Ce sont là les yeux de mon insom­nie, depuis
que dans mes bras religieuse­ment j’ai porté l’en­fant, sachant
pourquoi j’ex­iste ; autom­nal, décli­nant sans doute, mais vivant
dans cette mai­son escarpée flottante
entre les dunes et les tamaris de ton absence, ma fille.

Ce sont là les rives de mon insom­nie qui après des val­lées sans fin, après des naufrages de roy­aumes et de villes
momi­fiées par ton égoïsme pour n’avoir pas porté
la couronne d’épines quand tu le demandais, l’exigeais,
comme il con­vient à l’âge de cinq mois.

Et ce sont là les épines de ton insom­nie, que j’ai ramassées une à une tan­dis que tu gran­dis­sais entre rires et larmes
que j’ai gardées dans le verre de cristal pour les boire quand nous nous reverrons
oubliant tes par­jures com­mis dans des bras incon­nus, les pommes du Jardin par toi offertes à des étrangers perfides
car tu étais enfant et nour­ris­sais ton cœur avec la croûte
de notre pain tombé par terre.

Mets en déroute le temps, attends mon bateau encore un peu, avant que tes mains ne changent de feuilles.
Notre mai­son retrou­vera la paix, et seront recon­stru­ites les fières cités qu’a ruinées
ton regard de neige — si pour finir un jour je reviens et si pen­dant ce temps
tu ne m’as pas oublié.

 

 

Tra­duc­tion de Michel Volkovitch

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