Le vert som­bre, le vert clair,
les pâles fleurs du romarin endémique,
bleu-gris comme les nuages bas de  la pluie,
et, der­rière, un intense vert héris­sé de
boro­nias, graines mon­tée, herbe des près,
chardons et têtes de chardons –
for­mant une pente, un talus balafré,
retenus  par des touffes d’agapanthe,
des grévil­leas grim­pants, des boro­nias encore :

des tach­es d’argile nue, durcie
exposée là où le ciel brûle la
sur­face, où bien là où de petites rigoles
empêchent l’herbe de pren­dre, offrent un
châle effiloché de fines mau­vais­es herbes, des épi­lobes en épis,
une sorte de per­sil, des brindilles,
les débris d’écorce d’un eucalyptus,
et la chaleur de four du ciel bleu implacable
reflété  par des cail­loux aux teintes de quartz

un grès
pas facile à soulever, des escarpe­ments nains,
où ond­u­lent des trembles
des pis­senl­its, de petits séneçons
en fleurs égale­ment. Il y a de fluettes violettes,
aus­si, dont je pen­sais qu’elles avaient été
intro­duites, mais je les observai :
elles sont endémiques – bicol­ores, pourpre
et mauve pâle (comme le lilas)

entrelacées au mouron des oiseaux
et au chien­dent. Le ter­rain monte plus ou moins
là, offrant la possibilité
d’ouverture que deman­dent cer­taines espèces
autant que la pos­si­bil­ité d’une com­plète érosion
par la pluie, la chaleur qui fend
la terre – je veux dire, par le mouvement
des sols, aus­si naturel que les changements
qui creusent de lentes modifications

en quiconque parle
sur les con­tours de l’âge et de l’usage.
Une de plus, c’est une
place pour toute chose, permettant
Un instant de trans­for­ma­tion – de sauvagerie -
comme un enregistrement
de verdeur  par-delà la possibilité
de l’œil (que voit-il ?) de classer
le verre en couleur de paille,

ver­doy­ant ou éteint. La carte
d’un vert que redessi­nent des tour­bil­lons de pin­sons firetail
en quête de graines. Dans une telle
vision par­tielle du monde, c’est ce que voit
l’œil de l’oiseau qui crée l’enchevêtrement dans un
espace fixe (pré­cis) pour les mots, ajoutant
une fois encore cette touche de pâle
bleu de pluie, miroi­tant sous
le réseau des herbes :

une expres­sion comme
« la place de toute chose » pour­rait convenir
à ce regard qui traîne – bien que cela revienne
à dire « per­du pour ses pro­prié­taires», «  n’étant plus
man­tique , « innom­mé dans le dis­cours ». De petits
chemins de terre. Tout demeure
jusqu’à ce vous com­pre­niez qu’il est
léger, chair incon­sciente ; et  qu’il se trans­forme en
vous,  comme vous en lui.

 

(tra­duc­tion : Mar­i­lyne Bertoncini)

 

 

A Patch of Grass

 

The dark green, the light green,
the pale native rose­mary flowers,
blue-grey like low rain-clouds,
and, behind them, an intense spiked green
of boro­nia, seed­heads, meadow-grass,
this­tles and thistle-heads -
a slope of them, a scarred bank,
held down by aga­pan­thus clumps,
ram­bling gre­vil­leas, more boronia:

patch­es of bare, hard clay
exposed where the sun burns out the
sur­face, or where lit­tle run-offs
stop the grass from tak­ing, offer a
tat­tered shawl of thin weeds, spires of fireweed,
a kind of pars­ley, twigs,
bark-lit­ter from a gum-tree,
and the bake of harsh, blue sky
reflect­ed in quartz-hued

peb­bles, a sand­stone rock
not too easy to lift, dwarf-sized
escarp­ments wav­ing with
shell grass, dan­de­lions, small groundsels
also flow­er­ing. There are slen­der violets,
too, which I thought had been
intro­duced, but I looked them
up: they’re native – two-toned, purple
and pale mauve (like lilac)

inter­laced with chickweed
and couch grass. The land slopes somewhat
there, giv­ing that chance
of open­ness which some species need
as well as the chance of dead erosion
by rain, by heat which splits
earth – I mean, by motion
of soils, as nat­ur­al as the shifts
which hol­low out slow changes

in any body talk-
ing on con­tours of age and use.
Tak­ing one more, it’s a
place for every­thing, allow­ing an
instant of trans­for­ma­tion – of wildness -
as a registering
of green­ness beyond the eye’s
capac­i­ty (what does it see?) to
grade green as straw-coloured,

ver­dant, or shad­owed. A
green re-mapped by swirls of firetails
on a seed-search. In such
half-see­ing of the world, it’s the bird’s-
eye view which makes the tan­gle into a
fixed space for words, adding
once more that hint of pale
rainy blue, shim­mer­ing beneath
the net­work of grasses:

a phrase like « everything’s
place » might be appro­pri­ate to this
lin­ger­ing gaze – though that’s
to say, « lost to its peo­ple », « no long-
er man­tic, « not named in speech ». Small patch
of earth. It stays like this
until you under­stand it
as light, uncon­scious flesh; and it
becomes you, as you it.

from Wild Bees

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