Onel

Voyageuse céleste, du fond de l’abîme, tu pré­pares tes nobles parures afin de venir à ma ren­con­tre dans le désert. Et moi je suis cette ombre qui sort de mon corps, sur un chemin que per­son­ne n’a par­cou­ru. Muets sont mes yeux et  silen­cieux sont les bruits de mes pas, seule la pous­sière se soulève sur mon  pas­sage. Lorsque j’arrive au pied d’une mon­tagne, la voix et la plainte d’un enfant frap­pent les roches que la pous­sière n’a pas encore recou­vertes. Je ne sais pas si  je m’éloigne ou si je me rap­proche de ton regard, étrangère bleue, toi qui m’attends déjà quelque part, comme l’obscurité attend le jour.

Voyageuse

A qui appar­ti­en­nent  cette voix qui trem­ble là-bas et cette ombre repliée qui reste dans un coin ? Voilà qu’elle tend ses bras comme si elle par­lait avec l’air, mais le vent pen­dant qu’elle tente de faire un pas, tire en arrière sa chevelure noire. Ses jambes som­no­lentes, comme  attachées sur la terre le reti­en­nent, et ses yeux comme des par­a­digmes exilés, regar­dent l’étrange ombre, qui du bout de la route lui fait signe.

Onel

Je ne sais si je dois tra­vers­er cette rue ou l’autre, Voyageuse céleste, toi qui sem­ble sur­veiller mon des­tin sans atten­tion. Je crois te voir mais je ne te vois pas,  c’est  ma mémoire fatiguée  qui con­fond alors les chemins et ton vis­age. Quelque fois, je ressens le froid et quelque fois la peur et le doute lorsque je passe par des endroits comme ceux-là. Là-bas, je vois un enfant qui traîne les déchets qu’il trou­ve dans le désert. Quelqu’un se rap­proche de lui et il ne voit que les pier­res qu’il tient entre ses mains. L’enfant ne fait que me regarder et en me regar­dant, il ne veut pas s’éloigner, mais il  finit par s’éloigner.

Voyageuse

Ses pas s’enfoncent peu à peu soit dans la pous­sière, soit dans la boue qui inonde son chemin. Il est dif­fi­cile de voir son vis­age. Mais ce pro­fil, il me sem­ble l’avoir déjà vu quelque part. Qui donc pour­ra oubli­er sa blessure? Lorsqu’il était enfant, ils l’avaient tous vu tra­vers­er un fleuve et il por­tait déjà  la trace de cette blessure sur son front. Il con­tin­ue donc à être l’herbe flétrie dont per­son­ne ne se soucie.

 

 

Traduit de l’espagnol (Pérou) par Sophie Fer­reira Ramos

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