Spams.
1. chers
amis
avons vu passer
beaucoup d’âges d’or
chers
amis
cousus au zoo
des élégies modernes et
ratées / contemporaines des
zozos à longue vie
vivre mieux vivre mieux
vivre long long long
comme / comme un
vrai n°21
21 grâces
une pincée de réjouissances
sur les morts à
longue-vue
nous
je dis nous sommes
nés sommes d’ennuis
banquaux c’est
bingo pour la fatigue se
trainer à deux pattes plus loin bien plus
longtemps
que les n°19 ou n°16 ou
n°14 (quand sévissait
la peste noire) et même n°20 (mais
seulement
tziganes
juifs
pédés
chinois
koulaks
maçons
et quelques autres
malchanceux pas
veinards – et arméniens ça
c’est important il y a
une loi – et
bon ils ont bien
souffert / les recettes
se sont perdues)
le peuple des
criquets il a
bien souffert il en
profite maintenant
qu’un poème ne fait ni
vivre ni
mourir Bienvenus
aux n°21 Bienvenus (!)
2. va-t-en la souillarde va
consumer ses plumes comme
Icariot notre pater écarté
sur un chevalet sans
pinceau dérapé le pinceau
dérapé et maudit
va-t-en
l’homme a même oublié
le savoir de la mort
il ne sacrifie plus
va-t-en
Christ-drone ne boit ni
vin ni ne mange pain et
soif d’électricité et d’eau
noire le ronge
va-t-en
le bien est venu
le bien terrible qui
arrache tripes et pulpe
à la bouche et au nez
va-t-en
même les volcans n’osent
troubler le sommeil
des honnêtes et bons
et braves individus /
race d’aviateurs race
perdue à la mort perdu
l’équilibre des vivants (!)
va-t-en
les amis n’ont pas
décollé les amis n’ont
pas d’ailes les amis
rampent sur le crouton
et se grattent la tête
pensifs pensifs mes
chers
amis
va-t-en
sentir le savon tout
sent l’hôpital et le fil
tendu presque raz au clos
de la nuit ne veut pas se
rompre le bâtard
de fil ne veut pas
va-t-en
dans les tombes
salamandrines recueille
toi tes mânes et tes dieux
c’est un talisman lézardé
comme une écorce d’arbre comme
les arbres à la sève
corsée la sève par
chair et racines dans
les tombes
va-t-en
car ici c’est l’extase si
le bras est de chair
on dodeline et baillons
les bouches gavées de cailloux
roses comme mondes
va-t-en
car ici c’est rire fausse
et grande misère de
souffrance grande
misère de morts
absents et de joie
va-t-en
car c’est ici l’ordalie
du nom bredouille et
pagaïe du nom
bègue
3. on nous évente on
gueule les nouvelles du
jour
oh règne vif
des saisons lyriques
à l’opéra Magnificat
parisien des balais à
merde
les écorchés
c’est nous et notre règne
d’ignorance
oh le sang
d’encre versifié
dans les égouts aux grilles
des maisons bourgeoises Neuilly
Neuilly (!) Asnières brûle
et se lamente du sang
versé
pays à la perspective peuplée
d’endormis à demi
sommeil trouble le
sommeil de ceux
là vessie trop lourde pour le repos
et mordillent nos
mollets mal
arqués
c’est l’arc démembré d’Est
et l’Ukraine
sombre d’étincelles recluses
en poussière
c’est l’arc
impossible des mots
pour dire la présence
et les morts sont seuls à
psalmodier des cantiques
désormais la mer morte s’est
étendue jusqu’
aux intimes replis du
sommeil qui
vague à vague rince
mémoire et
morale publique
infecte et
nonchalante je suis
receleur
des jeunes pousses de bambou
sorties du parquet ciré de l’opéra
(ballerines de Degas de lune
et de swing)
ballerine
tes lèvres mâchent le brume
et ton rire éclot sur ma bouche
comme l’eau dans un cristal –
midi se partage bien tôt dans tes yeux
dans tes mailles de feu
fendent les ors grisés jaune vin
lèvres à la liqueur
sucrée – peut-être
leur goût m’est inconnu comme dieu
comme dieu tu donnes l’absent
et son absence la tige sans
pétales tu donnes sans
donner
tu es du chant l’univers
et le centre le soleil
se levant aux horizons tes mains
brûlent d’extases l’horloge
de lumière sonne
ton règne millénaire
4. la claire de sol roule sous la table
et roule son dos sol accoudé
sur table pas
un cri pas un ré
juste vertige et tendre te saisit
toi
dansée dans le creux coupole
aux lèvres buste courbé tête
renversée tu bascules
et tu ris
(chemin le plus pur
de tes lèvres
à mes lèvres)
pour te prendre et
mourir et
(brame le monde sous
mes soupirs pleurnichards)
te graver sur le front
ton nom les anciens
Juifs le faisaient
mais
le bègue blanchi à la crête
des espaces mouvants
prit son cor
et sonna la retraite
j’ai été au bord du grand secret
dira-t-il d’une vacille blafarde
mais l’os
qui faisait pont s’est
brisé d’un
soc et la rose terre
fut
brûlée entre deux
siècles qui
serviront aux hérons
sauvages d’envol
et de ramage
5. mais
il est
empêché
la garce poétique
ne fait jour / nuit
qu’en jeu futile et
adorateur du sens
unique cycle qui
contente les médiocres
et l’amateur de lois et
de décrets
/ /
donnez-moi au Grand
Voyageur donnez-moi
des clous pour mes vers
je n’aime rien tant mon
cœur que la mitraille et
les clous
les clous pour châtrer
les tours des eunuques démo-
crates
et les
fulgurances aussi
de la zone / chers
zonards mes amis
babillards du monde au cœur
du monde
je vous connais à
Babi Yar / sol fertilisé
par tant de boyaux serpentins
de chair vive douleur
pleine du silence de
la forêt orgueilleux
silence des corps
que l’on a forcé
comme un secret
c’est moi
dans la famine de
Kharkov à traquer
un bout de cuir et
mâchonnant le ventre
aphone
c’est moi Babi
Yaroslav grand prince de
Kiev / sage aux mille et
trois cheveux qui fleuvent
et plainent –
taïgisent l’humus du
bouleau sibérien – trompettiste
étourdi – ensteppent
et montagnent de
Leningrad l’embaumée
aux îlots bridés du
Kamchatka /
au milieu des pins
secoués par le Dniepr au
nombreuses roussalkas
gardien des charniers et
des squelettes
nomades piochant aux côtés de Yahvé la terre
morose des hivers ukrainiens
célèbre lacérée célèbre le
sang comme celui d’un
hommage viril et
païen
6. car les
mots ne sont que
rompus et sableuse étendue léchée
par une eau d’oubliettes et
de résidus (loin les torpeurs de
l’océan qui essaime en peurs au
rivage)
et de violence grandiloquente
et de pogroms naufragés
en ricochets et
caillots
c’est que je suis un mauvais
parolier et
à qui veut parler
il n’est pas permis
7. assez de voix vareuses
comme des petits picotements
sur les bras
vive décembre crapuleux
et canaille (!)
sur le place aux grelots Chosta-
kovitch grelottant on se dit
Entre 1905 et 1917 l’impair
clavecin et sa mécanique
a joué bien des tours
aux non-nés
et tintent les
grelots des troïkas
politiques
tu n’es
pas sage Dmitri
tes chansons paillardes sont
marches militaires
ou Haydn que tu
glisses symphonique frère (!)
frère (!) allons danser
le fox-trot ou
le tahiti juice (!)
sur la place
rouge fané allons violons
de l’infamie sonner à mes oreilles
une dernière fois ! pitié / pitié
pour mes échos à mon
détour (!)
dans les bras
de la surdité me reposer
une fois / une fois / pitié !
après toi
se crever les tympans et
mourir moignon déchiqueté /
chicot jaune-faucille /
le violon
entre deux cuisses
et pourquoi moi
ma voix ne me fera ni vivre ni
mourir ? pourquoi ?
chaque note est
dernière respiration – mes mots ne sont rien
que des baudruches de paille /
j’ai tenté oui
j’ai tenté d’y foutre le feu
tout était mouillé
8. pas un flamboiement
Dmitri pas même
une putain de flammiole ni
flammèche apeurée
fait ronron doux
ronron du feu et
chaleur et
lumière n’est-ce pas ça
que cherche l’homme
9. moi-même pris
dans la toile mes purs onglets
très haut dédiant leur onyx
à l’hapax
tape
ta pine
contre mon con
me chantaient les sirènes
dans le chant de la nuit /
mélopée persane comptine
oublieuse (nous le transcrivons
ici en VF mes sirènes n’étant
pas polyglottes)
l’icône avec son sale
regard
d’insecte fixe
triste moi
miaule-moi
miaule-moi (!)
dans la soucoupe
volante de Varèse avec
turbines et réacteurs
allumés au-dessus du
grand vide usines / sirènes
grand désert d’usines sonnent comme
en quatre les cloches du
épisodes pays
….….….….….….. … …. ….……
les autres portent leur
cloaque inversé à bout
de sang et
de chiasse c’est
qu’on en verse des
mômes
dans les drapés
créculescents de l’aurore comme
un début de quelque chose tinte
peut-être (?) farewell farewell
coulés sur l’icône / lave ou
larme encroûtée
de prières sèches
les hauts-parleurs
proclament le cortège
nuptiale des saintes le
cul en rond la peur
qui mousse à l’oeillet
/
Icône tombe et engourdis-toi !
chante pour un homme qui voit
maintenant les choses invisibles !
ils sont méchants ils sont méchants
ceux qui ont tourné leurs yeux en dedans
n’ayant trouvé que sable humide et
marécages bruns car le crabe embroché
tremble le crabe a tremblé
de paroles lourdes et
insupportables
mes lèvres retiennent des flots
ma bouche est une fosse
sceptique
entends les souffrances d’un jeune nocturne !
entends celui qui a bu l’eau de mains non lavées !
entends je dis da ! je dis des das à ta douleur
je dis da !
mes apôtres marchent au pas de l’oie
boiteux boiteux poussant
des brouettes et portant
de grands sacs de toile sur
le dos / et de grands masques sur
le visage ce sont
des troubadours nouveaux et
serviles
ils débarquent offshores
par cargos entiers en sifflotant
du Wagner et
nous accablent de démocratures
ceignant les têtes couronnes
d’épines new-age
grande fierté
très grande fierté
d’être Sioux piou-piou
aux plumes rapiécées
des Grecs
10. les comme il faut les
philistins vulgaires les
les glabres efféminés et glaireux
les Buvards urbains les
Pécuniers pansifs tous
communient tous
sont communards
aux abords des landes offusquées
de béton et
frissonnantes sous
les ponts à rebours
des chemins
campagnes révulsées en
compagnies de grand
chemin
bandits
au centre froissé
gardiens
du tombeau du
tombeau profond
quatre jeunes
filles sont assises
(une comptine
joyeuse les berce qui
chante l’eau du Dniepr) et
cousent et
brodent des tenues
de fête pour le printemps
car il va bientôt falloir se
se marier et
se douloir jusqu’au
tombeau
et l’eau du Dniepr
soulève les consolations
de l’automne prince
de cuivres déchus et
narquois ainsi
le sage cosaque
des contes de quand
j’étais enfant
moque constellé
de rires de glouglous de
noyades les jeunesses
/
là comme auprès d’un
ami les jeunesses ébauchées
dans les champs où le blé
se courbe et charrie les joies
monotones le blé
qu’elles affligent de sifflets et
de bourdons s’émeut
et les fait reines
11. (petit interlude : marchant
sur la pointe des pieds il
s’approcha du frigidaire
l’ouvrit et y trouva
un fœtus congelé
ou deux – sa vue
baissait ainsi que ses
capacités en calcul mental)
on s’écriera que ce n’est
pas de la poésie s’il reste quelqu’un
pour crier s’il reste un
lecteur même un mauvais un
aigri un petit
bourgeois un peu borné un
doxographe à trois pattes
rien que ça rien qu’un
résidu d’intelligence un
pas curieux même un pas
curieux je prends je prends
tout les avides les bons
vivants les imbus les
ubus les agités
du drapeau de l’hymne les
fâcheux les fâchés les procureurs
de l’affiche révolutionnaire
les abrutis les abrutis du bonheur
facile les démocrates même
un démocrate même
lui je l’aimerai comme
on aime un complice
12. ça / n’est-ce pas une belle
image ça ?
/
un pyjama la recouvre
à moitié
son sein gauche est la proie leste
de la soie
et son sein droit trempe à l’écart
dans le jus des nuits
et du tabac
/
oh oui oh
oui applaudissons les
emmurés ah c’est notre siècle jeune
siècle où les claustrophobes construisent des
murs bravo bravo (!) fierté
chérie j’aboie ton nom sous
chaque pierre
(notre métier est un dur
métier il faut donner des images
aux gens comme sous
Pétain le Bref / et trinquer
à leur santé Na zdorovia na na
na na / et tirer la langue / et
des bouffons il en faut aussi
n’est-ce pas (?) / il y a
dans l’air
un amour de Moyen-Âge)
13. je est
-
14. barbu (angelheaded burning) gloire
gloire au moujik
riche aux as c’est lui
le simple d’esprit qui harangue nos
nouveaux Boris meurtriers et
barbus / grâce divine du
poil réconciliant les imbéciles
dans le franglais des vainqueurs
(mais une sagesse perdue
sauf pour quelques-uns
nous enseigne / nous
les mômes du monde plat les
avortés les mômes du déversement / qu’il est
terrible de refuser
l’oracle de sa propre défaite
aux portes du vaincu)
15. rien ne … rien non
plus sur le trottoir les
jupes sans doute l’odeur
d’un rosaire / Marie Marie
nous te prions avec trois
doigts un je-ne-sais …
c’est mercredi c’est jour
de sacre et de cruauté
le printemps lorgne ses
torsades érotiques et
larmes tordues et gris
perle un ciel de chagrins
torves sous un regard et sent
rendu à la lumière
dans son offrande de comédien lui
hiéroglyphe toujours hagard
toujours tracé en ce
qu’il trace
tout doux tout doux
les cendres ah
ah ah la souffrance du signe
aveugle et bleu /
est advenu pourtant un
nouvel amour sans la chair
à feuilleter mon papier jauni
comme un ongle caresse / oh
nouvel amour toréro les
cafés tringlent les bistros
je désire toi la mort
comme présent pour
mon courage car renaissance (!)
renaissance ! tout
renaît
et je refuse
16. la nitchevo en 3/8
/
mortelle sans papier pour
souvenance passe
passe en boucle à Madrid mon amour
sorcier dans les barres vides vite
vite
les boléros d’Europe meurent
dans les halls en grappes de
de zigzags (silences noirs parfois
coquets) / venez donc voir notre boîte
à musique TOUT MOZART ET
TOUT WEBER
(c’est un mensonge
publicitaire bien entendu –
aux amoureux des réverbères
nous disons ouaf)
et les mesures d’opales austraux
pendent lourdes aux lobes
des Vieilles Dames
/
(princesses naguère des eaux
daguerr(é)otypées avant flash
éblouies d’oublier déso-
lé dit-il fumant frais son hash –
nous dirions « shit »
mais c’est moins chic)
/
d’un vert translucide finement
aluminées / et l’oreille du premier
violon pend pend pend / les hélices se font
disons plus messerschmittéenne d’un vert
opaque
et gris-hlm (roses are grey
violets are grey
I am a dog)
pan pan pan pan pan
la grappe éclate
sous le pendule des
Bourses chante la colère et
la nuit ne s’incline plus et
ne se retire plus / et fait le deuil
des rossignols
et s’efface
et pourtant
pourtant ne resplendit
pas dans son effacement /
primaire moisson cueillie dans son sang
d’ombre comme encre
(artificielle sur écran)
ma nuit
17. il faut assez d’obscurités pour se nuer
dans la négligence du mot
presque humblement
18. ubi manus ibi
dolor
19. mes mains rivés au monde
irriguent en leurs lignes claires
obscures le deuil avéré dans sa douleur à
versifier
et dans l’aubade silencieuse
des accouchements
je ne suis que sage-femme
servile et
20. et colérique j’opacifie
les allées qu’emprunte la lumière
car j’abats-jours et leur clartés comme
à regret /
exhalant les nuits très noires et
les grands bûchers dans des mimiques de
nourrisson
21. j’écris pour le tiroir
(à désir errant)