Avec ce vol­ume com­posé de trois recueils, Marin à terre, L’Amante et L’aube de la giroflée, la col­lec­tion de poche « Poésie » des édi­tions Gal­li­mard donne à lire le pre­mier cycle poé­tique de Rafael Alber­ti, écrit et conçu ain­si entre 1924 et 1927. Il s’agit d’une poésie faite d’empathie avec l’Espagne du lit­toral et la vie de la mer, les flots autant que les hommes.

Marin à terre 1

La mer. La mer.
La mer. Rien que la mer !

Pourquoi m’avoir emmené, père,
à la ville ?

Pourquoi m’avoir arraché, père,
à la mer ?

La houle, dans mes songes,
me tire par le cœur
comme pour l’entraîner.

Ô père, pourquoi donc m’avoir
emmené ?

 

La poésie d’un homme qui marche à tra­vers les pays ruraux aus­si. Un regard posé sur la beauté des paysages de cette époque d’avant la guerre. C’est donc le pre­mier Alber­ti, celui d’avant l’hommage à Gongo­ra et d’avant le tra­vail dans l’atelier du surréel.
Marin à terre est le pre­mier recueil d’un poète aujourd’hui con­sid­éré comme l’un des plus impor­tants d’Espagne. Alber­ti l’a pro­posé pour le Prix Nation­al de Lit­téra­ture et en fut le lau­réat. Le livre a été édité en 1925.  Il avait 23 ans. Cela mar­que son entrée dans le monde de la poésie et son retrait de sa pre­mière ten­ta­tion, celle de la pein­ture. Un choix qui est aus­si lié à une mal­adie qui l’oppresse. Le prix ? Alber­ti y gagne un peu d’argent et de notoriété, cela le con­duit à ren­con­tr­er Gar­cia Lor­ca, Dali, Bunuel, et à pub­li­er dans des revues d’intérêt, comme Si, dirigée par Juan Ramon Jimenez, ou la Revista de Occi­dente, revue de Orte­ga Y Gas­set. Ce n’est pas encore le temps du par­ti com­mu­niste. Dès 1924, il dédie un groupe de poèmes à Gar­cia Lor­ca, dont celui-ci :

 

1. (Automne)

Cette nuit où le vent et son stylet
poignar­dent le cadavre de l’été,
j’ai vu, dans ma cham­bre, se dessiner
ton vis­age brun au pro­fil gitan.

La vega fleurie. Les fleuves, alfanges
rou­gies par le sang vir­ginal des fleurs.
Lau­ri­ers-ros­es. Chau­mines et prairies.
Et dans la sier­ra, quar­ante voleurs.

Tu t’es réveil­lé sous un olivier,
avec près de toi la fleur des comptines.
Ton âme de terre et brise, captive…

Lors aban­don­nant, très doux, ses autels,
l’ange des chan­sons est venu brûler
devant toi une ané­mone votive.

 

Il faut oser cela, dans l’Espagne des années 20.
1926. Le pre­mier cycle de poèmes de Rafael Alber­ti est terminé.

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