La conscience de soi a un dos
& elle ne le sait pas
Claude Chambard : carnet des morts
1.
dit renonce
et pourtant recommence
salue le matin
salue le soir
dit rien n’eut
lieu ni mémoire rien
ne fut à marquer
d’un caillou roulé par les eaux
des heures semblables à
n’importe quelle heure
à peine eut le temps de
corner une page
2.
indifférent
à ce qui passe
heures jour
nuit et retour
sans émotion
ni rien qui touche
ce qui reste du cœur
si peu
mais ce goût ce peu
qui demeure en bouche
la saveur de quelques
mots
3.
érosion matière
s’usent et effritent
quelques sons
dans la bouche
cela que par usage
on nomme
les mots
qui affrontent
le peu à dire
du jour passé
quelque chose ou quelqu’un
aura parlé
4.
bien sûr chaque aura cru
qu’il y eut échange
conversation ou deal
marchandises les mots
chaque aura pensé
une adresse ou bien
mots jetés dans le vide
faute d’oreilles ouvertes
chaque aura fait comme
si circulaient les heures
ou les lèvres
vers l’autre
5.
l’illusion d’un dialogue
la parole
rebondit contre un mur
revient vers qui
aura lancé la balle
salive ou phonèmes
un flux une marée
tant de renoncement
on dira que ce fut
une belle journée
que tout s’est bien passé
on ne sait rien du tout
6.
il y eut grande fatigue
grande inespérance
aucune attente
à peine un soir venu
il y eut
des aiguilles qui firent
ronde ou danse
des minutes et des heures
on sourit on dit ce fut
une belle journée
on dit ce fut
on ne sait ce qui fut
7.
ou encore on dit que
joie fut dans le passage des heures
dans l’envolée des nuages
on dit joie par faiblesse
par absence des mots
ce qu’on dit toujours est
dit par défaut on manque
ce qu’on veut dire
joie ne signifie rien
façon d’éloigner
l’énoncé de la douleur
on dirait : un de plus un jour
8.
tout va bien toujours bien
on observe le goutte à goutte
la mesure du temps
toujours ça de pris
on ne sait trop quoi
ni même à qui
quelle vie confisquée
quelles heures volées
c’est fait dit-on
on tient à distance
le sujet détruit
on ne sait quel il est
20 août