Avec soin ils ont embal­lé chemis­es et man­teaux, mais ont lais­sé le frois­sis de leur empa­que­tage. On a bouclé et emporté une valise, mais demeu­rait le bruit d’une ser­rure en cuiv­re. Leurs armoires, leurs lits, leurs chais­es, leurs tables, leur vais­selle sont loin de chez nous, parce que nous avons vu:

   que les mar­mites ont remué des poignées de portes,
   que l’armoire a fait tomber des pommes dans la cour,
   qu’au bas de l’escalier quelque chose est cassé.

   La dernière porte ne les lais­sa pas aller aussitôt —
   aban­don­née sans portier
   elle a été plus avisée et plus sévère.

Une chose sonore et puis­sante erre dans nos couloirs. Nous ressen­tons la présence de ges­tic­u­la­tions passées, nous enten­dons les craque­ments d’accoudoirs que firent des mou­ve­ments de bras sur les sièges. Nos meubles, qui, si de toutes leurs forces ils soule­vaient un vacarme, pour­raient men­er quelqu’un jusqu’à la schiz­o­phrénie, font silence. Ils ont enfer­mé tous les bruits et les tapages dans le silence des sur­faces et des lisières, sans nous laiss­er le moin­dre espoir que l’absence de bruit fût seule­ment un cou­vert der­rière lequel, à tout moment, s’élèvera un tumulte général qui nous délivr­era des sons venus d’ailleurs. Il sem­ble que, par­mi nos meubles, à la dif­férence de ceux qu’on a sor­tis de cette mai­son, on ait établi une loi selon laque­lle ce sont les vol­umes qui impor­tent, et que le fait que les meubles soient muets doit seule­ment con­firmer l’importance des volumes.

 

Tra­duc­tions de  Lil­jana Huib­n­er-Fuzel­li­er & Ray­mond Fuzellier
 

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