SIX QUESTIONS À PROPOS DE LA POÉSIE

 

 

1

 

    C’est un recueil énig­ma­tique, qui résiste à la lec­ture, qui inter­roge l’acte de lire que Sai­son de Par­adis de Stratis Pas­calis. Le lecteur n’est pas un récep­ta­cle neu­tre à l’é­gard de ce qu’a voulu dire le poète. Le lecteur est fait de ses mul­ti­ples lec­tures et peut se tromper quand il lit une nou­velle œuvre. Et s’il lui fal­lait revendi­quer son droit à l’er­reur, même si au plus pro­fond de lui, il essaie tou­jours de capter l’in­ten­tion de l’auteur ?

 

 

2

 

    Si le titre du recueil est aus­si celui d’un poème, le lecteur trou­vera dans un autre poème, Rose de l’abri­coti­er, une évo­ca­tion du par­adis : “Au-dessus de l’im­age d’un hum­ble par­adis / Sont accrochés cœurs sanglants et coquil­lages”. Vers qui sont à la sem­blance de maints pas­sages du livre où Stratis Pas­calis mêle la lumière et la douleur, belle promesse et bou­quet de cauchemars. Si le lecteur peut trou­ver de mul­ti­ples occur­rences du mot par­adis en lisant ces poèmes, le poète observe le réel, le présent en quête de traces du passé. Mais tout reste obscur dans ces cul­tures qui se mélan­gent . “Ce qui n’a jamais eu lieu […] demeure à jamais” ou “Ce qui n’a pas été rangé aux Archives / […] fut gravé en relief”. Com­ment se repér­er dans ce dédale, dans ce mys­tère ? La poésie peut-elle le permettre ?

 

 

3

 

    Peut-être Stratis Pas­calis dit-il son pro­jet le plus claire­ment dans Patrie ? Sa quête de vérité se con­fondrait-elle avec la quête d’une patrie idéale faite de la con­ver­gence des cul­tures abor­dées frag­men­taire­ment dans un poème ou un autre ?

 

 

4

 

    À lire les poèmes, on passe d’une cul­ture à l’autre ou d’une civil­i­sa­tion à l’autre. De la chré­ti­enne à la juive, de la Grèce antique à l’Is­lam… Par­fois on est con­fron­té à la civil­i­sa­tion de Cronos ou à celle de la sainte Cène. Pourquoi ? Que penser, une fois la sur­prise passée ?

 

 

5

 

    Dans ce mael­ström où les demi-dieux d’une anci­enne reli­gion “passent au rouge” et “Demeurent insai­siss­ables / Par les satel­lites tran­scen­dants”, que sig­ni­fie ce téle­sco­page ? Sinon la beauté étrange du poème qui se joue des codes tem­porels ? Sinon un présent qui s’échappe pour pren­dre racine dans un passé loin­tain ? Jusqu’à con­damn­er l’in­con­nu ou l’autre puisque le poète ajoute : “Qu’est-ce qui, lorsque j’ai bal­bu­tié Poète / M’a jeté un regard hos­tile comme si j’avais dit Juif ?”

 

 

 

6

 

    Mael­ström où se mêlent des bribes de légen­des, de tableaux échap­pés de l’His­toire de l’art, de romans, de reli­gions, des bribes et même des miettes. Où se repér­er ? Où trou­ver une sta­bil­ité pour s’af­fron­ter au présent ? Comme si cette mul­ti­tude dont nous sommes faits était le vac­ille­ment de tout notre être ? Êtres de cul­tures nous sommes, pour le meilleur et pour le pire.

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