Entre
l’égarement dans l’ombre
et l’aveuglement dans l’excès de lumière
trouver cet arbre en éternelle croissance
qui déploie juste ce qu’il faut de ramure
pour nous protéger du soleil
et se dépouille au gré des saisons de l’âme
Echapper à ce balancement
c’est accepter la grisaille
la teinter au lever du jour
avec les pigments du désir
sans jamais craindre
le retour à la transparence
ce peut être apprendre à lire
le rayon de soleil oblique
balayant faiblement l’étendue de givre
Derrière la langue la glotte
l’humide du corps qui apaise
Les entrailles ont tissé la cage des mots
dans une soie grossière
entre mailles et liens
du sang
dessus dessous et tout autour
combinaison scellée depuis l’enfance
Cage ou cocon ?
L’oiseau-mot attend son heure
lisse son plumage naissant
éprouve la scansion au premier bruissement
Un souffle pulsé lui insuffle sens
par-delà le silence qui est aussi musique
nul ne sait d’où il vient
Il accompagne la transparence
d’une vibration éclairée
J’ai tracé des mots
au dos des feuilles mortes
Ils pavent d’or les routes et les trottoirs
trébuchent sur la chaussée
au moindre souffle d’air
Dans cet éparpillement
on les entend sonner comme métal
Je sais que d’autres apparaîtront
au cœur des premières violettes
plus affirmés et vibrants
De renoncement en renoncement
la parole s’allège
J’attend impatiemment
son jaillissement de source
celle que le doigt de l’ange scella
De ces mots
je fais des guirlandes
à ton cou ils tintent clair
Comme la voix du baryton
ils m’enveloppent avec
juste ce qu’il faut de poids
pour marquer leur présence
pénétrer là où la chair tressaille
Ils sont là, à la tombée du jour
là, quand le sang achève sa course
ils sont là pour dire l’amour
dans le dernier regard
Et leurs chants sont comme les piliers
auxquels on s’adosse
pour tenter l’incertaine ascension
Tu perçois la mort comme ultime limite
horizon du dernier franchissement
mais avant que la bougie
n’ait donné son plus vif éclat
tu dois atteindre les hautes branches
tu dois trancher
trancher encore
alléger la ramure illusoire
trop dense elle cache cette part de vérité
entraperçue dans la trace éclairante de la lutte
Vie et mort
les deux faces du même
comme l’ombre révélée
par la lumière
mettre de l’éternité
dans notre passage
du mystère
dans la fraîcheur de l’instant
repousser les frontières
au-delà du visible
ajuster notre regard
laisser l’amour la poésie
féconder les espaces élargis du temps
***
se lover dans le cœur léger des choses
inaugurer la transparence