Qu’importe après tout
Les mots des hommes un jour passeront comme neige
Il n’en restera trace si ce n’est
Ce cri dés­espéré dans l’espace et le temps
Ce cri sans mémoire

***

Il grav­era ses pau­vres cris dans le vent d’hiver
Et nul n’y répon­dra que cet immense mépris
Plus froid que le vent
Plus lourd encore que le rocher de Sisyphe

Il n’y aura pas de répit avant le terme
Mais ce seul souf­fle sac­cadé et urgent
Cerné par le gel et qui tentera
Un mètre de plus encore et mal­gré tout
Pour porter la vie au plus loin de la vie
Même quand il se fait très tard
Même à l’heure définitive

***

J’ose des mots qui ne résis­teront pas à l’usure
Moi  rien d’autre qu’un grain de sable dans l’univers
Grain de lumière qui s’évapore inexorablement

L’homme n’est rien
Rien qu’une poignée de main

***

Il n’y aura jamais
Jamais de calme après la tempête

Il n’y aura d’après
Que définitif

***

Finalement
Il n’y a que peu de terre en nous

Et qu’importe le reste

Il n’y a que peu de terre

Ce peu impos­si­ble à étreindre

***

Qu’aurai-je de sens
Si ce n’est cette glaise
D’où je regarde
Trop peu
Le ciel immense ?

Il n’est de vrai que la déchirure qui nous relie

***

Le poème n’a besoin que de ce peu
Ce sang com­mun tout au fond de ton ventre
Ce sang qui s’incline vers la cendre

Le poème n’a besoin que de ce cri qui te précède
Et te pour­suit comme une ombre

***

Et ce temps-là s’effaçait doucement
N’était pas le temps
N’était que vaine attente
De la vie et du temps

***

Par­fois on se dit
Qu’il faut du courage
Même si on ne sait plus au juste pourquoi

La peine n’a plus que le temps
De cet ada­gio lanci­nant de Barber
De ces notes arrachées au silence

Et on ferme les yeux
On essaie de tourn­er la page
De ten­ter d’oublier qui venait t’enchanter
Et qui don­nait le sens

Par­fois on se dit
Qu’il faut du courage
Même si on ne sait plus au juste pour qui
Même si on ne sait pas ce que cela veut dire
Du courage sans plus d’amour

***

C’est quand le silence te cerne
Sous un ciel sans soleil
Que tu par­les au plus juste

Une ombre de prière se lève
Un seul oiseau témoigne de la présence

***

Un jour j’oserai
Je voudrais tant oser
Enfin à jamais
Inscrire mon néant

Ce silence plus vrai qu’un cri

***

Aurai-je le temps d’un poème
Aurai-je ce temps habité enfin
Des lueurs d’une aube
Loin du tumulte des certitudes
Et des faux semblants

***

Que restera-t-il dans si peu
Tout au bout de l’impossible
Que restera-t-il de toi que ce que tu n’auras pas écrit
Jamais

Et le ciel ne saura s’en souvenir
Ce ciel de gran­it et de menhir.
Et qui ose la parole que tu n’as plus

***

Et enfin au fond de soi
Oser ce vide qui bor­de le poème
De toute sa ténébreuse blancheur

Oser le feu
Le geste de passage

***

Errer dans la ville
Don­ner son corps au pas
D’une parole à fleur de terre
Dans l’amertume lucide de la bière
Dans le tumulte de ton silence

***

Tu sais que la parole vient de loin
D’un pays étrange
Dont tu n’entends au juste la langue

Mais dont tu réper­cutes l’écho indéfiniment
Tu sais que la parole vient de loin
D’un pays étrange
Dont tu n’entends au juste la langue

Mais dont tu réper­cutes l’écho indéfiniment

***

Quel sens affleure ici
Qu’un brouil­lon de poème insensé
Pas même une voix
Juste le grain trop clairsemé

Alors que tu te blot­tis tou­jours plus
Vers un autre cen­tre deviné

***

Auras-tu le temps
De cette buée sur les vitres
Le temps d’un matin de printemps
Quand l’heure est arrimée
A la poignée de main
A l’odeur du pain chaud
Au rire d’un enfant

Auras-tu le temps un instant
De pren­dre enfin le temps

Auras-tu le temps
De ton dernier poème

***

Et après tout qu’importe la fin
Tu es venu ici-bas
Pour inscrire ce qui naît

Tu es venu ici-bas
Pour vivre un court instant
Ce qui n’a pas de fin
 

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