TLR existe depuis 1957 et se trou­ve géo­graphique­ment par­lant à New York, plus pré­cisé­ment à Madi­son. Il est cou­tu­mi­er de dire, dans le monde anglo-sax­on, que TLR est l’une des prin­ci­pales – des dix meilleurs lit-on même sou­vent, de l’Est à l’Ouest des states – revues de lit­téra­ture, et sin­gulière­ment de poésie, des Etats-Unis. Et cela est juste. Pour divers­es raisons poé­tiques et intel­lectuelles, Recours au Poème a des affinités avec TLR, on le com­pren­dra en lisant ce dernier numéro con­sacré à l’intelligence arti­fi­cielle et à la façon dont la tech­nolo­gie con­tem­po­raine nous arraisonne – des pieds à l’âme. Affinités donc, mais aus­si con­cep­tion de l’engagement con­tem­po­rain en poésie. La con­cep­tion qui nous ani­me ici, en ce 21e siè­cle, loin de 1945 : nous devons oubli­er les fron­tières, réelle­ment, et non seule­ment le dire sur une quel­conque estrade (tout en igno­rant large­ment les autres du monde, par­ti­c­ulière­ment quand ils sont de langue anglaise). La poésie se fiche des fron­tières et des préjugés. Il ne s’agit pas ici de la bobo atti­tude com­mune mais bel et bien d’une stratégie méta-poé­tique, et donc pro­fondé­ment poli­tique : nous par­tons arraison­ner ce monde qui veut arraison­ner nos âmes. Ain­si, de la même manière que le « cap­i­tal­isme », ou ce qu’il est devenu habituel de nom­mer ain­si, récupère et intè­gre ce qui s’oppose à lui, nous agis­sons à l’échelle globale/mondiale, inter­venant dans ce lieu mon­di­al qu’est la résis­tance poé­tique. C’est pourquoi notre rédac­teur en chef, Matthieu Bau­mi­er, a décidé de faire paraître des poèmes dans les pages du prochain numéro de TLR, en avril 2014. Nous n’hésiterons pas à inté­gr­er ce « cap­i­tal­isme » au réel authen­tique qu’est l’état de l’esprit poé­tique. Nous avons décidé de récupér­er en poésie l’ensemble de l’être « cap­i­tal­iste » mon­di­al et ain­si de redonner voix au Poème, dans « l’âme » même de ce « cap­i­tal­isme ». Vaste et sur­prenante ambi­tion penserez-vous ? C’est vrai. Il serait cepen­dant out­rageux de penser un boule­verse­ment poé­tique et poli­tique du monde, ce qu’il est encore con­venu d’appeler une « révo­lu­tion », mais le mot a tout de même été gal­vaudé par les potes de Staline, sans faire preuve d’un peu d’ambition. Indi­vidu­elle­ment, nous sommes la mul­ti­tude. Ce retourne­ment du gant et du regard que nous appelons de nos vœux, et auquel nous œuvrons, retourne­ment pro­fondé­ment spir­ituel, provoque en ce moment même une révo­lu­tion mon­di­ale, bien que cela demeure invis­i­ble en sur­face. La Terre est un ice­berg. Recours au Poème n’aspire à rien d’autre qu’à une refon­da­tion de l’entendement humain par la re-poéti­sa­tion de nos vies, ce qui ne va pas sans vio­lence dans le face à face qui oppose ici et main­tenant les com­bat­tants du Poème, cheva­liers errants du monde mod­erne, et l’orc atti­tude de l’anti poésie actuelle­ment à l’œuvre. Pour toutes ces (bonnes) raisons, nous vous invi­tons à lire TLR et ain­si à rejoin­dre le futur, à des années lumières de 1917. Car ici, nous aimons l’homme de demain et cet homme sera homme du commun.

Dans ce dernier numéro de TLR, on trou­vera de fort belles choses, au sujet de cet univers dont Mina Proc­tor, rédac­trice en chef de la revue, dit com­bi­en il fut annon­cé par Philip K. Dick, un univers où on ne sait plus très bien qui sont les humains et qui sont les répliques, ce que nous nous plaisons à nom­mer « orcs », les soirs où la rédac­tion de Recours au Poème s’attache au plus grand sérieux. Dick a vécu au plus pro­fond de son âme, en ses ter­res intérieures, ce monde qui tente de se dévelop­per autour de nous, et en nous, comme une araignée sor­tie des forges de Sauron et tis­sant sa toile, cette même toile au cœur de laque­lle nous choi­sis­sons de la com­bat­tre. Recours au Poème est un Frodon mod­erne plongé au cœur même du vol­can des ter­res som­bres. Les enne­mis du présent se com­bat­tent dans ce même présent, sur un ter­rain réel et con­cret. Nous n’avons que faire des fan­tômes. On lira donc dans les pages de TLR bien des réflex­ions, fic­tions et poèmes au sujet de cet arraison­nement qui nous préoc­cupe. Fic­tions, de John Mac­Manus, Car­los Lab­bé ou Becky Adnot-Haynes ; un essai excep­tion­nel signé Wal­ter Robin­son, Nurse Clap­py Gets His ; poèmes nom­breux, dont ceux de Kary­na McG­lynn, Ste­fa­nia Heim ou Mark Sven­vold, par­mi bien d’autres dont Milan Orlic et Charles Sim­ic, poètes que les lecteurs de Recours au Poème con­nais­sent bien. C’est cela l’ouverture authen­tique vers les ailleurs, poème au four­reau. Un respect de ce qui se fait et s’écrit ailleurs, et une lutte mon­di­ale en com­mun. Cela ne se paie pas de sim­ples mots. Bien­v­enue dans la forêt lux­u­ri­ante du Poème. Loin du « désert du réel ».

Nous ne vivrons que les sit­u­a­tions que nous créerons : La 7e Inter­na­tionale sera poé­tique ou ne sera pas.

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