Equinox

I must keep from break­ing into the sto­ry by force
for if I do I will find myself with a war club in my hand
and the smoke of grief stag­ger­ing toward the sun,
your nation dead beside you.

I keep walk­ing away though it has been an eternity
and from each drop of blood
springs up sons and daugh­ters, trees,
a moun­tain of sor­rows, of songs.

I tell you this from the dusk of a small city in the north
not far from the birth­place of cars and industry.
Geese are return­ing to mate and cro­cus­es have
bro­ken through the frozen earth.

Soon they will come for me and I will make my stand
before the jury of des­tiny. Yes, I will answer in the clatter
of the new world, I have bro­ken my addic­tion to war
and desire. Yes, I will reply, I have buried the dead
and made songs of the blood, the marrow.

 

Equinoxe

Je dois me garder de faire irrup­tion en force dans l’histoire
car si je le fais je me retrou­verai avec une mas­sue en main
et la fumée du cha­grin titubant vers le soleil,
ta nation morte à tes côtés.

Je con­tin­ue de marcher bien que cela fasse une éternité
et de chaque goutte de sang
jail­lis­sent fils et filles, arbres,
une mon­tagne de pleurs, de chansons.

Je vous racon­te cela depuis le cré­pus­cule d’une petite ville du nord
pas loin du lieu de nais­sance des voitures et de l’industrie.
Les oies revi­en­nent pour s’accoupler et les crocus
ont per­cé la couche de terre gelée.

Bien­tôt ils vien­dront me chercher et je me tiendrai
debout devant le jury du des­tin. Oui je répondrai dans le fracas
du nou­veau monde, j’ai brisé mon addic­tion pour la guerre
et le désir. Oui, je répli­querai, j’ai enter­ré les morts,
et du sang j’ai fait des chan­sons : la moelle.

 

Eagle Poem  

To pray you open your whole self
To sky, to earth, to sun, to moon
To one whole voice that is you.
And know there is more
That you can’t see, can’t hear;
Can’t know except in moments
Steadi­ly grow­ing, and in languages
That aren’t always sound but other
Cir­cles of motion.
Like eagle that Sun­day morning
Over Salt Riv­er. Cir­cled in blue sky
In wind, swept our hearts clean
With sacred wings.
We see you, see our­selves and know
That we must take the utmost care
And kind­ness in all things.
Breathe in, know­ing we are made of
All this, and breathe, knowing
We are tru­ly blessed because we
Were born, and die soon with­in a
True cir­cle of motion,
Like eagle round­ing out the morning
Inside us.
We pray that it will be done
In beauty.
In beauty.

Poème aigle

 

Pour prier tu ouvres ton être en entier
Au ciel, à la terre, au soleil, à la lune
A une voix son tout qui est toi.
Et sache qu’il y a plus
Que tu ne peux voir, ne peux entendre ;
Ne peux savoir sauf en des moments
De crois­sance sta­ble et dans les langues
Qui ne sont pas tou­jours son mais d’autres
Cer­cles de mouvement.
Comme l’aigle ce dimanche matin
Au-dessus de la Salt Riv­er. Il tour­nait dans le ciel bleu
Dans le vent, il net­toy­ait nos cœurs
de ses ailes sacrées.
Nous te voyons, nous voyons et savons
Que nous devons pren­dre le plus grand soin
Man­i­fester la plus grande gen­til­lesse en tour­tes choses.
Respir­er, sachant que nous sommes faits
De tout cela, respir­er, sachant que
Nous sommes vrai­ment bénis car nous
Sommes nés et mour­ront bien­tôt à l’intérieur
Du véri­ta­ble cer­cle du mouvement,
Comme l’aigle enroulant le matin
En nous.
Nous pri­ons que cela se déroule
Dans la beauté,
Dans la beauté.

 

This is my heart

 

This is my heart. It is a good heart.
Bones and a mem­brane of mist and fire
are the woven cover.
When we make love in the flower world
my heart is close enough to sing
to yours in a lan­guage that has no use
for clum­sy human words.

My head, is a good head, but it is a hard head
and it wirrs inside with a swarm of worries.
What is the source of this singing, it asks
and if there is a source why can’t I see it
right here, right now
as real as these hands hammering
the world together
with nails and sinew?

This is my soul. It is a good soul.
It tells me, “come here for­get­ful one.”
And we sit togeth­er with a lilt of small winds
who rat­tle the scrub oak.
We cook a lit­tle something
to eat: a rab­bit, some sofkey
then a sip of some­thing sweet
for memory.

This is my song. It is a good song.
It walked for­ev­er the bor­der of fire and water
climbed ribs of desire to my lips to sing to you.
Its new wings quiver with
vulnerability.

Come lie next to me, says my heart.
Put your head here.
It is a good thing, says my soul.

 

Voici mon cœur.

 

Voici mon cœur. C’est un bon cœur.
Os et mem­brane humide et flammes
en sont la cou­ver­ture tissée.
Quand nous faisons l’amour dans le monde fleur
mon cœur est suff­isam­ment près pour chanter
au tien dans une langue qui n’a pas cours
chez les mots humains maladroits.
.
Ma tête, est une bonne tête, mais elle est dure
et dedans vrom­bit un essaim de soucis.
Quelle est la source de ce chant,  questionne-t-elle
et s’il y a une source pourquoi ne la vois-je pas
ici, main­tenant aus­si réelle que ces mains 
marte­lant le monde
de ses ongles et de ses tendons?

Voici mon âme. C’est une bonne âme.
Elle me dit « viens ici toi l’oublieuse.»
Et nous nous asseyons ensem­ble en com­pag­nie de petits vents
qui grin­cent en cadence dans le tail­lis de chênes.
Nous cuisi­nons un petit quelque chose de doux pour
la mémoire.

Voici ma chan­son. C’est une bonne chanson.
Elle longeait éter­nelle­ment la fron­tière du feu et de l’eau
grim­pait les côtes du désir jusqu’à mes lèvres afin de chanter pour toi.
Ses ailes nou­velles fris­son­nent de
vulnérabilité.

Viens t’allonger près de moi, dit mon cœur.
Pose ta tête ici.
C’est une bonne chose, dit mon âme.

 

Per­haps the World Ends Here

 

The world begins at a kitchen table. No mat­ter what, we must eat to live.

The gifts of earth are brought and pre­pared, set on the table. So it has been since cre­ation, and it will go on.

We chase chick­ens or dogs away from it. Babies teethe at the cor­ners. They scrape their knees under it.

It is here that chil­dren are giv­en instruc­tions on what it means to be human. We make men at it, we make women.

At this table we gos­sip, recall ene­mies and the ghosts of lovers.

Our dreams drink cof­fee with us as they put their arms around our chil­dren. They laugh with us at our poor falling-down selves and as we put our­selves back togeth­er once again at the table.

This table has been a house in the rain, an umbrel­la in the sun.

Wars have begun and end­ed at this table. It is a place to hide in the shad­ow of ter­ror. A place to cel­e­brate the ter­ri­ble victory.

We have giv­en birth on this table, and have pre­pared our par­ents for bur­ial here.

At this table we sing with joy, with sor­row. We pray of suf­fer­ing and remorse. We give thanks.

Per­haps the world will end at the kitchen table, while we are laugh­ing and cry­ing, eat­ing of the last sweet bite.

 

Peut-être le monde com­mence ici

 

Le monde com­mence à une table de cui­sine. Peu importe quoi, nous devons manger pour vivre.

Les dons de la terre sont apportés et pré­parés, mis sur la table. Il en a été ain­si depuis la créa­tion et cela continuera.

Nous chas­sons les poulets ou les chiens pour les en éloign­er. Des bébés se font les dents à ses coins. Ils s’usent les genoux dessous.

C’est ici que les enfants reçoivent les instruc­tions rel­a­tives à ce que veut dire être humain. Nous faisons des hommes à table, nous faisons des femmes.

A cette table nous bavar­dons, nous évo­quons le sou­venir d’ennemis et les fan­tômes d’amants.

Nos rêves boivent du café avec nous alors qu’ils pren­nent nos enfants dans leurs bras. Ils rient avec nous de nous-mêmes déchus alors que nous nous rassem­blons encore une fois à la table.

Cette table fut une mai­son sous la pluie, un para­sol sous le soleil.

Les guer­res ont com­mencé ont fini à cette table. C’est un endroit où se cacher dans l’ombre de la ter­reur. Un endroit où célébr­er la ter­ri­ble victoire.

Nous avons don­né nais­sance sur cette table et avons pré­paré nos par­ents aux funérailles.

A cette table nous chan­tons avec joie, avec cha­grin. Nous pri­ons pour la souf­france et le remord. Nous remercions.

Peut-être le monde fini­ra à la table de la cui­sine, pen­dant que nous rions et pleu­rons,  que nous man­geons la douce et dernière bouchée. 

 

Tra­duc­tion : Béa­trice Machet

image_pdfimage_print