration et la transnaturation de l’amour sont précédés par la formulation d’un d’Art Poétique, d’un comment j’écris, qui est pour nous une indication sur le comment lire (p. 85) :
Couché dans l’herbe, respirer la plage du ciel. Fermer les yeux ; être attentif à la cascade incohérente et douce d’images qui s’écoulent. Elles sont fraîches, fugaces, nous invitent sur un chemin plus étroit que le sommeil ; elles nous entraînent à nous réveiller un peu plus loin.
C’est une poésie tranquille, on l’a dit, que nous propose Philippe Mathy, à la prosodie jamais enfiévrée, mais qui est parfois douée d’une sorte d’érotisme latent (p. 35, p. 49), dont la permission d’interpréter « amoureuse » se formule ailleurs avec fugacité et modestie (p. 51, p. 58).
C’est aussi une poésie de marcheur silencieux, de méditatif arrêté près de l’arbre (debout ou tombé), près des oiseaux, des nuages et des insectes.
Est-ce dans l’été d’Europe, est-ce en Afrique ? Divers pays de poésie semblent se mêler dans « les plis de souvenir » comme dans les « épluchures de soleil » de ce recueil parfois vivant de l’étrangeté d’un songe angélique :
Le jardin semble fermé. Les arbres sont dressés, tendus comme des arcs, flèches sur les voiles sombres d’un ciel agenouillé. Aucun bruit pour déchirer le silence, brûler d’un cliquetis d’étoiles la porte lourde de la nuit, réveiller les voix clouées dans la mémoire.
Je vais dans ce silence, avancée douce d’un chat jusqu’à la paix de son sommeil. Promenade au jardin, dont on revient comme d’un rêve, jusqu’aux murs de la maison cimentés de réel.
Cette sacralité modeste de la poésie de Philippe Mathy joue souvent avec le rêve, comme le ferait le silence d’une fresque. Comme la simplicité mystérieuse d’un dessin appuyé sur un « mur » (mot qui revient souvent dans le recueil, non sans signification profonde, sans doute).
Sur un point seulement j’aimerais pour ma part un éclaircissement technique : le terme de « soubresaut », dans le titre, ne semble renvoyer dans le recueil à aucun champ sémantique correspondant. Image résiduelle abandonnée ? Mystère dans le mystère ?