La poésie de Philippe Mathy s’élabore sous les arbres, qu’il observe et dont il se sent proche. Le recueil s’ouvre sous un orme.

Sous l’orme de la ville, les samares dessi­nent des cer­cles de lumière dans le souf­fle qui les tra­verse. Elles sont sem­blables à nous : dans l’irrémédiable de la chute, elles rêvent d’ascension.

On glisse sou­vent ain­si d’un règne à l’autre, mais aus­si du passé à l’avenir, du clair à l’obscur. Non parce que Philippe Mathy appré­cie les con­trastes mais parce que la lumière se trou­ve au plus pro­fond de la nuit. Il y a dans le réel, partout, coïn­ci­dence des opposés : les pier­res tour à tour s’évaporent ou pren­nent leur envol.

On dirait des pier­res ; ron­des et liss­es, avides d’ouvrir leurs ailes.

Au plus pro­fond de nous-mêmes coex­is­tent plusieurs per­son­nes : le vieil­lard que nous serons, l’enfant que nous étions…

Cer­tains textes sont des miroirs, que le poète tend vers nous. Et il fait bien de citer ces quelques lignes de Jorge-Luis Borges :

Par­fois, dans le soir, il est un visage
Qui nous regarde du fond d’un miroir,
Et l’art doit être comme ce miroir
Qui nous livre notre pro­pre visage.

Ce recueil est aus­si un éloge à la lenteur – celle de nos pas, celle des fleuves – et aux petits mir­a­cles qui nous entourent ou nous tra­versent. L’écriture, sans aucun doute, en est un.

Écrire, c’est emprunter un long chemin de cen­dres. On ne recueille que quelques brais­es. Encore faut-il avoir la patience de les sous­traire à la pous­sière qui risque de les étouf­fer, les préserv­er, les rassem­bler sur un plateau, pour réchauf­fer, peut-être, les mains de l’étranger.

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