Ramiro Oviedo – Augus­to Rodríguez


Apartar lo blanco de la luz
Séparer le blanc de la lumière

32 poet­as ecu­a­to­ri­anos del siglo XXI
32 poètes Équa­to­riens du XXIème siècle

Intro­duc­tion de Ramiro Oviedo et Augus­to Rodríguez
Note prélim­i­naire de Ramiro Noriega

Edi­to­r­i­al Sur,  SENAMI, Quito-Equa­teur, 2011

 

Traduit de l’espagnol (Équa­teur) par Rémy Durand
Anne-Marie Durand-Kennett
et Gabrielle Lécrivain

 

Quelques poètes de l’Anthologie :

Luis Car­los Mussó (Guayaquil, 1970).
Cer­e­mo­nias de amor y muerte

α
Soy lo que sucede entre tus pier­nas. No son los héroes quienes incen­di­an las ciu­dades que acud­irán al azar y se repar­tirán el botín que reser­va la suerte a los que ven­cen. El que escribe la hazaña/ el que añade tinieblas a la ima­gen posi­ble del can­to gozará de tu cuer­po sobre esta sepul­tura. Y al escribir la ges­ta, resue­nan las trompetas y llueven polvos amar­il­los. Nue­stros miem­bros adquieren los col­ores del miedo.
 

γ

En mi sexo, un cerníca­lo heri­do que en medio de su vue­lo deja escapar un llan­to descara­do para la fácil nos­tal­gia. En mi cielo, un pan­tano de aguas temerosas y entre sus ondas, siete astros que alig­er­an la maleza. Veo siete veces el cadáver de la bes­tia aun cuan­do sosten­go en mi mano tu qui­ja­da. Siete des­filaderos tes­ti­gos de la muti­lación del nom­bre. Y en mi crá­neo, una fies­ta de insec­tos. La crepitación de los lugares donde se alo­jan tus íconos. Y tus imá­genes. Y tu voz.

Céré­monies d’amour et de mort
 

α

Je suis ce qui se trame entre tes jambes. Ce ne sont pas les héros qui incen­di­ent les villes qui sur­giront au hasard et se partageront le butin que la chance réserve aux vain­queurs. Celui qui écrit l’ex­ploit / celui qui ajoute des ténèbres à l’im­age pos­si­ble du chant jouira de ton corps sur cette sépul­ture. Et pen­dant qu’ il écrit l’épopée, les trompettes son­nent et il pleut des pous­sières jaunes. Nos mem­bres épousent les couleurs de la peur.

γ

Sur mon sexe, un fau­con blessé qui, pen­dant son vol, laisse échap­per un san­glot inso­lent pour une nos­tal­gie dés­in­volte. Dans mon ciel, un marais aux eaux crain­tives et dans ses courants, sept astres qui adoucis­sent les brous­sailles. Je vois sept fois le cadavre de la bête, même quand je sou­tiens ta mâchoire dans ma main. Sept pas­sages étroits sont témoins de la muti­la­tion du nom. Et dans mon crâne, une fête d’in­sectes. Le crépite­ment des lieux où logent tes icônes. Et tes images. Et ta voix.

Tra­duc­tion Anne-Marie Durand Ken­nett et Rémy Durand

 

Franklin Ordóñez Luna (Loja, 1973).

A la som­bra del corsario

“El úni­co des­ti­no es seguir navegando
en paz y en cal­ma hacia el sigu­iente naufragio”.
José Emilio Pacheco,  Titánic

 

Se retuerce la noche, ani­mal en celo. Per­fo­ra la piel, los hue­sos donde escri­bo la his­to­ria. Sube el mar: espe­jo y pájaro de agua; siem­bro tuli­panes en el vien­tre de gavio­tas. Recor­re­mos Goya, de las bocas del metro emer­gen relám­pa­gos, delfines, toros que nave­g­an sobre espadas. Pero abres las alas, desa­pare­ces. Enlo­que­ci­do me lan­zo a la ciu­dad, te bus­co. Azo­to mi cabeza con­tra el muro. La marea me arro­ja al país de bar­ro y espe­jis­mos, de gan­grena y min­erales. Tor­pes las mon­tañas me con­sue­lan con his­to­rias de amores que­ma­dos. Te reten­go en peda­zos de papel, en mi piel donde dibu­jaste ciu­dades muer­tas. Te reten­go en his­to­rias de hormi­gas, en la bal­an­za, la sal que bebí de tu espal­da. Lan­zo mis alar­i­dos a la cordillera, al nudo lleno de paja y fan­tas­mas. Qué lejano el invier­no, sus noches, nue­stro lecho de met­al y mar­i­hua­na. Qué cer­cana tu voz,  tus pal­abras con piedras de sol… Tus manos que atra­paron las mari­posas de mi garganta.

 

A l’ombre du corsaire 
 

« L’unique des­tin est de con­tin­uer à naviguer
dans la paix et dans le calme vers le prochain naufrage. »
José Emilio Pacheco, Titanic
 

La nuit se tord, ani­mal en chaleur. Elle per­fore la peau, les os où j’écris cette his­toire. La mer monte : miroir et oiseau aqua­tiques ; je sème des tulipes dans le ven­tre des mou­ettes. Nous par­courons Goya, des bouch­es de métro émer­gent des éclairs, des dauphins, des tau­reaux qui nav­iguent sur des épées. Mais tu ouvres les ailes, tu dis­parais. Je deviens fou et je me jette dans la ville, je te cherche. Je fou­ette ma tête con­tre le mur. La marée m’échoue au pays de boue et de mirages, de gan­grène et de minéraux. Mal­adroites les mon­tagnes me con­so­lent avec des his­toires d’amours brûlées. Je te garde sur des morceaux de papi­er, sur ma peau où tu dessi­nas des villes mortes. Je te garde dans des his­toires de four­mis, sur la bal­ance, dans le sel que je bus sur ton dos. Je lance mes hurlements à la cordil­lère, au nœud plein de paille et de fan­tômes Comme il est loin­tain l’hiver, ses nuits, notre lit de métal et de mar­i­jua­na. Comme elles sont proches ta voix, tes paroles aux pier­res de soleil… Tes mains qui attrapèrent les papil­lons de ma gorge.
 

Tra­duc­tion Gabrielle Lécrivain
 

Beat­riz Viteri Gar­cés (Guayaquil, 1974).

El triste país de los disfraces

Las pare­des sien­ten el miedo de las corti­nas que arras­tran sus lenguas por el sue­lo. Las ven­tanas se estreme­cen con el rui­do noc­turno y el frío que les lle­ga des­de el teja­do pobla­do de gatos acechan­do la cópu­la. La lám­para se mira al espe­jo, éste le responde con som­bras que se acues­tan en la cama y se enrol­lan en las sábanas. El piso es un cielo de ros­tros que se for­man con el pol­vo, la humedad y las man­chas del tiem­po. El armario es el triste país de los dis­fraces. El escrito­rio, refu­gio de pape­les con­de­na­dos a acuñar las des­pe­di­das. La casa se frunce en su cuad­ratu­ra, sub­rayan­do con rojo las heri­das, mul­ti­pli­can­do los gri­tos que sigo escuchan­do a kilómet­ros de distancia.

Le triste pays des déguisements

Les murs sen­tent la peur des rideaux qui traî­nent leurs langues sur le sol. Les fenêtres trem­blent à cause du bruit noc­turne et du froid qui arrive du toit peu­plé de chats qui guet­tent la cop­u­la­tion. La lampe se regarde dans le miroir, celui-ci lui répond par des ombres qui se couchent dans le lit et s’en­roulent dans les draps. Le sol est un ciel de vis­ages qui se for­ment avec la pous­sière, l’hu­mid­ité et les tach­es de vétusté. L’ar­moire est le triste pays des déguise­ments. Le bureau, refuge de papiers con­damnés à con­sacr­er les adieux. La mai­son se plie dans sa quad­ra­ture, soulig­nant de rouge les blessures, mul­ti­pli­ant les cris que je con­tin­ue d’en­ten­dre à des kilo­mètres de distance.

Tra­duc­tion Anne-Marie Durand Ken­nett et Rémy Durand

 

César Eduar­do Car­rión (Quito, 1976).

Ter­cera didascalia

 

Aves desplumadas en la pun­ta de la lengua:
Con­fe­siones reser­vadas para el lecho de la muerte.
Los mejores instantes escapan:
Un mir­lo muy oscuro, frente a la ven­tana y a la medianoche.
Invis­i­bles el pluma­je, los ovar­ios, los testícu­los, el falo, la matriz,
nue­stros sueños más erec­tos, abso­lu­ta­mente negros.
El ave pasa sin com­er estos alpistes de car­bón, estos licores de cianuro.
Vuela alto el empluma­do soli­tario. Sin embargo,
nues­tra atávi­ca desidia nos impi­de admirarlo.
Los mejores momen­tos atoran intesti­nos, per­vierten digestiones.
Escon­demos nues­tra dicha como madres que mac­er­an avaricia
en sus fetos tume­fac­tos. Destrozamos cada nido del alféizar con la boca:
Mil veces inhóspitos,
mil veces per­ti­naces las pal­abras del acecho.

¿ Cómo volver­e­mos a jun­tar nues­tra limal­la dis­per­sa­da sobre el campo ?
Sobre los cuer­pos acribil­la­dos de aque­l­los mirlos,
nue­stro amor se com­padece de su car­ga. Come­te­mos las masacres
agar­ro­ta­dos de embe­le­sos. Nos diji­mos que era el cli­ma que mostra­ba su inclemencia.
¡Cómo sosten­er frag­ili­dades tan pesadas!
El hom­bre espar­ci­do en un cieno profundo.
El mir­lo del instante extravi­a­do en el cielo.
¡Que un relám­pa­go divi­da en la mitad nue­stro tiempo!

 

Troisième didas­calie

Oiseaux déplumés sur la pointe de la langue :
Con­fes­sions réservées pour le lit de la mort.
Les meilleurs instants s’échappent :
Un mer­le très obscur, face à la fenêtre et au milieu de la nuit. 
Invis­i­bles le plumage, les ovaires, les tes­tic­ules, le phal­lus, la matrice,
nos rêves les plus érigés, absol­u­ment noirs.
L’oiseau passe sans manger ce mil­let de char­bon, ces liqueurs de cyanure. 
Il vole haut l’emplumé soli­taire. Cependant,
notre nég­li­gence atavique nous empêche de l’admirer.
Les meilleurs moments bouchent les intestins, per­turbent les digestions
Nous cachons notre bon­heur comme des mères qui font macér­er l’avarice
dans leurs fœtus tumé­fiés. Nous détru­isons chaque nid des bor­ds des fenêtres 
Mille fois inhospitaliers,
mille fois tenaces les mots de l’affût.

Com­ment parvien­drons-nous à rassem­bler notre limaille éparpil­lée dans le champ ?
Sur les corps criblés de ces merles,
notre amour prend pitié de sa charge. Nous com­met­tons les massacres
sai­sis de ravisse­ments.  Nous nous sommes dit que c’était le cli­mat qui mon­trait son   inclémence.
Com­ment soutenir des fragilités aus­si pesantes !
L’homme répan­du dans une boue profonde.
Le mer­le de l’instant égaré dans le ciel.
Qu’un éclair divise en deux notre temps ! 

 

Siomara España (Man­abí, 1976).

Due­lo (pasaje)

Me despi­do de tu cuerpo
de tus ojos, de tus manos
de la cama vie­ja y de su estruendo
me despi­do de las fiebres
de los ecos de mis hue­sos en tus manos
de tus  dientes mordedores
me despi­do porque es temprano
me despi­do porque aun escu­cho tus gemidos.
A chor­ros me san­gran tus heridas
aún escar­bo la nos­tal­gia de tu cuerpo
porque si no me marcho
podríamos ser felices.

Deuil (extrait)

Je prends con­gé de ton corps
de tes yeux, de tes mains
du vieux lit et de ses fureurs
je prends con­gé des fièvres
des échos de mes os dans tes mains
de tes dents carnassières
je prends con­gé parce qu’il est tôt
je prends con­gé parce que j’entends encore tes gémissements.
Tes blessures me cou­vrent toute entière de sang 
je fouille encore la nos­tal­gie de ton corps
parce que si je ne pars pas
nous pour­rions être heureux.

Tra­duc­tion Rémy Durand

 

 

Ernesto Car­rión (Guayaquil, 1977).
Adiós a la carne
[XII]

nada hay más her­moso que un hom­bre muerto.
reto­can­do su ros­tro ver­dadero, bajo el inmen­so árbol de la san­gre. Y nada hay más hon­esto que un hom­bre muer­to; calla­do por su condi­ción de muer­to, y no calla­do por temor al aban­dono. Y nada hay más her­moso que un hom­bre muer­to; algo flá­ci­do y de pómu­los serenos, que ya no se enro­jece por insin­ua­ciones; o del­i­ca­do como una servil­leta que gira mucho antes de tocar el piso.
…en la ciu­dad desier­ta, detrás de los lau­re­les, aso­man las primeras som­bras. (llueve).

Ernesto Car­rión (Guayaquil, 1977).
Adieu à la chair  [XII]

Il n’y a rien de plus beau qu’un homme mort.
qui retouche son vrai vis­age, sous l’arbre immense du sang. Et il n’y a pas plus hon­nête qu’un homme mort;  silen­cieux parce que mort, il ne se tait pas par crainte de l’abandon. Et rien de plus beau qu’un homme mort; un peu flasque, les pom­mettes sere­ines, qui ne rougit pas aux insin­u­a­tions; ou déli­cat comme une servi­ette qui s’envole avant de touch­er le sol. 
…dans la ville déserte, der­rière les lau­ri­ers, appa­rais­sent les pre­mières ombres (il pleut).

Tra­duc­tion Rémy Durand

 

Augus­to Rodríguez (Guayaquil, 1979)

El beso de los dementes

I

En el ini­cio éramos mi padre y yo toma­dos de la mano en la infan­cia de nue­stro apel­li­do, en la pre­his­to­ria de nue­stros abra­zos y besos, de los via­jes a la noche inven­ta­da o a la ciu­dad del alco­hol y del taba­co. Nada sacamos a limpio si el mun­do no se despedazó con nue­stros rezos famil­iares. Si nosotros no fuimos el mun­do, si la tier­ra que hierve entre nues­tras venas no expul­só el infier­no que lle­va­mos den­tro. Mi padre era un ser de piel silen­ciosa que llev­a­ba en el corazón la ira, el odio y la con­de­na del tiem­po; hom­bre de sal, de sueños verdes, des­ti­na­do a pade­cer deba­jo de la tor­men­ta de hielo que incendió sus manos; manos que acari­cia­ron mis pár­pa­dos gas­ta­dos, que algu­na vez miraron cómo el hor­i­zonte fue un impe­rio que se destruyó con el fuego de la sel­va. Mi padre atrav­esó la oril­la de los muer­tos para alcan­zarme, para alcan­zar a sus muer­tos y decir­les que es el hijo de la rabia, de la furia, el hijo de los ánge­les vio­la­dos, el hijo que se fugó de su pro­pio entier­ro para rein­ven­tar los sol­lo­zos de las mujeres que tan­to amó. Mi padre es la copa rota donde yo bebo sus vicios. Soy su vicio más pro­fun­do, su heren­cia venga­ti­va, la carne mis­er­able que no teme dividir el aire para con­quis­tar lo que desea. Soy su heren­cia enfer­ma, que asesinará sin piedad a sus ver­du­gos. Su heren­cia enlo­que­ci­da, que revivirá cadáveres y bes­tias, con tal de que su heri­da expulse el veneno. Mi padre es una habitación abier­ta de par en par donde yo entro sin zap­atos y sin medias, dis­puesto a cor­re­gir mis errores. Ahí den­tro sé que soy bien­venido, pero ten­go que guardar silen­cio, para que su pal­abra, que es silen­cio y gozo, me atraviese el tím­pano, el cere­be­lo y cruce mi espina dor­sal has­ta cru­ci­fi­carse en mi aor­ta. Ten­go que apren­der a defen­d­erme de sus espe­jos y dios­es furiosos: como tigres se me lan­zan al cír­cu­lo e impul­san a pelear con mis manos heri­das. Solo acep­to con hon­or su invitación y nos debatimos.

Augus­to Rodríguez (Guayaquil, 1979).

Le bais­er des déments

I

Au début nous nous tenions la main mon père et moi dans l’enfance de notre nom, dans la préhis­toire de nos étreintes et de nos bais­ers, des voy­ages dans la nuit inven­tée ou dans la ville de l’alcool et du tabac. Nous n’avons rien pu en tir­er puisque nos prières famil­iales n’ont pas mis le monde en pièces. Nous n’avons pas été le monde car la terre qui bout dans nos veines n’a pas expul­sé l’enfer qui est en nous. Mon père était un être à la peau silen­cieuse, qui por­tait dans son cœur la colère, la haine et la con­damna­tion du temps; homme de sel, de rêves verts, il était des­tiné à souf­frir sous la tem­pête de neige qui incen­dia ses mains; mains qui caressèrent mes paupières fatiguées, qui ont vu une fois que l’hori­zon avait été un empire détru­it par le feu de la forêt.
Mon père tra­ver­sa le rivage des morts pour me rejoin­dre, pour rejoin­dre ses morts et leur dire qu’il est le fils de la rage, de la furie, le fils des anges vio­lés, le fils qui avait fui ses pro­pres obsèques pour réin­ven­ter les san­glots des femmes qu’il avait tant aimées. Mon père est la coupe brisée où je bois ses vices. Je suis son vice le plus pro­fond, son héritage vengeur, la chair mis­érable qui ne craint pas de tranch­er l’air pour con­quérir ce qu’il désire. Je suis son héritage malade, qui assas­sin­era sans pitié ses bour­reaux. Son héritage fou, qui fera revivre des cadavres et des bêtes, pourvu que sa blessure expulse le venin. Mon père est une demeure ouverte à tous les vents où j’entre sans chaus­sures et sans chaus­settes, prêt à cor­riger mes erreurs. Là, à l’intérieur, je sais que je suis le bien­venu, mais je dois me taire, pour que sa parole, qui est silence et jouis­sance, tra­verse mon tym­pan, mon cervelet et tra­verse ma colonne vertébrale jusqu’à se cru­ci­fi­er sur mon aorte. Je dois appren­dre à me défendre de ses miroirs et de ses dieux en colère: comme des tigres ils me jet­tent dans le cer­cle et me for­cent à la lutte avec les mains blessées. Seul, j’accepte l’honneur de leur invi­ta­tion et nous luttons. 

Texte inté­gral sur http://remydurand.com/anthologie.htm

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