Rassem­blons donc puisque la nuit s’approche
nos hési­ta­tions & nos couteaux trop tôt
aigu­isés sur la margelle des ponts

rassem­blons nos ver­tiges au regard glacé
nos caress­es au pied des arbres anciens
les bru­ines unis­sant nos lèvres & nos mains

rassem­blons les herbes trop tard coupées
nos gestes inqui­ets au-dessus des tombes
les épis bruis­sant dans le crépuscule

rassem­blons les sen­tiers qui se croisèrent
sur notre chair hiver­nale & blafarde
qui labourèrent l’énigme du dédale

rassem­blons donc puisque la nuit se lézarde
nos armes & nos har­nais & nos ardeurs
désunies & nos caprices funèbres

rassem­blons les soli­tudes au faîte des arbres
les ran­cunes ralen­ties que nous avons graciées
nos ongles cassés en pétris­sant l’amour

& ce n’est que jus­tice car nous avons perdu
nos plus douces chan­sons dans le linge sale
nos plus coléreuses clameurs dans le gaspillage
des vents & des voy­ages dévastés
nos plus pru­dentes lec­tures des livres saints

& ce n’est que jus­tice car nous sommes étrangers
bâtards dénudés flat­tant la cambrure
des voiles & la fugac­ité des bougies

 

 

extrait de Les Belles Choses – Paul Dirmeikis – Edi­tions de L’Eveilleur (2014)

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