Poèmes de Syrie

Par | 11 juillet 2016|Catégories : Blog|

« Les bombes tombent comme de la pluie. Sans tra­vail, sans ressources, sans eau, sans sécu­rité, privés de toute pitié espérée et du sec­ours atten­du de l’Occident chrétien. »

 

 

                                                                                                                                                                                                                             Alep, août 2015

 

 

Hurlements sirènes
la nuit s’est abattue sur la peur d’Alep
et la soif et la mort
ont plaqué leurs masques sur les regards
les lam­pes se sont éteintes
le soleil s’est réfugié dans les cailloux
Sans fra­cas les enfants d’Alep
se fau­fi­lent entre les brûlures
venues du ciel
le sou­venir de l’eau
écar­quille les gorges écourte
les rues où fleuris­sent de petits cercueils

D’où nous sommes
nous avons déjà oublié
la mémorable Hellab
à peine dis­tin­guons-nous des mots
descel­lés de leurs sens
des mots qui ne dis­ent plus rien
à cause de l’étrange musique
ruis­se­lant sur nos écrans
qui efface la ligne du temps

Voilà Alep
à la blancheur de lait
dev­enue ce loin­tain mouroir
sans fin ni commencement

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

« On cherche à détru­ire, nous cher­chons à bâtir. On cherche à nous expa­tri­er, nous lut­tons pour rester. En bref tout ce que nous atten­dons c’est la Paix et nous voulons bâtir pour rester. »

 

 

 

 

Qui s’approcherait de Maamoura
entendrait sur­gis de ses murs
de brique et de chaux
des mots mystérieux
enchâssés dans une ronde joyeuse 
salam salam
le bruisse­ment de l’oasis
sug­gère les jeux d’enfants
et dans les jardins qui rougeoient
le voyageur déchiffre le chant
que propage un vent léger
salam salam salam

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

« Nous ne voulons pas de vos visas, nous voulons la paix.»

 

 

 

 

 

                                                                                             Kessab, août 2015

 

 

 

Quel est ce trem­ble­ment de terre
la nuit à peine achevée
quelle est cette mort tombée du ciel
qui éven­tre champs et jardins
et ce bour­don­nement continu
que nous adresse la montagne
qu’annonce-t-il qui dérobe
le silen­cieux salut de nos forêts
Mon Dieu pro­tégez vos enfants

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

« L’Etat islamique a emmené mon papa et je ne sais pas où il est. »

 

 

 

                                                                                             Qafroun, août 2015

 

 

Le rebond
d’un ballon
à Qafroun
et c’est l’été recommencé
(comme on le voudrait)
qui élar­git les cœurs d’enfants
à la proche forêt
au ciel jusqu’à eux
descen­du dans sa miséricorde
avant qu’ils ne retournent
à l’enfer d’Alep

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

« Cette terre est la leur (aux chré­tiens). Notre iden­tité et notre unité sont détru­ites par ces départs. C’est la Syrie qui se meurt. »

 

 

 

                                                                                                         Alep, août 2015

 

 

 

 

Le ciel a feulé
la terre se soulève
le cœur bat dans le ventre
lumière grise comme après
un feu de feuilles
la rue sans bouger

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Poèmes de Syrie

Par | 31 janvier 2014|Catégories : Blog|

 

A LA PLEINE LUNE

 

A toi
Qui m’as tuée en ce temps-là
Et que j’ai tué en ce temps-là
Temps de tuerie
Ce temps-là

Vien­dra-t-il cet instant où
Les yeux dans les yeux
Nous ver­rons que nous ne sommes que le reflet de notre regard
Qui dit : pardon
Rien d’autre
Pardon

Vois ce par­don dans mes yeux
Et filons
La lumière perce devant nous

 

Paris 4 sep­tem­bre 2013

كلَّما بلغَ القمر

إهداء:

إلى  الذِيْ قَتَلَني ذَاتَ زَمَانٍ
فَقَتَلتُهُ ذَاتَ زَماَنْ
وَفي هَذا الزَّمَانِ اقتَتَلْنَا
فَقُتِلْنَا
هَلْ لَنَا مِنْ لَحْظَةْ
تَلْتَقِي فِيْهَا العَينُ بِالعَينْ
لِنَرى أَنَّنَا لَـمْ نَكُن نُشْبِه إلا تِلْكَ النَّظْرَة
التي ما كَانَتْ تُريدُ إلا أن تَقُولَ:
سَامِحْنِي
سَامِحْنِي وانظُرْ في عِيني التي سَامحَتْك
وَلْنمضِ
مَعْبرُ الضَّوء أمَامَنَا 

باريس، 4 أيلول 2013

 

 

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pluie sur pluie
argile sur argile
et ma grand-mère qui tri­cote son récit
avec un fil de soleil
et un fil de lune
moulant ses mots
dans le moulin du vent
et les répandant
comme des étoiles

مَطَرٌ عَلَى مَطَرٍ
وَطِينٌ فَوقَ طِين
وجَدَّتِي تَغْزِلُ الحِكَايَةَ
بِخَيْطٍ مِنْ شَمسْ
وَخَيْطٍ مِنْ قَمَرْ
تطْحَنَ كَلِمَاتِهَا
بِـمِطْحَنَةِ الرِّيْحِ وَتَذْرُوهَا
نُجُومَاً
 

 

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pluie sur pluie
argile sur argile
elle tire la mer telle une plume
étale le vent comme une page
sèche le sel sur ses genoux
et enfante les nuages
de ses seins elle fait couler des sources
moud la terre sur son nombril 
don­nant vie à l’herbe

مَطَرٌ عَلَى مَطَرٍ
وَطِينٌ فَوْقَ طِينْ
تشدُّ البَحرَ قَلَمَاً
وَتـَمُدُّ الرَّيْحَ صَفْحَةْ
تُجَفِّفُ المِلْحَ عَلى رُكْبَتَيْهَا
وَتَلِدُ السَّحَابْ
تُدِيرُ نَهْدَيْهَا يَنَابِيعَ
وَتَطْحَنُ التُّرَابَ فَوقَ سُرَّتِهَا
وَتَلِدُ العُشبْ

enivrés de la lumière ils perdirent connaissance
au son de bat­te­ment d’ailes
les branch­es des oliviers les transportèrent
le lau­ri­er les traça
tel un poème sur les pages du vent
les moulins les dispersèrent
comme des mar­guerites sur les rives de l’Oronte
ils virent alors l’His­toire se bap­tis­er dans l’Euphrate
avec le Tigre pour parrain
c’est pour eux que le blé pous­sa dans le Nord
et sur le jas­min de Damas

سَكِرُوا مِنْ خَمرَة الضَّوْءِ وَغَابُوا
عَلَى لَحْنِ اصْطِفاَقِ الأَجْنِحَة
حَمَلُتهُم أَغْصَانُ الزَّيْتُونْ
وخَطَّهُم الغّارُ شِعْرَاً
عَلَى صَفَحَاتِ الرِّيحْ
نَثَرَتْهُمُ الطَّوَاحِينُ
أُقحُوَانَاً عَلَى ضِفَّةِ العَاصِي
وَتعَمَّدَ التَّارِيخُ فِي الفُرَاتْ
وَدجْلَةَ شَيْخٌ شَاهِدْ
نَبَتَ القَمْحُ مِنْ أَجْلِهِمْ فِي الشَّمَاَلْ
وَغَنَّى اليَاسَمِينُ فِي دِمَشقْ
 

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comme tu pass­es par moi
arrache mon crâne de ta tête
mon visage 
et ma robe tachée de sang
comme tu pass­es par moi
jette tes médailles sculp­tées sur mes os
ôte ta cein­ture de chasteté
et tes chaussures
comme tu pass­es par moi
donne tes cahiers de poésie au fleuve 
et inscris sur la tombe
je ne fus rien

عِنْدَمَا تَمُرُّ بِي
إِخْلَعْ جُمْجمتي عَنْ رَأسِكْ
وَاخْلَعْ وَجْهِي
وَالقميصَ الموشَّى بِدَمِي
عِندَمَا تَمُرُّ بِي
إِرْمِ بِنَيَاشِينِكَ الـمَنْحُوتَةِ مِنْ عِظَامِي
واخْلَعْ بِنْطَالَ عِفَّتِكَ
والحِذَاءْ
عِنْدَمَا تَمُرُّ بِي
إرمِ بِدَفاَتِر أَشْعَارِكَ إِلَى النَّهْر
واكْتُبْ عَلَى هَذَا القَبْر
أَنَّني لَمْ أَكُنْ شَيْئاً
 

traduit de l’arabe par Nabil El Azan

 

 

 

 

 

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