Chroniques des voy­ages sans retour a été pub­lié en 1991 aux édi­tions Rougerie et a obtenu le prix de l’Académie des March­es de l’Est. La mai­son d’édition pub­lie un grand nom­bre de ses recueils.

Dans Chroniques des voy­ages sans retour, Roland Reutenauer fait renaître la fig­ure du Wan­der­er des Roman­tiques alle­mands. Sur les pas du jeune Werther de Goethe, le poète déam­bule dans les cam­pagnes rhé­nanes. Poésie des sen­sa­tions, le texte nous trans­porte à tra­vers temps et espace : les saisons et les lieux défi­lent dans cet imag­i­naire comme sur l’écran blanc des sou­venirs d’enfance. Le poète s’inscrit en « pas­sager » de ce monde et paraît sous les traits du « Rom ». Vis­age aux mul­ti­ples facettes, il est tour à tour « celui qui a peur de se per­dre », « celui qui regarde en arrière », « celui qui pié­tine », « celui qui repart à zéro ». Sur­git alors une poé­tique du pied – « mouil­lé » d’avoir foulé les « prés » – tant dans la tra­ver­sée spa­tiale et métaphorique, que dans l’enchaînement d’alexandrins, d’octosyllabes et déca­syl­labes qui peu­plent les poèmes comme des fan­tômes de Rain­er Maria Rilke à « Muzot ». Autant de détours qui enrichissent le recueil d’images bucol­iques. Chaque poème est une fenêtre ouverte sur l’extérieur, petit rec­tan­gle dont la brièveté sup­porte tous les rap­proche­ments qui ral­lu­ment l’œil de la métaphore :

 

       je glorifie
le jour en méduse aveu­gle       pulse vole pulse vole
vivant de mots qui me sont d’ardentes Espèces

Roland Reutenauer sème en nous ses « cail­loux », avatars de la graine du semeur, comme autant de pos­si­bil­ités de faire des ric­o­chets dans l’onde qui s’étire, comme autant de « pos­si­bles » ouverts par les mots qui réson­nent. Poète et lecteur marchent à présent côte à côte, ne dis­tin­guant plus les mots du monde, si proches à quelques let­tres près :

 

Fini de nouer le monde en bouquet
sur la table       de souf­fler les couleurs
dans tes mots        prête langue et chemins
au récur­rent désir de se taire
tu march­es dans la réal­ité songeuse
et dis­parate       le vent com­pulse les érables
du bord feuille à feuille et divulgue

Ain­si, des « jours » pre­miers – poèmes lim­i­naires du recueil – au « soir » du Wan­der­er, le poète s’abandonne peu à peu au silence, pré­façant un « ailleurs » de la vie. Il n’est plus ques­tion d’un Sturm und Drang mais d’une renais­sance à la vie et à la poésie, d’un pied à l’étrier :

 

advenir comme demain
 

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