Sur la motte la plus basse, un Bou­vreuil… sa gorge a la couleur de la lune d’avril. Il était pour par­tir quand je suis arrivé. » (René Char)

 

 

 

Hier au soir
L’air dans la nuit coupante
Et un tombereau d’étoiles
Qui tra­versent le ciel
Etoiles froides et brillantes
Comme la mort

 

La braise sous la cendre
Restée ardente tout un jour
Sym­bole de renaissance
Comme les boules des pamplemousses
Dans le feuil­lage ciré
Au fond du jardin



Nous pas­sions et repassions
Devant la mer très bleue
Le Beau Rivage
Le paysage vrai­ment idéal de la Prom­e­nade des Anges
Rien de laid ni d’angle (s) dans cette promenade
Et je mor­dais mes lèvres
De ne pou­voir descen­dre sur la grève mouillée
Cueil­lir un dernier hommage
Pour la momie de glace en allée
Que tu avais pris pour dernier visage

Il y aura hom­mage de mou­ettes et d’écume pour lui
Toute cette semaine

J’aurais voulu un galet odorant
Un galet mouil­lé de la mer
A l’odeur d’oursin et d’iode
Une pierre lourde et ronde
Un œuf qui te par­le de
La nais­sance de la mer

J’ai intéri­or­isé la loi
Jeter un galet joli du Cap F…
Arron­di comme une tortue bleue à points blancs
Au fond du caveau familial
Cela résonne – coup sur la grosse caisse de la mort
Un lest pour le corps léger du pau­vre défunt
Un coup de gong qui n’ouvrait rien
Pour qu’il tienne mieux dans le grand froid qui l’emporte
(Les Grecs met­taient de petits cail­loux sur les morts)
Un galet de mer
Par­don s’il ne venait pas directe­ment de la mer
Mais t’y ramène – avec une ficelle roulée autour et une minus­cule lettre
Où je dis­ais : « voilà pour toi la mer aimée »
« Ton fils qui t’aime » etc.
Quelques mots sans art
J’aurais voulu qu’ils vien­nent directe­ment de la mer
J’ai intéri­or­isé cette loi
Fal­lait-il deman­der la per­mis­sion de le faire ?
Pren­dre la rose publique – rose rose, rose jaune, rose bleue
La rose ten­due… et perdue
Le trou pro­fond dans la terre grasse
Un homme l’a creusé de sa fatigue
On voit le ver­nis du bois qui brille
Trop rapi­de­ment jetés sur la boîte
Les nar­ciss­es blancs l’odeur violente
Le par­fum sauvage de ces fleurs entre-t-il dans tes nar­ines gelées
Père aimé qui fai­sait sem­blant de ne pas aimer
Ou de trop aimer ?
C’est ton jardin
Cette odeur
Je jette rageuse­ment les branchettes d’olivier
Les nuages du mimosa reliés par des fils invisibles
Sur le bois dans le trou sur la terre
J’ai intéri­or­isé cette loi
Je con­nais le poids d’une vie
Le par­fum des fleurs du print­emps pré­coce de janvier
Il remonte comme l’odeur d’éternité de ta vie détruite
De père aimé qui jouait à ne pas aimer

Quelques jours après
Il y avait des médus­es dans la mer
Des petites médus­es mauves ou blanches
Qui voltigeaient entre deux eaux
Comme des âmes gelées


Nous avons revê­tu nos com­bi­naisons bleues pour ramon­er la mer prodigue. Celle-ci se lais­sait fendre comme une lèvre de glace. Et nous avan­cions loin dans cette entaille aus­sitôt refer­mée der­rière nous. C’au­rait été presque beau de mourir entre les bras de cette amante froide. Mais à chaque jour suf­fit son poète. A chaque jour suf­fit sa peine. La mort est un tra­vail lent et minu­tieux. Alors, nous sommes revenus vers les rayons juteux du soleil. Le sang s’est remis à couler rouge dans nos veines, le vin dans les gob­elets. Et l’épiderme de la peau d’une baigneuse clig­no­tait en dents de morse le mot « espérance » en plusieurs langues. Mais nous n’en savions aucune.

Mes chers amis
Ce sera une joie de revenir
Du monde souter­rain où mon père est retenu
Comme un plongeur au fond de l’abîme.
L’expérience sera celle du pois­son frôlant la mort
Avant de rejail­lir dans le soleil et dans la mer

 

 

Jacques Kober (1921–2015) est né dans une famille alsa­ci­enne, passée en France, en 1914, puis instal­lée sur la Côte d’Azur, en 1932. Encore étu­di­ant en licence de let­tres à Aix, il décou­vre La Petite antholo­gie du sur­réal­isme de Georges Hugnet, puis fait la ren­con­tre d’Aimé Maeght en 1944. Il sera médail­lé réfrac­taire du S.T.O alle­mand. Maeght le charg­era de pub­li­er la revue « Pierre à feu » et d’animer la col­lec­tion « Der­rière le miroir ». Organ­isa­teur pour la galerie Maeght de l’exposition « Le Sur­réal­isme en 1947 », édi­teur d’Aimé Césaire, Paul Elu­ard, Guille­vic, Saint-Just aux Edi­tions Réclame (Nan­terre) dont il fut le fon­da­teur en 1949. C’est un poète proche de l’esprit sur­réal­iste. Act­if un temps dans le sur­réal­isme révo­lu­tion­naire, mil­i­tant com­mu­niste de 1948 à 1956, puis gaulliste, grand admi­ra­teur de Paul Elu­ard, André Bre­ton et René Char, ami entre autres de pein­tres comme Bram Van Velde, ou de poètes comme Yves Mar­tin, Il redé­marre une car­rière poé­tique à la fin des années 70, puis à par­tir des années 80 pub­lie de nom­breux recueils aux édi­tions Saint-Ger­main-des-Prés, chez Guy Cham­bel­land ou Maeght… Il est décédé lun­di 19 Jan­vi­er 2015 dans la matinée.

 

Bib­li­ogra­phie (sélec­tion)

·  André Bre­ton per­siste, cahi­er col­lec­tif, dossier sous la direc­tion de Jacques Kober, revue remue-méninges, imprimé en Bel­gique, 2011

·  ·  Etude sur Gilbert Rigaud, dans Diérèse n°54, 2011

·  La Tunique, l’Amouri­er, 2011

·  Bram Van Velde et ses loups, mono­gra­phie, 9 let­tres inédites, 2e édi­tion, la Bar­tavelle, 2010

·  Pho­to de classe de Mater­nelle, poème inédit en cinq stro­phes, accom­pa­g­né de deux gravures poly­chromie-relief orig­i­nales et inédites, plein for­mat de Hen­ri Baviera, sous cou­ver­ture réal­isée à la main, aquarel­lée, edi­tion arte-lib­ris peyc­ervi­er, 2009

·  Le pur­ga­toire des étoiles, Musée d’Art Mod­erne et con­tem­po­rain de Cordes-sur-Ciel, 2008

·  Travaux man­u­scrits aux éd.Le Livre Pau­vre (Prieuré St Cosme) avec 7 artistes: A. Bon­grand, M‑Cl. Bugeaud, J‑M Fage, A. Frédéric, J. Ler­oux, F. Nal­ban­di­an et Y. Stre­ga (2003 à 2007)

·  Mono­gra­phie sur le pein­tre Jean-Marie Fage, 83 repro­duc­tions couleur, Ed Fage, Lyon, 2007

·  L’i­nus­able des lèvres, poème, Edi­tions Maght, 2007

·  Impres­sions du Hog­gar, 4 gravures en couleurs par Hen­ri Baviera, Ed. Musée d’art con­tem­po­rain de Cordes sur Ciel, 2007

·  Le Créole des dieux, dossier par Jean-Michel Robert, Ed. Revue Décharge, tiré à part, 2006

·  Un temps fustigé par la mer, édi­tions Maeght, bilingue français/italien, avec 9 lithos orig­i­nales de Vale­rio Adami,2006

·  L’aubier de la rose (Matisse du mot au dessin), édi­tions RMN, 2004, disponible dans tous les musées nationaux.

·  L’an­niver­saire de la lune, édi­tions Le livre pau­vre, 2003

·  Con­nemara black Pré­face de Daniel Leuw­ers éd. Rafael de Sur­tis, 2003. édi­tion bilingue française/anglaise

Bib­li­ogra­phie (dernières publications)

·  André Bre­ton per­siste, cahi­er col­lec­tif, dossier sous la direc­tion de Jacques Kober, revue remue-méninges, imprimé en Bel­gique, 2011

·  Etude sur Gilbert Rigaud, dans Diérèse n°54, 2011

·  La Tunique, l’Amouri­er, 2011

·  Bram Van Velde et ses loups, mono­gra­phie, 9 let­tres inédites, 2e édi­tion, la Bar­tavelle, 2010

·  Pho­to de classe de Mater­nelle, poème inédit en cinq stro­phes, accom­pa­g­né de deux gravures poly­chromie-relief orig­i­nales et inédites, plein for­mat de Hen­ri Baviera, sous cou­ver­ture réal­isée à la main, aquarel­lée, edi­tion arte-lib­ris peyc­ervi­er, 2009

·  Le pur­ga­toire des étoiles, Musée d’Art Mod­erne et con­tem­po­rain de Cordes-sur-Ciel, 2008

·  L’i­nus­able des lèvres Maeght edi­teur (2007)

·  Travaux man­u­scrits aux éd.Le Livre Pau­vre (Prieuré St Cosme) avec 7 artistes: A. Bon­grand, M‑Cl. Bugeaud, J‑M Fage, A. Frédéric, J. Ler­oux, F. Nal­ban­di­an et Y. Stre­ga (2003 à 2007)

·  Mono­gra­phie sur le pein­tre Jean-Marie Fage, 83 repro­duc­tions couleur, Ed Fage, Lyon, 2007

·  L’i­nus­able des lèvres, poème, Edi­tions Maght, 2007

·  Impres­sions du Hog­gar, 4 gravures en couleurs par Hen­ri Baviera, Ed. Musée d’art con­tem­po­rain de Cordes sur Ciel, 2007

·  Le Créole des dieux, dossier par Jean-Michel Robert, Ed. Revue Décharge, tiré à part, 2006

·  Un temps fustigé par la mer, édi­tions Maeght, bilingue français/italien, avec 9 lithos orig­i­nales de Vale­rio Adami,2006

·  L’aubier de la rose (Matisse du mot au dessin), édi­tions RMN, 2004, disponible dans tous les musées nationaux.

·  L’an­niver­saire de la lune, édi­tions Le livre pau­vre, 2003

·  Con­nemara black (à pro­pos d’Ir­lande et de Guin­ness) Pré­face de Daniel Leuw­ers éd. Rafael de Sur­tis, 2003. édi­tion bilingue française/anglaise

·  Recettes véni­ti­ennes avec 10 lith­o­gra­phies de Ray­mond Mason) Maeght édi­teur, 2002.

·  L’eau de Venise aux clapots d’alchimie, éd. Mataras­so, 2002.

·  Chang­er d’é­ter­nité, éd. Rafael de Sur­tis, 2001. En Inde.

·  Boc­ca­ta d’os­sigeno , éd. de la revue NU(e), illus­trée par Gérard Serée, 1999.

·  Jas­min tu es matelot, éd. Rafael de Sur­tis, 1998.

·  La dis­pari­tion Felli­ni, éd. Rafael de Sur­tis, 1997.

·  Les mains éblouies (la pein­ture du demi-siè­cle), litho orig­i­nale d’An­dré Marc­hand, Pré­face de Xavier Girard, 6 let­tres inédites de Matisse, 50 doc­u­ments d’époque 1945–1950, édi­tions Gilet­ta, Nice, 1996.

·  Un pig­ment d’hori­zon, antholo­gie de poèmes sur quar­ante ans, études, pho­tos, témoignages… édi­tions La Bar­tavelle, 1993.
 

 

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