Il ne faut pas trop se men­tir : on con­naît surtout Thomas Hardy le romanci­er. L’auteur de Jude l’Obscur. Frédéric-Jacques Tem­ple nous offre ici l’opportunité d’appréhender un Thomas Hardy tout aus­si impor­tant : le poète. Il y a bien de la com­plex­ité en cela. Hardy a d’abord pub­lié des romans, atteint une notoriété inter­na­tionale extra­or­di­naire puis… il a pub­lié Jude l’Obscur, choqué Lon­dres et son épouse. Son épouse surtout. Puis il a renon­cé à l’écriture romanesque. Il avait alors une soix­an­taine d’années, le reste de sa vie serait con­sacré à la poésie. Et à une vie avec une sec­onde femme. Ce qui est com­plexe n’est pas cette « divi­sion du tra­vail » en deux épo­ques et deux femmes mais le fait que, Tem­ple insiste à juste titre là-dessus, Thomas Hardy a écrit une seule et même œuvre, sous plusieurs formes, tant sa poésie et ses romans explorent les mêmes méan­dres de l’âme humaine. Des méan­dres pro­fondé­ment ancrés dans sa vie per­son­nelle, intérieure autant qu’extérieure. Les femmes sont présentes dans sa vie quo­ti­di­enne comme dans ses écrits, ici et là. L’absence d’écarts aus­si, du moins d’écarts autres que ceux con­cer­nant les femmes. Thomas Hardy avait une vie d’apparence sim­ple. Une vie en réal­ité tour­men­tée. Tout en intéri­or­ité, ses tour­ments. Et en con­flit vio­lent avec une société Vic­to­ri­enne dont il appré­ci­ait peu les us et coutumes.

Les poèmes don­nés ici ont paru pour la pre­mière fois à Lon­dres en 1898. Un pre­mier recueil après une quin­zaine de romans. C’est un véri­ta­ble coup de théâtre : per­son­ne ne le con­nais­sait poète et per­son­ne n’imagina sur le coup que cette paru­tion avait pour con­séquence la déci­sion immé­di­ate de cess­er l’écriture romanesque. Thomas Hardy poète a ren­con­tré un grand suc­cès, équiv­a­lent de celui du romanci­er. On lui a demandé des poèmes, il en a pub­lié dans les revues les plus pres­tigieuses de son temps. Un poète qui a recours au poème au mitan de sa vie. La belle his­toire ! Voilà qui ne peut que nous attir­er. Mais un recours qui pro­longe ce que l’écrivain dis­ait aupar­a­vant, en une poésie toute en réc­its, his­toires et drames. Une poésie nar­ra­tive, presque… romanesque en somme. Une étrangeté, cela est cer­tain. Avec des élans de forêt celte. À lire.

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