…Fais-moi entrer, j’entrerai seulement
pour faire demi-tour…
Vladimir Holan
“Week-end” est une section du recueil “Case perdute” (“Maisons perdues”) qui paraitra prochainement, en 2014, aux éditions de la Feugraie. Deux autres sections du même recueil ont été publiées par la revue “Fario” en 2011.
( l’appel des environs était du bruit
et la voix venant du mur un son pur…)
I
— attends-moi – dans le parc enseveli
des buissons d’orties des ravins dissimulés
de clairs calices de rouges baies envahissantes
entravent même les pas les plus vifs
- si j’avais une machette – soupires-tu
tandis que l’eau coule sur les blessures
et que les baumes huilent les membres
caressés par des nœuds de méduses
d’ici-en bas le soleil ne sait rien
il colore et décolore à volonté
II
les feuilles de toutes les années
tombent même en restant immobiles
mollissant sous les pas elles en suivent
les traces et les confondent en s’accumulant
le passage est une zone sous douane
mais personne ne prend jamais la même route
III
on perd chaque fois la ville élémentaire
et des fumées s’élèvent de l’anneau où tournent
le principe et la fin de tout regard
le pavillon entre les crêtes brunes
aux banderoles à pointe girouette
a une couleur plus austère que dans le rêve
et d’enfants joyeux il n’y en a plus…
rien n’émerge de l’épaisseur du bois sinon
à l’improviste quelque oiseau invisible
IV
s’il y eut jamais âme qui vive
j’use d’une figure lexicale
si jamais ce lieu fut
vraiment habité…
aux yeux questionneurs paraît seulement
une voix fermée qui ne révèle rien
sur les branches en frémissant je lance la corde
remonte-moi – s’il te plaît – avant la neige
V
une neige en tout semblable à la neige
change seulement l’immobilité du dehors
le silence est crémeux la ligne en suit
les ondulations jusqu’à l’intérieur de la neige
il n’est aucune fissure que n’apaise
le regard blanc de la neige
VI
avec prudence on découvre l’aimée
on écarte sa robe de papier argenté
on en fait le tour on tourne et retourne
prenant son temps le vent prend au collet
virevoltant il se hèle et rappelle
mais par quelle secrète voie
on arrive au cœur d’une chose…
VII
à l’écoute sur le toit dans un autre vide
court le marque-page des peines
la chair se défait en musique
l’ombre qui en sort se balance
glisse sur les bosses avec légèreté
les pas dans la neige n’enfoncent point
VIII
quand alourdi il refait en pensée
le trajet il s’apprête
au survol à l’envers des crevasses du jour
(pluie ou soleil n’auraient pas changé
l’inclinaison du corps la disparition
et la reprise bagarreuse des symptômes…
à trente degrés le javelot s’envole
atteint son but à la perfection et le long du fil
regarde la pointe vaine pénétrer où…)
IX
dans cet hôtel où tout filtre
dans cet esprit instable – comme tu vois –
il n’y a rien qui puisse lui ressembler
mais dans sa coquille la langue ne se rend pas
et dose en son palais le sel et le levain
et recoud les blessures d’immenses plaies…
ainsi se poursuit l’harmonie qui ne s’invente pas
la plénitude d’être dans le vivre criminel
temps ambigu conque de sable brisée
Traduction revue et corrigée par André Ughetto — une première traduction de cet ensemble étant parue en 1992 (SUD,“Les poètes de la métamorphose”, 1992) sous la double signature d’André Ughetto et Jacqueline Raybaud.
week-end
(1982–1983)
… Fammi entrare, io entrerò solamente
per indietreggiare…
V. Holan
(il richiamo dei dintorni era rumore
e la voce dal muro un suono puro…)
I
– aspettami – nel parco sepolto
macchie d’ortica borri nascosti
chiari calici rosse bacche intriganti
impigliano anche i passi più decisi
– avessi un machete… – sospiri
mentre l’acqua scorre sugli strappi
e gli unguenti lucidano le membra
carezzate da ingorghi di meduse
di quaggiù il sole non sa nulla
e colora e scolora a piacimento
II
le foglie di tutti gli anni
cadono anche a star ferme
ai passi inteneriscono e le tracce
ne rincorrono e lievitando le confondono
il passaggio è una zona tra dogane
ma nessuno fa mai la stessa strada
III
si perde ogni volta la città elementare
e fumi sprigiona l’anello dove girano
il principio e la fine di ogni sguardo
il padiglione tra le creste brune
con bandierine a punta segnavento
ha un colore più severo del sogno
e i gai fanciulli non ci sono più…
nulla emerge dal folto se non qualche
uccello improvviso e invisibile
IV
se mai c’è stata anima viva
uso figura lessico
se mai questo luogo è stato
abitato davvero…
agli occhi interroganti solo pare
una chiusa voce che non si rivela
sui rami fremendo lancio la corda
tirami su – ti prego – prima della neve
V
una neve in tutto simile alla neve
cambia solo l’immobilità dell’esterno
il silenzio è cremoso e la linea ne segue
gli ondulamenti fin dentro la neve
non c’è fessura che non sia appagata
dallo sguardo bianco della neve
VI
con cautela si scopre l’amata
si scosta la veste di carta argentata
intorno intorno si gira si rigira
indugiando il vento prende al laccio
volteggiando si chiama si richiama
ma da che parte da quale segreta
s’arriva al cuore di una cosa…
VII
in ascolto sul tetto in altro vuoto
fluisce il segnalibro delle pene
si scorpora la carne musicando
l’ombra che ne esce fa altalena
scivola sulle gobbe lievemente
i passi sulla neve non affondano
VIII
quando greve ritorna nel pensiero
a ripetere il tragitto egli s’induce
al volo a ritroso sulle crepe del giorno
(pioggia o sole non avrebbero mutato
l’inclinazione del corpo la scomparsa
e la ripresa rissosa dei sintomi…
a trenta gradi il giavellotto stacca
perfettamente impatta e lungo il filo
guarda la punta vana spingersi dove…)
IX
in questo albergo dove tutto filtra
in questa labile mente – come vedi –
non c’è niente che gli possa somigliare
ma nel suo guscio la lingua non s’arrende
e dosa nel salivario lievito e sale
e le ferite ricuce immense plaghe…
così insegue l’armonia che non s’inventa
il pieno essere dentro il vivere doloso
ambiguo tempo rotta conchiglia di sabbia