Au bout de deux brassées l’eau devient immense
les nageurs la percent et la traversent
au bout de dix longueurs ils sont habitués
elle disparaît presque
Alors ils la cherchent la contournent et la forcent
Elle jaillit en épines blanches sur leur passage
elle chasse sur le bord
dans un mouvement plein d’une langueur qui claque
nudités forcenées
Et les voilà qui plongent
dans la transparence avec des gestes d’oiseaux
ils poursuivent l’épaule poursuivent les jambes
poursuivent la tête qui bouillonne
et se débarrassent d’eux-mêmes dans la facilité du sillage
Ils ramènent leurs bras de plomb
soufflent
ruent des pieds et des reins
avancent les mains en prière un moment immobiles
Enfin viennent les vestiaires calfeutrés
l’eau est fatiguée elle abandonne les corps
à l’égouttement succède l’œil terne sur les graisses
Et moi les pieds dans la flaque où finit l’effort
devant le casier intime comme une place publique
je vois les pères essuyer les enfants frissonnants
ô monde qui trembles et fais trembler, je suis l’un d’eux
tu as beau m’habiller j’aurai froid
extrait de Dons du froid