Fruit de la lune
(1936, pierre, Fon­da­tion Arp, Clamart)

Là-bas le fruit est ani­mal à marche lente,

Il tend son cou vers le vis­i­teur et aus­sitôt il l’aime ;

Pour le manger
d’un seul coup de lame tranch­er le ventre !

S’il jail­lit du lait
c’est qu’il est bon à croquer,

S’il jail­lit du sang
ouvre les yeux !

Dans le cœur du fruit des mil­liers de sabots !
sur toute la plaine l’aurore au grand galop.

 

 

Coupe de nuage
(1961, plâtre, Fon­da­tion Arp, Clamart).

Siège extra­or­di­naire pour délass­er les crépuscules !

 

 

Squelette d’oiseau
(1947, bronze, Fon­da­tion Arp, Clamart).

Je suis
une com­bi­nai­son molécu­laire en quête d’achèvement,

Je suis
un squelette d’oiseau
rien que d’os et de vouloir fier !

Et
com­ment trou­vez-vous mon bec ?

Agaçant n’est-ce pas ?

Si je fume la pipe
ça fait écume et rire mouette,

Badauds de la Seine
buvez de la grena­dine ou qu’importe !

Moi j’ai l’œil rond et sublime.

 

 

Fig­ure recueillie
(1956, pierre cal­caire en taille directe, Fon­da­tion Arp, Clamart).

Le corps plie
à cause de la tête n’est-ce pas ?

La tête
qui écoute le sang bat­tre aux parois

Comme des doigts de lune au pis de l’éternité
tirant un lait d’étoiles et de saisons nouvelles,

La tête
qui se sou­vient d’elle comme d’une sphère pure
au ressac fris­son­nant d’or et d’éclairs,

Mais l’âme
est femelle sou­veraine du corps et de l’esprit !

C’est l’œil per­cé le poignard pris jusqu’à la dague
le cri d’Hécube au sor­tir des murailles !

La tête peut vivre d’irréelles rosées
le chant de l’âme veut un sang d’éternité ;

Ta mort la plus aiguë des louanges !
tiges brindilles corolles

Tes filles me bar­bouil­lent de joies bénignes !
quelques journées d’avril quelques éphémérides,

Quelque vérité quelque nuit
je te respire comme si la mort nous était comestible !

Où suis-je ?
à vieil­lir mon sang jaunit,

Sophie Taeu­ber est morte, je sais
tes filles me bar­bouil­lent de joies bénignes.

 

 

 

Du pays de Thalès
(1964, bronze, Fon­da­tion Arp, Clamart).

C’est une propo­si­tion latérale­ment faite
un appel fraternel,

Une coopéra­tive qui n’encombre pas l’horizon
une entre­prise sur l’esprit avec l’olivier et le pâturage,

Une liba­tion inex­plic­a­ble et souriante
je te salue

Pays de Thalès !

 

 

Ptolémée I
(1953, bronze, Fon­da­tion Arp, Clamart).

Ptolémée ?
anneau de mar­bre étreignant sa forme,

Qu’a‑t-il fait de son bras
et qu’y‑a-t-il au loin qui saigne et brille ?

Voici la nuit le bal­bu­tiement des étoiles,

Que cher­chons-nous durant notre voyage ?
on dit l’herbe lente à mâch­er les rayons du soleil,

Et nous un peu plus haut un peu superficiels.

 

 

Club des Poètes, 1996.

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