5 poèmes

Par | 23 novembre 2016|Catégories : Blog|

 

 

 

Là où réside l’image

 

 

 

Mes doigts sont plus pré­cis que mes pensées
Sou­vent, au lieu de réfléchir
J’unis mon pouce
Tan­tôt avec l’index
Tan­tôt avec le majeur
Et tapote sur la table
Ou sur mes genoux
La table et les genoux sont cette chose que je ne com­prends pas
Et les doigts cette per­ti­nence qui me manque
Pour martel­er l’inimaginable

 

 

 

***

 

 

 

Au renard

 

 

 

Le renard est mort
Vive le renard qui marche
Silen­cieux dans les bois
Celui que per­son­ne n’a jamais vu
Mais qui existe, pourtant
Tue les poules, s’enfuit
Et se lèche les pattes sanglantes
Coupables de mas­sacres sans importance
Vive le renard qui ne demande rien
Vit, prend, se lèche les pattes, meurt
Vive le renard qui meurt
Silen­cieux dans les bois

 

 

 

***

 

 

 

Absent de là

 

 

 

Froide est la nuit
Et por­teuse de doutes,
Hormis pour les putains que des bras inconnus
Enlaceront ce soir,
Là où je ne suis pas.
Car à plusieurs endroits
Dans cette obscu­rité per­cée par quelque reflet de Lune,
Quelque lampe oubliée,
Mes lèvres ne subis­sent pas la brûlante fraicheur
De vents nouveaux
Egarés.

Et je ne con­trôle rien dans ces endroits,
J’y suis mort et n’y suis jamais mort.
Les gens s’en moquent,
Bien sûr,
Comme les chevaux du parc se moquent des vastes plaines
Sauvages,
Qui sont pour eux d’un autre monde,
Pour eux pau­vres chevaux,
Le cou flétri, les sabots
Rythmés.

Je suis un cheval de ce genre,
Qui s’accouderait au balcon,
Les dents humides, luisantes,
Des miroirs blancs et salés
Par les larmes ravalées.
Elles ont un goût qui plait à mes mensonges,
Je souris.

 

 

 

***

 

 

 

Car­ac­tère giclé

 

 

 

Séré­nades, élégam­ment ignorées,
Et rien après.
Poésie, petite beauté agonisante,
Puis du vent de fess­es ivres et posées nues
Sur le rebord d’une piscine de pavillon.
Des bar­belés, une chan­son, un viol, une moto,
La nuit qui n’est plus mystérieuse,
Et moi,
Lâche,
Con­tent de faire par­tie de ce monde.

 

 

 

***

 

 

 

Pau­vre enfant

 

 

 

Il naquit
Sa mère appela les peintres
Les pein­tres le regardèrent
L’étudièrent
Le goûtèrent
Le tournèrent dans tous les sens
Le mirent à contre-jour
Eteignirent la lumière
Le trem­pèrent dans l’huile
Pour en éval­uer la lui­sance naturelle
Et affirmèrent
Unanimes
Que l’enfant n’aurait jamais pu être le mod­èle d’un beau tableau
Ils le mirent dans leur liste des choses
Qui jamais n’auraient pu être le mod­èle d’un beau tableau
Entre la sta­tion-ser­vice et le téléviseur
Ensuite vin­rent les hommes de lettres
Qui prirent l’enfant
L’écrivirent
Le lurent et le relurent
Le sur­prirent en pleine masturbation
Afin d’en con­naître la honte
Lui firent gravir les éch­e­lons de la société
Virent que l’enfant avait du mal à y parvenir
Le suivirent
Le remplirent
L’admirèrent vomir
Rire
Sourire
Pouss­er un soupir
Et dirent à la maman que
En réalité
Ils ne com­pre­naient pas vrai­ment pourquoi
Elle les avait appelés
 

 

 

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5 poèmes

Par | 23 novembre 2016|Catégories : Blog|

 

 

 

les feuilles des pages
for­ment un monde
— on dit : mappemonde -

entre mes mains
une boule de cristal
— pour voir clair -

et la neige au-dedans

 

mon front coupé entaillé
suinte de détresse

 

 

 

***

 

 

 

le vis­age impassible
souvent

- masque corseté -

je ne sais plus
où sont rangées
mes fleurs

            dans quel tiroir

et qu’elles embaument
comme de la lavande

 

 

 

***

 

 

 

je ne peux plus parler

                à per­son­ne

les morceaux de tissu
for­ment un patchwork

per­son­ne ne veut
de ces bribes de pensée

des morceaux d’os
tenus par une broche

 

 

 

***

 

 

 

 

pour Cécile Guivarch

 

 

je marche

par­fois je viens
à ta rencontre

tes mots de fleurs
aux accents chauds

nos mots deviennent
des bagages

nous les emportons
avec nous

 

 

 

***

 

 

 

réminis­cences

un creux un rond
où s’infiltre le vide

dans le ven­tre ou la tête
pas d’arêtes sous la peau

un paysage laiteux
où passent des silhouettes

des pois­sons morts

à la sur­face de l’eau

des pois­sons

aux yeux exorbités

 

 

 

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5 poèmes

Par | 1 octobre 2016|Catégories : Blog|

Les radeaux bleus

 

 

 

Il est des heures, Il est des cris,
Il est des jours, Il est des nuits
Où le sang revient à ses rêves de mer,
A ses sèves célestes enfouies,
Pour nous offrir des parchemins
Qui redonnent leurs couleurs
A nos bais­ers, à nos cœurs, à nos mains
Et, à nos caress­es, leurs fruits
De pinceaux en fleurs,
En échos d’appels à nos amours bleuies,
En rouleaux d’immenses cieux
Tan­tôt joyeux, tan­tôt meurtris,
Tan­tôt radieux, tan­tôt gris
Où se retrou­vent les pleurs
Et les rires de nos yeux,
Entre enfer et paradis,
Entre ago­nie et tableaux bleus,
Radeaux de survie !
Il est des heures, Il est des cris,
Il est des jours, il est des nuits
Où le sang revient à ses rêves de mer,
A ses sèves ter­restres enfouies,
Où les couleurs, pour le grand bleu,
De mille feux, rechantent la vie !

 

 

 

in ” Le souf­fle des ressacs ”

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Morte étoile

 

 

 

Ce jour-là, 

Les vagues rejetèrent la palette. 

Seule la dune bougea, 

Offusquée.
Les bar­bares rirent
Et crachèrent
Les dernières étoiles
Comme des dents ensanglantées.
Les riv­ières des souvenirs
Char­ri­aient leurs mort-nés
Envelop­pés de haine et de couteaux.
Les leçons des méan­dres reprirent
Sous les mottes des glaises
Et les mots d’amours suspendues
Aux hanch­es de nuits
Aux orig­ines des pas
Reprirent les couleurs des regrets,
Squelettes sif­flant d’azurs las
Et d’ouragans fanés.
Lunes écossées,
Jours désha­bil­lés de solaire solitude,
L’incarcération de l’incinérée toile,
Morte étoile !

 

 

in ” Le souf­fle des ressacs ”

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Fusion

 

 

 

Je marche vers toi,

Sur le tapis de cendres
Des pigeons sacrifiés.
Je tends ma main avec toi
Vers le nom­bril éteint de la lune éclatée.
Je viens à toi
Pour fon­dre dans les flammes de nos soleils
Grimpant
Jusqu’à la dernière goutte de sang de nos rosées.

 

 

in ” Arpèges sur les ailes de mes ans ”

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Femmes !

 

 

 

L’im­pos­si­ble ne peut être femmes!
Nous aurons tou­jours la taille de nos rêves !

Nous rejoin­drons, de notre flo­rale impatience,
Dans la lumière de nos espérances,
Le suc flam­boy­ant des étoiles
Et le rire assour­dis­sant des dansantes comètes !
Nos fièvres habil­lées des houles des naissances
Nous offriront, comme tou­jours, tout ce temps
Pour tiss­er, dans nos pro­fondeurs ailées,
Tous ces fruits volants de l’amour
Qui nais­sent et s’abritent au creux de nos reins,
En amples saisons tracées au miel des matins,
S’élevant des caress­es de nos mains !
Femmes !
Flammes d’amour et de paix!
Ecrites par tous les éléments,
Nous réchauf­fons, de nos racines,
Toutes ces tiges d’or qui poussent
Couron­nées, dans la mousse de nos rêves,
Par les ascen­dantes douces gerbes ailées de notre sève!
Femmes!
Le pos­si­ble est aus­si femmes!

 

 

 

in ” Le souf­fle des ressacs ”

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Arbre ! 

 

 

 

Tu es tou­jours là où se confondent 
En ver­ti­cal­ité sonore, 
En hor­i­zon­tal­ité ailée, ton or 
Et l’air don­né à la feuille de vie nécessaire, 
Exten­sion vitale pour les pas de nos envols, 
Fraîcheur de tapis déployée en arcs d’accueils 
Où médite l’oiseau 
En ses retours stel­laires de danses 
Pour que l’eau puisse encore germer, 
Dans ses silences multicolores, 
Au par­fum de nos rencontres. 
Arbre ! Tu nous offres toujours 
Le sang de tes souvenirs 
Et tes nerfs dans les cieux de tes soupirs !

 

 

 in ” Le souf­fle des ressacs ”

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5 poèmes

Par | 31 mai 2016|Catégories : Blog|

Cinq poèmes de Gili Haimovich présen­tés par Mar­i­lyne Bertonci­ni – tra­duc­tion de Mar­i­lyne Bertonci­ni et Sabine Huynh

 

 

 

 

 

Aujour­d’hui, même les bus me mon­trent leur derrière.
Je claudique sur mon cœur.
Le tra­jet change l’ap­parence des choses.
À force de con­duire, le vis­age du  motard qui passe
devient le tien
Je porte des pan­talons résol­u­ment noirs.
Aus­si résol­u­ment que tout ce que tu fais
est charmant.
Entre nous se dresse un leurre théorique.
Nous par­lons comme on impro­vise du jazz.
Cha­cune de tes propo­si­tions est un nou­veau pas vers un striptease
qui n’au­ra pas lieu.
Je sais
que te toucher
sera comme pass­er ma main sur une page vierge.
En atten­dant, c’est résol­u­ment noir
et seul l’in­stinct me per­met de savoir où nous sommes

 

 

 

Today even the bus­es turn their behinds to me.
I am limp­ing on my heart.
The dri­ve changes the way things seem to be.
And from so much dri­ving, the face of the bik­er that pass­es here
turns into yours.
I wear pants that are def­i­nite­ly black.
Def­i­nite like the way every­thing you do
is in the cute zone.
Between us stands a the­o­ret­i­cal lure.
We are speak­ing jazz improvisations.
Every offer from you, it’s anoth­er stage in a striptease
that’s not being done.
I know
to touch you
will be like mov­ing my hand on a blank page.
Mean­while it’s like a def­i­nite darkness
only out of instinct, I know where we are standing. 

 

 

 

הַיּוֹם אֲפִלּו הָאוֹטוֹבּוּסִים מַפְנִים לִי אֶת הָאֲחוֹרַיִם שֶׁלָּהֶם.
אֲנִי, צוֹלַעַת עַל הַלֵּב שֶׁלִּי.
הָרָצוֹן מְשַׁנֶּה אֶת פְּנֵי הַדְּבָרִים,
וּמֵרֹב רָצוֹן פְּנֵי רוֹכֵב הָאוֹפַנַּיִם שֶׁחָלַף פֹּה
הוֹפְכוֹת לְשֶׁלְּךָ.
אֲנִי לוֹבֶשֶׁת מִכְנָסַיִם בְּשָׁחוֹר הֶחְלֵטִי,
הֶחְלֵטִי כְּמוֹ שֶׁכָּל מַה שֶׁתַּעֲשֶׂה יִהְיֶה בַּתְּחוּם הֶחָמוּד.
אֲנַחְנוּ מְדַבְּרִים אִלְתּוּרֵי גֵּ‘אז.
כֹּל הַצָּעָה שֶׁלְּךָ הִיא עוֹד שָׁלָב בִּסְטְרִיפְּטִיז
שֶׁלֹּא נַעֲשָׂה.
אֲנִי יוֹדַעַת,
לָגַעַת בְּךָ
יִהְיֶה כְּמוֹ לְהַעֲבִיר יָד עַל דַּף חָלָק.
בֵּינְתַיִם זֶה כְּמוֹ חֹשֶׁךְ מֻחְלָט
שֶׁרַק מִתּוֹךְ אִינְסְטִינְקְט אֲנִי יוֹדַעַת הֵיכָן הַדְּבָרים

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Car­naval

 

 

 

On va au carnaval.
On fait de notre mieux pour se faire plaisir.
En atten­dant de s’éclater,
on essaie d’éviter la douleur, c’est à dire qu’on s’évite.
Nous avons tant de façons de nous battre :
en déchargeant notre colère par rafales d’ap­pels à longue dis­tance, des clavardages et même des cartes postales
et quand nous sommes près l’un de l’autre
nous nous assénons nos décep­tions comme des gifles
ça fait mal, ça pétri­fie, cette totale absence de distance.
Tant de façons de nous battre,
si peu d’oc­ca­sions de capituler.
Peut-être nous faudrait-il juste l’am­biance par­faite­ment paisible,
de celles qui inspirent à dire la beauté
qu’on a un jour tenues dans nos mains..
Nous nous fixons au Lac Ontario. La Tour CN observe notre comportement.
Pas d’in­quié­tude, , nous n’avons jamais osé maudire à voix haute, maudire exprès.
La chaleur nous fai­sait baiss­er les yeux
on aurait pu pren­dre ça pour de la timidité.
Silen­cieux, avides, nous espérons que quelque chose de bon trou­ve son chemin jusqu’à nous.
Selon mon habi­tude, je n’ai pas assez de patience pour attendre
qu’ar­rive la per­fec­tion, c’est-à-dire
la paix.
Je sais, je vais laiss­er tomber, céder
te lais­sant te lever, me pénétrer.
Mais attends une seconde,
juste avant que la paix ne devi­enne vrai­ment pénétration,
nous trou­verons un car­ré d’om­bre, du soulagement
en mangeant du plan­tain frit
en arrivant à un sem­blant de conversation
à pro­pos de son goût exquis.
On a déjà oublié qu’on était venus pour s’amuser.
Je ne regarde même pas ma mon­tre pour voir si c’est l’heure
de m’ouvrir.
Le soleil se couche déjà.
Le car­naval se dépêche
de renou­vel­er son éclat,
de pass­er en mode séduction.
Nous nous glis­sons dans quelque chose de plus confortable,
tout notre effort tourné vers le plaisir de ten­ter d’aller au lit,
mais juste pour dormir, aus­si vite que possible.
Finale­ment, c’est le car­naval qui nous apaise.
Tout ce qu’il nous reste à faire, :
traîn­er nos corps las, jusque chez nous, jusqu’à notre guerre lasse.

 

 

 

Car­ni­val

 

 

 

We are going to the carnival.
We are doing our best efforts to have fun.
While we are wait­ing for the fun to kick in,
we are try­ing to avoid the pain, mean­ing each other.
We have so many ways to fight:
shoot­ing our anger from long dis­tance calls, inter­net chats and even postcards
slap­ping our dis­ap­point­ments at each oth­er from too short distance
hurt­ing, fos­siliz­ing from hav­ing no dis­tance at all.
So many ways to fight,
so lit­tle oppor­tu­ni­ties to surrender.
Maybe all we need is just the per­fect, peace­ful scenery,
the kind that will inspire us to reveal again the beauty
that ones we held together.
We are set­ting at Ontario Lake. The CN tow­er is watch­ing our behavior.
No wor­ries, we nev­er dared to curse out loud, to curse intentionally.
The heat low­ered our eyes
in a man­ner that might be mis­tak­en as shyness.
Silent­ly, hun­gri­ly we are lurk­ing for some good to come.
As my usu­al man­ner, I do not have enough patience to wait until perfection,
mean­ing peace will come.
I know, I will just give up and in
let­ting you get up and in my body. 
But just before,
before replac­ing insis­tence upon sin­cer­er peace in penetration,
we will find a square of shade, relief
eat­ing fried plantains
suc­ceed­ing in mak­ing some kind of conversation
of how yum­my it tastes.
We already for­got we came here to have fun.
I am not even check­ing my watch to see if now it is my time
to open up.
The sun is already set­ting down.
The car­ni­val is rushing
to renew its glaring,
to switch into seduc­tive mode.
We are slip­ping into some­thing more comfortable,
switch­ing our effort to rejoice in the attempt to get to bed,
but just to sleep, as soon as possible.
Even­tu­al­ly, the car­ni­val is the one to sub­due us.
All that is left for us to do is just
to drag our­selves back home, back to our weary war.

 

 

 

קרנבל

 

 

 

אנחנו הולכים לקרנבל.
אנחנו עושים את מירב המאמצים לעשות חיים.
בעודנו מחכים שהחיים האלו יתחילו,
נמנעים מהכאב, כלומר אחד מהשנייה.
יש לנו כל כך הרבה דרכים לתקוף:
יורים זעמנו בשיחות חוץ, נלכדים בצ’יטוטי רשת, משתלחים אפילו בגלויות ששולחים,
מטיחים אכזבות
בפָּנים, כשהמרחק קרוב מידי,
שותתים, מתאבנים, כשאין מרחק בכלל.
כל כך הרבה דרכים להלחם,
כל כך מעט הזדמנויות להיכנע.
אולי כל שאנחנו צריכים, זו רק האווירה המושלמת, השלווה,
הנכונה,
מהסוג שיטיל עלינו השראה,
לחשוף שוב את היופי בו נהגנו לאחוז יחד.
אנחנו מתמקמים באגם אונטריו. מגדל הסי.אן. משגיח על התנהגותנו.
אין מה לדאוג, אף פעם לא הרהבנו לקלל בקול, בכוונה תחילה.
החום משפיל עינינו, במה שיכול להדמות למורך
לב.
בשתיקה, בשקיקה, אנחנו ממתינים לאיזשהו טוב שימצא דרכו אלינו.
כמנהגי, אין לי סבלנות לצפות עד ששלמות,
כלומר שלום, יגיעו.
אני יודעת שאוותר ואכנע
אתן לגוף שלך לעלות, להיכנס, לזה שלי.
אבל רק עוד רגע,
רגע לפני ששלום כן יוחלף בחדירה,
נמצא ריבוע צל מקל
נוגסים בטוגני בננה
מצליחים בלנהל
איזה דו-שיח
על כמה טעימים הם.
אנחנו כבר שחכנו שבאנו הנה ליהנות.
אני אפילו לא בודקת בשעוני אם הגיעה שעתי
להיפתח.
החמה מתכווננת לשקיעה,
הקרנבל במרוצה
לחידוש נצנוציו,
למעבר להלך מפתה. 
וגם אנחנו מחליפים
בגדים, מחלקים למשהו יותר נוח,
מחליפים את המאמץ להתאחד, במרוץ אל המיטה
אבל רק כדי לישון וכמה שיותר מהר.
בסוף, הקרנבל גבר עלינו.
כל שנותר לנו
זה לגרור גופינו העייף הביתה, חזרה אל מלחמתנו היגעה.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

C’est sym­pa de te revoir 

 

 

 

C’est sym­pa de te revoir
En banlieue
Dans une ver­sion minia­ture et adoucie
De nos vies prosaïques.
C’est sym­pa de te voir
Étreint par un pull bigar­ré de brun,
De voir
les douil­lettes mailles suburbaines
Embrass­er tes pelotes de désirs désillusionnés.
Tu as l’air de telle­ment te suf­fire ainsi.
C’est sym­pa de se revoir en banlieue
Comme deux losers
Même pas capa­bles d’aller en ville
pour s’enivrer.
C’est sym­pa de te revoir en banlieue
Assez ennuyeux aussi
Si bien que je ne vais pas
Trop trop trop
Avoir hâte
D’une prochaine fois.

C’est sym­pa de te revoir
Dans une zone presque neutre.
Le seul qui étreigne quoi que ce soit ici
C’est ce pull bigar­ré que tu portes
Et qui pro­tège ton petit ven­tre somnolent.
Les tigres, en  ban­lieue, se changent en chats tigrés qui bâillent.
Nous nous accro­chons à la seule bar­rière qui nous reste,
Ce voile de brume suburbain,
Que nous n’avons jamais choisi de dissiper,
De  même que jamais je ne raserai ta barbe auburn
Pour révéler l’au­dace de ta bouche,
De même que je n’en­fonce pas mes doigts
Dans la laine brune qui t’entoure
Pour en tir­er un fil
Et dégager
Une sorte de
Cœur.

 

 

 

Nice to Meet You in the Suburbs

 

 

 

It’s nice to meet you
In the suburbs
In a soft­ened minia­ture version
Of our pro­sa­ic lives.
It’s nice to see you
Embraced in a brown pied sweater,
To see
The sub­ur­ban cozy yarns
Hug­ging your des­per­ate yearns.
You seem so self-con­tained that way.
It’s nice meet­ing you in the suburbs
Like two losers
That did­n’t even make it to the city
To get drunk.
It’s nice meet­ing you in the suburbs
Almost bor­ing enough
So I won’t
So so so much
Look forward
To the next time.

It’s nice to meet you
In an almost neu­tral zone.
The only one that hugs anything
Is this pied sweater of yours
Pro­tect­ing your round, drowsy belly.
In the sub­urbs tigers become yawn­ing tab­by cats.
We cling to the only bar­ri­er we have left,
The fog­gy sub­ur­ban veil,
We nev­er chose to remove,
The same way I won’t ever shave your rus­set beard
To reveal how bold your mouth can be,
The same way I’m not pok­ing my fingers
Into your brown sur­round­ing wool
To pick a thread
And pull out
Some kind of
Core.

 

 

 

נחמד לפגוש אותךָ

 

 

 

נֶחְמָד לִפְגֹּש אוֹתְךָ,
בַּפַּרְבָּרִים,
בְּגִרְסָה מְרֻכֶּכֶת, מְמֻזְעֶרֶת,
שֶׁל חַיֵּינוּ הַפְּרוֹזָאִיִּים.
נֶחְמָד לִרְאוֹת אוֹתְךָ
חָבוּק בִּסְוֶדֶר חוּם מְנֻמָּר,
לִרְאוֹת כֵּיצַד חוּטֵי הַצֶּמֶר הַמְּנַחֲמִים
מְאַמְּצִים לְקִרְבָּם וְסוֹפְגִים
אֶת כְּמִיהוֹתֶיךָ הַמְּיֹאָשׁוֹת.
נִרְאֶה שֶׁאַתָּה צָרוּר הֵיטֵב בְּתוֹךְ עַצְמְךָ.
נֶחְמָד לְהִפָּגֵשׁ  בַּפַּרְבָּרִים,
כְּמוֹ שְׁנֵי לוּזֶרִים
שֶׁאֲפִלּוּ לֹא הִצְלִיחוּ לְהַגִּיעַ הָעִירָה
כְּדֵי לְהִשְׁתַּכֵּר. 
נֶחְמָד לִפְגֹּש אוֹתְךָ בַּפַּרְבָּרִים
כִּמְעַט מְשַׁעֲמֵם מַסְפִּיק
כְּדֵי שֶׁאֲנִי לֹא כָּל כָּךְ כָּל כָּךְ כָּל כָּךְ
אֲצַפֶּה
לַפַּעַם הַבָּאָה.
נֶחְמָד לִפְגֹּש אוֹתְךָ
בְּטֶרִיטוֹרְיָה כִּמְעַט נֵיטְרָלִית.
אַף אֶחָד פֹּה לֹא מְחַבֵּק אַף אֶחָד,
לְמַעֵט הַסְּוֶדֶר הַחוּם הַמְּנֻמָּר הַזֶּה שֶׁלְּךָ,
מְגוֹנֵן עַל בִּטְנְךָ הָעֲגַלְגַּלָּה, הַמְּנֻמְנֶמֶת.
בַּפַּרְבָּרִים, נְמֵרִים הוֹפְכִים לַחֲתוּלֵי חֲבַרְבּוּרוֹת מְפֻסְפָּסִים, מְפֹהָקִים, מְפֻסְפָסִים.
אֲנַחְנוּ נֶאֱחָזִים בַּחוֹצֵץ הַיָּחִיד שֶׁנּוֹתַר לָנוּ,
רַעֲלַת פַּרְבָּרִים מְעֻרְפֶּלֶת,
שֶׁלְּעוֹלָם לֹא נִבְחַר לְהָסִיר,
כְּשֵׁם שֶׁלְּעוֹלָם לֹא אֲגַלֵּחַ אֶת זִיפֶיךָ הַחֲלוּדִים
כְּדֵי לַחֲשֹׂף כַּמָּה נוֹעָז יָכוֹל פִּיךָ לִהְיוֹת,
כְּשֵׁם שֶׁאֵינִי נוֹעֶצֶת אֶצְבְּעוֹתַי,
בַּסָּרִיג הַסּוֹבֵב אוֹתְךָ בְּסוֹרְגֵי חֹם
כְּדֵי לִבְחֹר בְּחוּט אֶחָד
וְלִמְשֹׁךְ הַחוּצָה
אֵיזֶשֶׁהוּ סוּג שֶׁל
לִבָּה.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Cris

 

 

 

 

 

Gladys lais­sa ses cris
trop longtemps, dans un pot à bonbons.
Il n’en reste que douceur
devant laque­lle Gladys est une mouche que ses désirs effraient.

Sa las­si­tude n’est pas assez tenace,
ni ses cris qui s’effacent,
et bien qu’elle ne tienne pas par­ti­c­ulière­ment aux cris
qui lais­sent des tach­es indélébiles,
le flot du sang par­court le corps
même s’il ne s’é­goutte pas dehors.

C’est même moins fati­gant que de crier.
Et que sait-elle? Rien.
Elle entend seule­ment par­fois la gêne
crier l’urgence.

On ne doit pas for­cé­ment crier pour déclamer de la poésie.
Mais c’est tou­jours sanglant.
Et sexy.

 

 

 

Shouts

 

 

 

Gladys left her shouts
in a can­dy jar, for too long.
Only sweet­ness remains from them
toward whom Gladys is like a fly who fears its desires.
 
Her tired­ness is not stub­born enough,
like her fad­ing shouts,
and though she is not nec­es­sar­i­ly in favor of shouts
that leave irre­mov­able stains,
blood streams through the body
even if it’s not drip­ping out of it.

It’s even less tir­ing than crying.
And what does she know? Nothing.
Just that some­times she hears embar­rass­ing things,
scream out the crises.
 
To chant poet­ry it’s not nec­es­sary to shout.
But it’s always bloody.
And it’s sexy.

 

 

 

צעקות

 

 

 

סִימָה הִשְׁאִירָה צַעֲקוֹתֶיהָ
בְּקֻפְסַת מַמְתַּקִּים לִזְמַן אָרֹךְ מִדַּי.
נוֹתְרָה מֵהֶן רַק מְתִיקוּת
שֶׁכְּלַפֶּיהָ סִימָה הִיא כִּזְבוּב הַפּוֹחֵד מִתַּאֲווֹתָיו.
 
הָעֲיֵפוֹת שֶׁלָּהּ אֵינָהּ עִקֶּשֶׁת דַּיָּהּ
כְּמוֹ צַעֲקוֹתֶיהָ הַדּוֹעֲכוֹת.
לַמְרוֹת שֶׁהִיא לֹא בְּהֶכְרֵחַ בְּעַד הַצְּעָקוֹת
שֶׁמַּשְׁאִירוֹת כֶּתֶם בַּל יִמָּחֶה,
הַדָּם זוֹרֵם בַּגּוּף
גַּם אִם אֵינוֹ נוֹטֵף מִמֶּנוֹ.
 
זֶה אֲפִלּוּ פָּחוֹת מְעַיֵּף מִלִּבְכּוֹת.
וּמַה הִיא יוֹדַעַת. כְּלוּם.
רַק שֶׁלִּפְעָמִים הִיא שׁוֹמַעַת אֶת הַמְּבוּכוֹת
צוֹרְחוֹת אֶת הַמַּשְׁבְּרִים.
 
לָשִׁיר שִׁירָה זֶה לֹא בְּהֶכְרֵחַ לִצְעֹק.
אֲבָל זֶה תָּמִיד דָּם.
וְזֶה סֶקְסִי.

 

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5 poèmes

Par | 30 mai 2016|Catégories : Blog|

TROUVEUR

 

 

 

 

 

Dis-moi si tu aimes, com­ment va ton cœur

Devant le poème si tu vois ce qui est

Présent et caché sous son masque

Un naufragé volontaire

Dis-moi si tu aimes, com­ment va ton cœur

Sur une île de silence si tu regardes bien

Une paix à peine née

Un vieil enfant

Dis-moi si tu aimes, com­ment va ton cœur

Entre deux soupirs entends-tu

Les bruits du monde

Une mort annoncée

Dis-moi si tu aimes, com­ment va ton cœur

Poignée de grains dans la main du semeur

Dans le sil­lon de la plume

Ton con­tente­ment

Dis-moi si tu fais ton bonheur

D’un chant d’oiseau d’un vol de vent

Accroches-tu les étoiles

Dans le ciel de ta tête

Dis-moi si tu fais ton bonheur

D’un gémisse­ment de moineau d’un cri d’enfant

Dans la poitrine d’un humain

Dans la cage de tes mains

Je te dirai alors le mal­heur des sans nom

L’aigreur de n’avoir pas

Un ami qui ne soit pas moi

Un tré­sor sur qui veiller

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

 

POUR TE DIRE

 

 

 

 

 

Quand j’irai chez toi je sourirai

Et tu ouvri­ras grand ta porte quand

Seule­ment tu enten­dras ce que

Nous sommes vingt années de rêves

 

Je voudrai te dire que je t’aime

Mais tu es si loin, courageuse,

Les blés s’ouvrent à ma porte

Nous sommes vingt années de rêves

 

Tu grandi­ras aux bor­ds abîmés de mon corps.

Forgé par les sou­venirs un vis­age se noie

Une route au-dessus des nuages rouges

Nous sommes vingt années de rêves

Qui a dit que nous nous rencontrerons

Au milieu des pier­res tu es l’oasis

Une route au-dessus des nuages rouges

Ton regard sur le mien et ces pen­sées sur mon corps

 

Tu sculpteras la colline aux vents qui s’offre

Et l’homme dit que sur la pierre il a soif

Son regard sur le tien et ces pen­sées sur ton corps

Une route au-dessus des nuages rouges

 

Les pier­res des maisons ressem­blent à tes mains

Tu es le soleil dans mes cheveux blancs

Et quand tu vois la neige s’éteindre

Tu dessines des soleils dans le gris des poèmes

 

Je prendrai le temps pour te dire

Nous nous élèverons en aéroplane

Tous au-dessus des villes ma ville bleue

Des­sine des soleils dans le gris des poèmes

 

Nous pren­drons le temps de vivre deux fois

Avec les pier­res de l’amour, l’eau des collines

Une route au-dessus des nuages rouges

Des­sine des soleils dans le gris des poèmes

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Oh ! La nuit est tombée sur Athènes ce matin !

 

 

 

 

 

Oh ! La nuit est tombée sur Athènes

Oh ! Péné­lope et Ulysse ont de la peine

La déesse Lib­erté et le dieu Amour

Rever­ront-ils la lumière du jour ?

 

Télé­maque l’enfant ne con­naît pas les prétendants

Qui pour une poignée de dol­lars ont con­stru­it le néant

Et la par­que endeuille le peu­ple des rues

Et l’humaine déchaussée reste nue

 

Qui a lais­sé faire les princes de la guerre

Qui a démoli la paix de cette terre

Qui a eu peur de dire le temps

Qui col­la­bore avec les méchants

 

Oh ! La nuit est tombée sur Athènes ce matin

Et vrai­ment le peu­ple dort-il où le feu est éteint

Car l’ombre de la ruine guette les pays voisins

Qui ne se soucient ni des grecs ni du malin

 

Tant que nous irons au tem­ple pour prier

Tant pour l’exemple les prêtres pour­ront voler

Et le pain des jours et la lumière à la nuit

S’en iront en fumée et sans bruit

Je n’ai pas fait mon ser­vice universitaire

Mais je sais pour mes enfants le besoin

D’avoir l’amour pour grand-frère

Et la lib­erté pour pain quotidien

 

Oh ! La nuit est tombée sur Athènes ce matin !

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

DIHYA

 

 

 

 

 

Le vent dans son voile dénude ses rêves

Sa marche pressée est une fuite en avant

Car jamais sur cette Terre il n’y a de trêve

Jamais l’Arche ne délivre son désir d’enfant

 

La mer épique roule ses hanch­es d’écume

Dihya chante en elle pour ne pas pleurer

Les ruines où son cœur dor­mant est enterré

Dans les cen­dres chaudes des nuits d’amertume

 

Le souf­fle d’Éole la porte sur son aile

Je voudrais mais ne peux marcher avec elle

Sur le sol de mes étés je gémis blessé

Mes gar­di­ens ont le vis­age noir fumée

L’eau salée de toutes les larmes de pluie

Laveront-elles toutes les blessures du jour

Dans le ciel rouge les étoiles bril­lent pour

La fin des fins blêmes tout au fond de la nuit

 

Dihya cour­bée sur sa marche fran­chit l’horizon

Le vent dans son voile lui chante une chanson

Berceuse pour celles qui sont déjà veuves

Et de guerre et de ter­ri­bles épreuves

 

Le vent dans son voile dénude ses rêves

Sa marche pressée est une fuite en avant

Car jamais sur cette Terre il n’y a de trêve

Jamais l’Arche ne délivre son désir d’enfant

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

LA FIANCÉE

 

 

 

 

 

Oui, j’ai rêvé que tu enl­e­vais ton voile

Et ta chevelure jail­lis­sait au soleil

Pen­dant que ta bouche rougis­sait vermeille

Ton nez élo­quent toi­sait l’air vif sans pareil

 

Oui, j’ai rêvé que tu enl­e­vais ton voile

Et tes yeux bril­lants reflé­taient le ciel

À ton front pendait une mèche rebelle

Tes pom­mettes en sang roulaient pêle-mêle 

 

Oui, j’ai rêvé que tu enl­e­vais ton voile

Et ton rire se con­fondait à mon rire

Nos bras s’ouvraient pour que l’un à l’autre s’offrir

Ne soit plus sans paroles pour jamais mourir

 

Oui, j’ai rêvé que tu enl­e­vais ton voile

Et nous deux au soleil devant les étoiles

Dans l’Univers des soli­tudes banales

Nous dan­sions gaiement à notre pre­mier bal

 

Oui, j’ai rêvé que tu enl­e­vais ton voile

Soudain le ciel s’ouvrait et le tonnerre

Et les éclairs et le déluge sur la Terre

La pluie noire d’encre et de sang amers

 

Oui, j’ai rêvé que tu enl­e­vais ton voile

L’orage déchi­rait ce morceau de toile

Et frois­sait ta parure originale

Dans une orgie d’injures dites par des vestales

 

Oui, j’ai rêvé que tu enl­e­vais ton voile

Mais à mon réveil tu n’étais plus fiancée

Des humains en colère t’avaient frustrée

De mon vrai amour éter­nelle­ment damné

 

Oui, j’ai rêvé que tu enl­e­vais ton voile

Sur la place publique ils m’ont mis aux fers

Vaine est ma sup­plique aux bour­reaux de l’Enfer

Le rêve est per­mis quand on vit sous la terre

 

Oui, j’ai rêvé que tu enl­e­vais ton voile

Et ta chevelure jail­lis­sait au soleil

Amoureux de vivre j’étais sans pareil

À boire à ta bouche le vin de la treille

 

Oui, j’ai rêvé que tu enl­e­vais ton voile

Mais je marche dans le grand désert des humains

Couronne sur la tête une lyre à la main

Te délivre avec mon poème de vilain

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5 poèmes

Par | 16 mai 2016|Catégories : Blog|

 

 

 

 

 

Freiné dans son élan
dépouil­lé de ses rives
le fleuve dans le lac
sub­siste par l’effort
opiniâtre et secret
de pour­suiv­re son cours
dis­sous et confirmé
en des eaux différentes
au des­tin immobile.

Son chemin se perdra
une dernière fois
dans le delta aux bras
mul­ti­ples grands ouverts
sur la mer.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Que ce soit le chemin du haut
menant à l’école et l’église
ou celui du bas, prop­ice aux rencontres
amoureuses, ils sont cou­verts de boue.
Emprunte-les l’un comme l’autre
sans crain­dre de mac­uler tes souliers :
c’est dans cette argile où s’impriment
tes pas que se dessine 
la voie d’une naissance,
le pou­voir de trouver
au bout, à la jonc­tion des routes,
les don­nées du départ
unifiées, corps et âme réunis.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Par­venir à la maison
qui résiste 
au souf­fle de l’Inconnu
et l’accueille
par des cloi­sons mobiles
sans dommage
lui ménage sa place

mai­son aux larges baies
de libre respiration

mai­son ardente
que sa flamme renouvelle

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Pois­son mobile et muet
en chemin vers les grands fonds,
pro­longe ta nage jusqu’aux parages
où l’eau devient feu
et toi salamandre
sans fin dans la flamme
vivante

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Tout passera        
emportant 
la pesanteur
de mille insuffisances

Tout passera

Seul restera
mieux noué
ce qui unit

 

 

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5 poèmes

Par | 2 mai 2016|Catégories : Blog|

 

C’est à flanc de mon­tagne, la découpe d’une presqu’île
Qui porte ronde et tra­pue une vieille de dix siè­cles usée,
« Mère église. »
Elle cou­ve sous ses chaumes un cimetière d’herbes et d’ombres.
Tous les soirs, à l’heure dite douce
Quand les derniers feux entre les pics rasent
C’est à petits pas trot­tés qu’elle avance
La jar­dinière des noms,
Broc et arrosoirs clin­quant la marche.
Dans le champ des tombes qu’elle lessive et astique
Elle arrose les morts l’un après l’autre.
Et pas que les siens
Tous
Tous les êtres qui ci-gîsent.
Elle frotte et désaltère en taulière prodigue
Les assoif­fés de l’autre monde qui frémis­sent d’imploration,
Insa­tiable demande que ce peu­ple de terre,
Depuis leur gîte, même éten­dus, con­sis­ter ils veulent.

Si le mal­heur est la perte du séjour
Bien heureux ces morts-là 
Qui, sous la caresse d’une jar­dinière, reposent.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Le long marchandage de ses membres
La vieille l’a tant traîné
Ils ne la por­tent plus,
Les bras lui en tombent
Et les jambes coupées.
Fichu troc
De con­tre­bande 
Con­tre bouts d’existence
Et puis­sance d’un instant,
Frayés.
À présent,
Petite ombre voûtée,
Elle glisse der­rière moi.
J’entends,
Pas du tout feutrés,
Ses pas à pas con­tre pavés,
Rude caresse du rabot
Réveille l’enfance râpeuse.
En sabo­teur,
Le temps et ses à‑coups
L’approche de la terre
Copeau après copeau.
Rabotés les pieds, d’autant de pas avancés,
Couche après couche rapetissée,
Elle se rata­tine au son de la lime.
Doux grince­ment 
Cepen­dant.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Berlin,
Je marche sur des trot­toirs pavés,
Petits car­rés de gran­it blanc s’enchevêtrent sagement,
Égarés par­mi eux devant cer­tains seuils
Petits car­rés de bronze, je croise.
Ils font signe dans tout ce blanc carrelé,
Isolés ou par deux, petits car­rés ternes ou brillants
Creusés de traits, let­tres, chiffres,
Comme scel­lés de mémoire.
Je me penche.
Ci-gît, le dernier pas­sage de l’hôte du lieu,
Du foy­er au camp, seuil ultime de l’humain.
Entre son gîte accueil­lant et la bar­barie qui se tapit,
Les petits car­rés de cuiv­re et de gris
Ourlent la mémoire des deux, sur le seuil de la porte, 
Le déporté inscrit avec en ombre le déportant.
Le seuil, le sas, le dou­ble S qui sonne anonyme, 
Le dou­ble es soudé au pas de porte,
Ça qui gît,
Le sol qui hurle sous la vaste indif­férence du ciel.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Sur l’océan, les avancées de lave gagnent.
Rogne le basalte noir en coulées mis­es en boules.
Au milieu de l’obscure éten­due, un reste de bois,
Arbre mort au tronc unique dressé vers le ciel,
Il bran­dit
La véhé­mence de la survie squelet­tique en os blanchi au vent.
Devant lui, les entrailles alan­guies de la terre en fusion se jettent.
Elles s’y sont solid­i­fiées encore fumantes d’ardeurs,
Et l’océan les lèche,
En con­so­la­teur infini…
De la chaleur per­due, de la niche quittée,
De la course de gueuse arrêtée ,
De la furie de feu et de chair éteinte.
En con­so­la­teur infini,
Il berce de son ressac, la soif brûlante à dévaster le monde.

Eclaboussées, les vagues accrochent aux pier­res endormies des étin­celles de lumière,

La vie revient pareille.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

La pièce est blanche comme une salle.
Quelque chose de beau sonne sur le clos du car­relage blanc en contours.
Privés de mou­ve­ment, l’un comme l’autre,
Privés de sor­tie et de mots en attente,
Ils reposent,
Pro­tégés l’un de l’autre comme précieux.
Quelque chose de beau et de doux résonne dans la pièce emmurée
Qui réper­cute estom­pés les bris du dehors en ouate,
Les pen­sées du dedans aussi.
Quelque chose de beau et de doux éprou­ve la mère,
Affolée de la chose spongieuse, l’insupportable apaisement 
Qui, en douce douleur se répand
Quand l’enfant caressé est porté par d’autres bras.
Quelque chose dans ce blanc sur blanc qui réverbère
La tête de l’enfant enruban­née de bandes
Dessous son corps sur le lit bordé
Dans la cham­bre de tous les blancs.
Libre de rela­tions, l’enfant dort profond,
La vie cir­cuit court pulse dans son être de coma,
Il a la tête reprisée après le choc du vélo dérayant de son cycle.
Retiré du monde, il y manque à présent,
Depuis l’abri qui le berce silencieusement.
La mère le regarde dormir en profondeur,
Depuis ces autres mains qui ont su le suturer,
Elle le laisse repos­er envelop­pé dans d’autres draps.
Quelque chose de beau comme de la grâce
Après la con­damna­tion de la tête trouée,
Coupable se desserre de l’avoir lâché.
Quelque chose comme la grâce
De le voir reprisé ailleurs,
Cet enfant-né tombé.

 

 

 

 

 

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5 poèmes

Par | 18 avril 2016|Catégories : Blog|

Yau­gurú, Mon­te­v­ideo, 2011

 

 

 

Expli­cación
 

 

I

 

una isla es una som­bra úni­ca, una tier­ra inaudita,
una toma en primer plano de pelícu­la americana
un ter­reno de gitanos sin tiempo
una cueva,
la duna con el lobo muerto
el jardín de Cer­ni­an­s­ki en Londres
Vil­la Cleóbu­lo detrás del cemente­rio turco
el con­sul­to­rio de Freud con almo­hadones de terciopelo
su sala de espera
Lou-Andreas al atarde­cer en el vagón de un tren
la Casa de los Adu­aneros y la angus­tia de Montale
la habitación 303 del Hotel Gel­lért en Budapest
el bal­cón sobre el puer­to de Poros
la noche de Theodor­akis en el Herodes Atico
el viejo cuar­to del sei­scien­tos uno
la sala en penum­bra en el cam­po y la araña en el rincón
el acuario de Dubrovnik
una con­ver­sación sobre poesía
una poesía
la angus­tia de la tra­duc­ción de una poesía

 

 

 

II

 

 

la isla de Egina
su mirada
una cue­va en la isla de Jersey
una batal­la en los Balcanes
un anil­lo en el fon­do del lago de Ohrid
un guía tamil tras los rastrojos
la som­bra en un cuen­co de laca
el mila­gro del jade turbio
la obsesión del amante del norte
la habitación de Emma y León en el Hotel de Boulogne
un bar­co en la calle del horizonte
Mon­tague Street
un fado de Misia
un aban­i­co japonés cerrado
el sol­da­do en su monasterio
un poeta muer­to por la espalda,
un can­to de duelo,
el tiro de gracia

 

 

 

III

 

 

un acorde de bajo
un galpón con cone­ji­tos col­ga­dos de las vigas
la san­gre en las heridas
el aria de una ópera
una altura terrible
una igle­sia bizantina
al caer la tarde el olor de los cerezos
el aura de tus sienes
el bali­do de una cabra en la nieve
una lla­ga viva,
el broche de mi madre una medusa perlada
el espe­jis­mo de una estrel­la en la arena
un cas­ti­go en secreto
un amor en secre­to, un secreto:
la mira­da de un cuadro de mi padre

 

 

 

Expli­ca­tion

 

Tra­duc­tion de Nel­ly Roffé

 

 

I

 

 

une île est une ombre unique, une terre inédite,
une prise de pre­mier plan de film américain
un ter­rain de gitans intemporel
une cave,
la dune au loup mort
le jardin de Cer­ni­an­sky à Londres
Vil­la Cleob­u­lo der­rière le cimetière turc
le cab­i­net de Freud avec ses coussins de velours
sa salle d’attente
Lou-Andreas au cré­pus­cule dans le wag­on d’un train
la Mai­son des Douaniers et l’angoisse de Montale
la cham­bre 303 de l’hôtel Gellert à Budapest
le bal­con au dessus du port de Poros
la nuit de Théodor­akis dans l’Attique d’Hérodes
La vieille cham­bre du soix­ante et un
la salle dans la pénom­bre du camp et l’araignée dans le coin
l’aquarium de Dubrovnik
une con­ver­sa­tion sur la poésie
une poésie
l’angoisse de la tra­duc­tion d’une poésie

 

 

 

II

 

 

l’île d’Égine
son regard
sa cave sur l’île de Jersey
une bataille dans les Balkans
une bague au fond du lac de Ohrid
un guide tamil der­rière les chaumes
l’ombre d’une conque de laque
le mir­a­cle du jade trouble
l’obsession de l’amant du nord
la cham­bre d’ Emma et de Léon à l’Hôtel de Boulogne
un bateau dans la rue de l’horizon
Rue Montague
un fado de Misia
un éven­tail japon­ais fermé
le sol­dat dans un monastère
un poète mort par derrière
un chant de deuil,
le coup de grâce

 

 

 

III

 

 

un accord de basse
un hangar avec de petits lap­ins pen­dus aux poutres
le sang dans les blessures
l’aria d’un opéra
une ter­ri­ble élévation
une église byzantine
l’odeur des cerisiers quand tombe le soir
l’aura de tes tempes
le bêle­ment d’une chèvre sur la neige
une plaie vive
la broche de ma mère une méduse en perles
le miroite­ment d’une étoile sur le sable
un châ­ti­ment en secret
un amour en secret, un secret :
le regard d’un por­trait de mon père

 

 

 

 

***

 

 

 

 

Pra­ga de noche

 

 

 

Entonces era invier­no: como un espe­jo y su estaño
la nieve de la calle refle­ja en amal­ga­ma el cielo de la ciu­dad vieja
el mon­u­men­to al mon­je que­ma­do en la hoguera cobija
a los vende­dores de cas­tañas asadas y de obleas
som­bras pertinaces.
Tyn, la góti­ca noc­tur­na, despl­ie­ga sus escu­d­os escamados
de hier­ro al aire de la Stare Mesto.
Reini­cian su dan­za rígi­da los muñe­cos del reloj astronómico
inclu­i­da la Muerte.  Murién­dome un poco camino
con mis botas y mis guantes de piel.
Me miran las con­stela­ciones y
las estat­uas de piedra del puente antiguo.
Ten­go frío y hoy, por así decir, me hieren el canto
agu­do en las esquinas, las líneas como cuer­das de laúd
de las ven­tanas, los faroles men­guantes de las calles:
como si se des­pi­diera la ciu­dad, o estu­viera demasi­a­do ausente.
La miro refle­jar: en con­traste es dora­da, y eso hace una diferencia
para los ejérci­tos de la noche.
Hoy no vale el té de hybis­cos de la kavar­na de costumbre:
si una nube nava­ja afi­la  sobre uno, el rojo del té desaparece:
cúpu­la, cav­er­na, sola de inútil regocijo.

 

 

 

Prague la nuit

 

 

 

L’hiver alors : comme un miroir et son étain
la neige de la rue reflète  en amal­game le ciel de la vieille ville
le mon­u­ment au moine brûlé sur le bûch­er abrite
les vendeurs de mar­rons gril­lés et d’oublies
ombres obstinées
Tyn, la goth­ique déploie la nuit ses écus de fer
écail­lés par l’air de la Stare Mesto.
Les auto­mates de la mon­tre astronomique repren­nent leur danse rigide
la Mort incluse. Me mourant un peu je marche
avec mes bottes et mes gants en cuir.
Les con­stel­la­tions me regar­dent et
les stat­ues en pierre du vieux pont aussi.
J’ai froid et aujourd’hui, pour ain­si dire, me blessent le chant
aigu à l’angle des rues, les lignes comme des cordes de luth
des fenêtres, les lam­pi­ons déclinants
comme si la ville me quit­tait ou qu’elle se fai­sait trop absente.
Je  regarde son  reflet : dorée en con­traste , ceci fait une différence
pour les armées de la nuit.
Aujourd’hui, le thé habituel d’hibiscus de la kar­vana ne sert à rien :
si un nuage affile son couteau sur nous, le rouge du thé disparaît :
coupole, cav­erne, seule d’inutile contentement .

 

 

 

 

***

 

 

 

Tarde en Firenze

 

 

 

Nadie cer­ca del cuadro:
solo
equiv­ale a un doble Caravaggio
Artemisia pin­ta la muerte del gen­er­al asirio
a manos de Judit
/¿cómo entra esta luz vela­da, este
rayo impreg­na­do de polvo,
por qué escon­di­da heri­da roja?/
Solos
ante la figu­ra de Judit y la cabeza de Holofernes
que relum­bran inciertos
en este útero matinal

No hay pasa­do aquí, sólo Artemisia
no hay el ángel del pasa­do que
me sobre­vuela el cuerpo
que me inter­ro­ga siem­pre y disciplina.
No hay tam­poco futuro –que lo diga Holofernes-
hay por heri­da una mirada
sec­re­ta como un sello:
rup­tura de una seda desgarrada

 

 

 

Après-midi à Florence

 

 

Per­son­ne près du tableau :
seul
il équiv­aut à un dou­ble Caravaggio
Artémise peint la mort du général assyrien
aux mains de Judit
/ com­ment cette lumière voilée entre-t-elle, ce
ray­on imprégné de poussière,
pourquoi cette blessure rouge cachée?/
Seuls
devant la sil­hou­ette de Judit et la tête d’ Holofernes
ils resplendis­sent incertains
dans cet utérus matinal

Ici, pas de passé, seule­ment Artémise
pas d’ange du passé pour
me soulever le corps
tou­jours il m’interroge et me discipline.
Ni futur non plus- qu’Holofernes le dise-
un regard secret pour blessure
comme un sceau :
taille d’une soie déchirée

 

 

 

 

***

 

 

 

 

Mon­tague street

 

 

 

una  noche cualquiera
una noche de lluvia
un hom­bre regre­sa a su refugio
pasajero sin fronteras
las pal­abras escritas
las pal­abras amadas
las pal­abras que matan
pal­abras que seducen
pal­abras que desvelan
las lle­va en su carpeta

en la ven­tana de una casa
una ima­gen ape­nas perfilada:
una vir­gen su pelo como manto
las manos unidas estrechadas
ape­nas per­cep­ti­ble en sus tonos tiziano
a su lado la ilu­mi­na una vela
vir­gen bel­lísi­ma ape­nas puedo verla
percibe mi ansiedad:
el vidrio está empañado

yo pasé por esa casa
la noche en que una nos­tal­gia me azotaba
el pasajero tam­bién se detiene, la contempla
como sino de su estrella

al lle­gar al refu­gio sólo pien­sa en la imagen
empieza su poema:
“Una noche al volver a mi rua Aurora”

 

 

Rue Mon­tague

 

 

 

une nuit quelconque
une nuit pluvieuse
un homme retourne à son refuge
pas­sager sans frontières
les paroles écrites
les paroles aimées
les paroles meurtrières
mots qui séduisent
mots qui dévoilent
il les porte dans sa besace

der­rière la fenêtre d’une maison
une image se pro­file à peine :
une vierge sa chevelure la couvre
ses mains étroite­ment unies
à peine per­cep­ti­bles dans leurs tons titien
près d’elle une bougie l’éclaire
si belle cette vierge à peine puis-je la voir
elle devine mon anxiété :
la vit­re est trempée

je suis passée devant cette maison
une nuit de nostalgie
le pas­sant s’arrête aus­si, la contemple
comme des­tin de son étoile

Arrivé au refuge il ne pense qu’à l’image
il com­mence son poème :
« Une nuit je reve­nais dans ma rue Aurora »

 

 

 

 

***

 

 

 

Corte­jo mín­i­mo III

 

 

 

llev­a­ban su cortejo
en las tardes y en las noches nunca
al alba que enlo­quece las almas
que trans­for­ma la brea roja en sangre
que apa­siona los nar­dos nunca
al alba que pro­híbe el sesgo
lla­ma­do cuerpo
la nava­ja lla­ma­da beso blanco:
llev­a­ban su corte­jo casi a solas
con las copas del mar­rasquino del
viejo armario del vaso de Dubrovnik
y el cam­i­nar en el monte
ella obse­sion­a­da en su deseo
él sostenién­dola /leve pena­cho de roble en primavera/
ella creía en un corazón ardiente
creía espe­cial el amor de un corazón ardiente

como a una alhuce­ma él la sostenía
llev­a­ban su corte­jo de vesti­do de seda
(la salu­da de lejos desde
la car­retera roja)
prome­sa de corazón ardiente:
sería un refu­gio de mira­da efímera
sería como el comien­zo de una llama

 

 

Cour min­ime III

 

 

Ils menaient leur cour
les soirées, les nuits jamais
à l’aube qui rend les âmes folles
qui trans­forme la brai rouge en sang
qui pas­sionne les nards jamais
à l’aube qui pro­hibe le biaisé
appelé corps
la lame blanche bais­er blanc :
ils menaient leur cour sans témoins
avec les coupes du marasquin du
vieil armoire du vase de Dubrovnik
et ce chemin dans la montagne
elle obsédée par son désir
lui la soutenant/ léger panache de chêne au printemps/
elle qui croy­ait en un cœur ardent
qui croy­ait cet amour spé­cial en un cœur ardent

il la soute­nait comme une lavande
ils menaient leur cour d’habit de soie
/il la salue de loin depuis
la route rouge/
promesse de cœur ardent :
ce serait un refuge de regard éphémère
ce serait comme le début d’une flamme

 

 

 

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5 poèmes

Par | 5 mars 2016|Catégories : Blog|

 

 

 

Ici
la ruche des noms
bourdonne
de morts illustres
Un peu de leur miel
coule
dans mes veines
d’Africain
Douceur du pont jeté
entre la source
de mon chant
et l’embouchure
de leur fleuve

 

 

 

 

***

 

 

 

Résur­rec­tion

 

 

La mémoire s’époumone
Les sou­venirs s’éveil­lent enfin
Des fan­tômes de tendresse
dans la maison
qui renait de ses cendres
bercent
la soli­tude d’exister
L’on aime le baume
des regards
et les voix qui résonnent
familières
dans la cham­bre obscure
des rêves

 

 

 

 

***

 

 

 

Promess­es

 

 

Je ne son­nerai plus
à la porte de l’étranger
qui par­le en mon nom
dou­ble de mon errance

Je ne prendrai plus
le train incandescent
pour délaisser
la sim­plic­ité des braises

Je ne tricherai plus aux cartes
avec la Mort
pour rafler la mise

Je ne deman­derai rien
à la Vie
à son cœur étoile
dans la poreuse nuit

 

 

 

 

 

***

 

 

 

Lone­ly

 

 

La tombe de ta mère
ta mémoire
sa fiction
Le bruit d’un avion
dans la nuit
ta geôle l’exil
Le masque de fer
de ta vieillesse
le miroir ce bourreau
Toi mar­tyr polaire
dans le mirage chaleureux
la multitude

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

Soif

 

 

L’été me pousse
vers la margelle du puits
M’at­tend un seau d’étoiles
et de scories
Je bois à longs traits
notre rai­son d’être
la néces­saire alliance
du rêve et de la veille
impure

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5 poèmes

Par | 7 décembre 2015|Catégories : Blog|

 

La Nef

 

Dans la pierre, une croisée des chemins
L’épée aux lèvres de Verbe, l’âme ciselée
Des temps anciens,
Sonne dans l’azur des siècles
L’œuvre à portée de main,
La jonque alen­tour des feuil­lants inclinés
Rythme en grâce les détours,
Les pénom­bres odor­antes de lumière,
La main se tend, à l’ode de la rai­son délaissée
Et dans les mur­mures où la blanche nature
Ce matin essaime sa brume lactée
La Fidèle droite ray­onne l’originelle
Andante des élé­ments réconciliés,
Des sabots-de-Vénus font serment
De tous jours lui insuf­fler la primordiale
Allé­gresse qu’un tel des­tin est à apprivoiser
La main se tend vers la nup­tiale maîtrise
Qu’un don seul de cœur à l’aube révélante
Des damiers ajourés où le pas humble
Et aimant a mené, au midi, au levant,
La main se tend en une seule nuit,
Au-devant de la lame jurant
De tenir poignée dans un lan­gage d’enfant,
De pren­dre l’épée au fir­ma­ment de son étoile
Celle d’une vie de quête dans la joie de chercher
Pren­dre l’épée dans la main
Ne rien con­naître tout oublier,
Etre une herbe, un désir­ant, humer l’air
Coquil­lage des yeux s’ouvrant
S’enlaçant, les corps en bénitier,
Dessil­lé, devant
Un cal­ice, une épée
Etre source et immensité,
Une coupe, une épée.
La lame est faite en sa teneur
D’unifier le sens et l’œuvre
La main se tend, c’est un chemin
Où la vie choisit de se donner
Dans son entière générosité.

 

***

 

Le Souf­fle d’Eve

 

La Joie est-elle une arcane
L’arc-boutant d’une cathé­drale invisible
Une graine d’entière lumière libre
De la fleur du sens au fruit de l’innocence,
Douce­ment langue au chant du matin
Mon âme, tra­verse ce gué,
Réveil l’if au son des tambours,
La terre-mère poudroie la pluie
Ondoie les peaux d’épiphanie,
Le berg­er cueille l’herbe respirée
Des vents, l’altérité au son du vivant
Vénère en joie la nais­sance de l’émoi
Révère
Relève, sa part de vie et de croire
Elève, son aube
Relève, son intu­ition immémoriale
La Joie est blanche mûre de la Beauté
Le Souf­fle-mon enfant
Parole réin­car­née, neuve
Ton vis­age de tendresse
Est le livre des rives de l’éternité.
La Joie ténue et libre
Du chemin déjà tracé en soi
Deux mains s’unissant
Se retrouvant
Te don­ner mon don de t’aimer
Tout nous est dit
Dans le temps d’une année
Corps exulté au répons
De l’onde env­ole l’oraison
Une prière muée
Trans­vasée, offrande révélée,
La Joie philosophale
Dans ce corps Antique
Mesure du mouvement
Allé­gresse en ellipse
Régresse, vide
Jusqu’à la nuée éloquente
Pour retrouver
A l’alentour de l’aurore
Les yeux rentrés
Dans le voile de lumière blanche
L’azur du Verbe
La Joie.

 

***

 

 

Ardente

 

Aria de labyrinthe, les cieux
Voû­tent l’évidence aux creux des reins
For­gent ce voy­age des noces alchimiques
Des trou­blantes correspondances
L’Ange a déposé le roy­aume perdu
Eveil de la con­science Absolue
L’âme tra­verse la cary­atide intérieure
Celle des beautés dis­tinctes et pérennes
Le palais où chaque angle est la Geste
D’un chant spi­ral, le corps à demi-nu
Danser, exul­ter en folle sagesse
La com­mu­ni­ante partition
Quand les courbes encore
Sont volutes de caresses
Quand la Nature et Vénus
Sont abon­dantes d’être prêtresses
En la Sym­phonie éveillée
Celle des aubes révélées,
La Flamme immémoriale
Danse, danse, danse,
Esprit en un enlacé, œuvrant
La rosace embrasée
Du don accordé.

 

***

 

Dia­logue pour ton chant Fidèle. Hommage

 

Aux con­fins des temps le mur­mure de l’attention
S’écrivait à la palme du cœur, enfance d’amande divine
La conque des chants mil­lé­naires dan­sait d’étoiles
Une flèche irrigue, sa pointe est une source,
Trans­vas­er tel un arc sail­lant, être onde de beauté
Flux et reflux d’une spi­rale à l’ode révélée
Aurore, être ta ten­dresse renouvelée
Le présent de ta comète écrit l’aimant au souffle
Scin­til­lant de ton panache de Voie Lactée,
Uni­versel est le lan­gage des intu­itions sensibles
Les ponts se tra­versent tels des arch­es inversées
Pass­er, don, nous élèverons pierre par main adoubée
Au loy­al élan de tous jours nous avions appelé,
Doux est le retour en son verg­er quand l’acanthe flamboie
Les ormes s’inclinant à l’acmé de l’émoi donné,
Un présent où l’unique est le cen­tre du rythme
Sen­si­ble être, tu es ta Joie dis­tincte, délicate
L’harmonie du fris­son qui est l’apparaître
La grat­i­tude ray­on­nante te recon­naît en enfance
D’Homme, bien­veil­lance, vail­lante âme apaisée,
Les blés chantent l’olifant de l’allégresse
La grâce s’incurve à la caresse de ton ivresse
Libre, tant la dimen­sion est instant du renouvelé,
Haut les cœurs, magis­trale générosité
La con­quête est une fidèle correspondante
Quand l’amitié de la Nature est sa source de nuance
A celui qui donne, sonne, la soie de sa ver­tu, revient l’immensité
Une allégeance où le Mys­tère de l’engagement est union
O gué ! Ela­bore en recevoir la géométrie des fruits de l’attention
La Bon­té est char­nue des délices imag­inés, de ce qui est création,
Les rameaux de l’innocence nour­ris­sent l’amante circonvolution
Quant à cueil­lir l’étoffe de la beauté de l’étrenne,
Etendre l’étreinte jusqu’à l’offrande de la lumineuse droiture
L’essentielle nature à l’aube du matin per­le sa présente ramure
A la lignée des temps l’amplitude d’une seule âme, gratitude
Révèle, à l’épiphanie d’Eros, au pos­si­ble de l’héroïque,
Har­monie de l’émoi divin, ain­si une goutte de rosée sur la feuille
Inclinée est ten­dre en son voluptueux sil­lon, baignez-vous
A l’orée dévoilée, à la lyre qui inspire le tout aimé.

 

***

 

 

La prov­i­dence légère

 

Grâce du lever, au dire de l’olivier et du laurier
Ornant le front encore ten­dre de la douceur de l’aube réveillée
Allons, au témoin des aimantes diseuses, Dame Nature
De la roche au cristal, à l’andante minéral, est diamant
De verve nervure, exhale, les cor­re­spon­dances parfumées
Lorsqu’au répons du chant l’Esprit bruisse la caresse bénit de son audace
L’armoiries de son orée est au ciel d’azur une noce aux ailes flamboyantes
Le cœur vif à la voyelle de l’Agapê, les nuages vibrent au blanc du silence
Tels des pétales d’apparaître où la présence de l’étamine d’un fécond soleil
Vague en ray­on de Joie l’ellipse de nos songes, l’innocence vermeil,
Le cerf règne en la forêt du pas­sage, au gué de l’amour, aux sources clapotantes
Racines de miel fouis­sant l’humus, le pollen s’élance,
Ondoie nos corps d’épiphanie, nos frag­iles tran­shu­mances ten­dent à l’étoile
De la Beauté, l’astre rémi­nes­cent  épure la noble con­nivence, candides
Les portes de la Voie Lac­tée, rameaux légers, con­stel­lent les saisons
De la renais­sance fleurie aux fruits de l’Automne, le sabli­er ami est un nombre
Où la flamme danse la mélopée des âges, vit­rail ouvre la lumière !
Archi­tec­ture d’opale où l’arc-en-ciel de ton chef‑d’œuvre donne l’ouvrage
De la lyre du ciel aux son­nets à la syl­labe de lys, les voûtes tail­lées à l’élan de la Geste
Son­nent la loyale Mer­veille à l’égale de l’excellence, lune ren­con­tre la flèche du soleil,
Verse ton eau de la pomme à l’Absolu, en flux et reflux, ardente,
Le sub­lime est la main dont le cœur chante la roseraie des âges mariés
Les val­lons de gorge ascen­dante libres ori­flammes répan­dent une hardiesse
Veloutée d’herbe où l’océan des blés est une offrande, cueil­lons la langue
Celle du don de nos éclats où la fleur s’épanouie au chant de la tiare
Sa gemme est une âme de mys­tère d’un roi, une aimante fit son sacre
A l’aubade d’un fris­son d’émoi ain­si en leur mesure prou­vée la fine
Végé­tale devint femme, la corolle de sa Joie le lui a donné,
Il est à la grâce des vents, à l’ode de l’ombrage des chants
De savants édi­fices qui com­plices à l’attention de nos entières
Bal­lades de songes ser­tis­sent la vision pour lui don­ner son présent
Une ode à la Beauté celle où il est le temps d’aimer, maître de vie
L’accord des répons auda­cieux sont au délice des liens donnés,
La source vive de l’inquiète, désir­ante atten­tion aux jours flamboyants
A ce mys­tère évi­dent que nous les brisants en écume d’aimant, les comètes tendresses
Les arpèges de tonal­ité savoureuse, un genou fléchi, la main dansante,
La caresse des au-delà du temps, nous sommes, mes­sagers au Roy­al accord de la Traversée.
 

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5 poèmes

Par | 7 décembre 2015|Catégories : Blog|

 

J’ai mis ton chien dans mon poème.
Il y a bavé très longtemps.
Je pense à des dimanch­es blêmes
d’hiver où il pleut doucement,
au mois de mai qui veut qu’on aime
et qu’on embrasse son amant.
Je veux sor­tir de la semaine
et vol­er éternellement.

 

***

Avec sa canne de clocharde
une rousse vieil­lie navigue
vers une pente où l’on bavarde
comme au print­emps sur la garrigue.
Voici l’été et il me tarde
de trou­ver le par­fum des figues
que leurs feuilles et branch­es gardent.
Où vas-tu cerceau de fatigue ?

 

***

L’acharnement de som­bres coups
agite une obses­sion inquiète.
Je ne sais pas si l’on dissout
l’arrimage des joies défaites.
Tant d’effort pour être debout.
Une fatigue sur ma tête
étale son silence doux,
feu­tre enneigé d’une tempête.

 

***

La lec­ture, midi, les places
me par­lent d’histoires lointaines.
Sous ma semelle ce qui passe
n’accroche pas. Com­bi­en de peines
pour être si légère et lasse ?
Faut-il qu’un sou­venir me vienne ?
Tou­jours ma mémoire s’efface.
Vies plus réelles que la mienne.

 

***

Sur ma jambe un gros chien bave.
On a com­mencé un dialogue
du temps qu’on était des esclaves.
Voilà des siè­cles que l’on vogue.
On cache un mot dans une cave
pour empêch­er les épilogues.
On s’imagine qu’on est brave
de se sauver dans des pirogues.

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5 poèmes

Par | 16 novembre 2015|Catégories : Blog|

 

J’ai épousé la lumière
elle me suit comme une ombre
comme un chien affamé
et sa pâleur nocturne
a l’éclat d’une lame acérée

La cham­bre où je repose
n’a ni fenêtre ni balcon
aucune clef ne délie séjour

 

 

 

La rôdeuse
nous marche sur la tête
ses pas sont plus tranchants
que le planch­er des mots

Ses pas sont des vigies
qui gar­dent les ombres
dans leur mai­son vide
la nuit mal-nommée

Sous ses talons
ses arcs-en-ciel se cabrent
plus fins que des vertèbres
plus vivants que tous les chants macabres
de la renommée

Elle rassem­ble les songes épars
impos­si­ble de dire
qu’ils n’existent pas
qu’elle n’existe pas
sa caresse est une griffe
sa bouche a le goût du sable
toutes les aigu­illes de ses pas
sèment la tem­pête de ma destinée

 

 

 

Il y a le cer­cle et la parole
et l’heure où chaque naissance
annonce l’aube rageuse
l’attente du regard

Une main aveugle
dure à tâtons
devance le jour
des­sine comme par jeu
la fron­tière qui sépare
le silence de la parole
le geste du murmure

De son pouce
se tra­verse la brèche
s’effleure le néant
d’où l’on sauve
la braise
et la brindille

Et que l’oreille
se tende
vers ce soupirail
qu’elle entende
que nos fantômes
n’ont pas changé de nom
que tous se croient encore vivants
dans l’espace ouvert
par l’éclat
le mirage
de nos âmes !

 

 

 

Pour écrire un poème

Il faut recevoir
des brasiers de vent
un matin de brouillard

Il faut oser construire
une mai­son de feuillages
en plein courant d’air
mille fois la rebâtir

Il faut oser
se taire
rester immobile
longtemps indifférent
à toute rumeur
mendier
le pre­mier chant du moineau
qui passe enfin sous la porte

Il faut avoir cessé
de vouloir nom­mer les choses par leur nom
avoir bu
à la transparence
de tous les calices

En écrivant ce poème
on se prend à rêver
que dans un autre temps
un autre pays
une main amie
en recueillerait les mots
pour les ren­dre à leur couleur
à l’ombre de sa voix
par la beauté
de la vie
qui tra­verse un regard

 

 

 

Que s’avance sur ce chemin – ombre ! –
le poète à la tête haute
couron­née de brouillard
et sa sœur
la men­di­ante Liberté

Ce n’est pas un hasard
si ceux qui n’acceptent pas la douleur
ne méri­tent pas nom de Créateur
ne méri­tent pas de voir
ni le ciel
ni les étoiles
muettes

comme ce tout pre­mier pas

 

 

 

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5 poèmes

Par | 16 novembre 2015|Catégories : Blog|

 

Une mai­son de poupée

 

Les fleuves sont hauts,
La Lune s’est mor­due la joue.
Les pattes des oiseaux
S’abritent et s’ébrouent.

La cloche cogne au bleu lisse
Des poitrines endormies.
Le sable du sabli­er crisse
Dans la bouche de la nuit.

Et toi tu march­es dans la neige,
Arle­quin, tu creuses ta malice !
Tu fais mys­tère de ton cortège
Et puis tu retournes en coulisse.

 

 


Le désir m’a fait semblable

 

J’ai croisé ce soir le regard du trompettiste
Il tient ferme son rang comme une fièvre triste
Dehors il cherche mais le jour ne revient pas
Les jeunes Pans vaguent aux alcôves et ils n’aiment
Rien que le sang du soir que sa bouche mordille
Regarde-moi danser comme un bateau qui pleure
Regarde-moi danser au fond de quelle nuit
Git la car­casse rougeoy­ante du bonheur

 

 

 


Ni de terre ni de mer

Il n’y a plus d’enterrement
Ni de terre ni de mer
Si tout le monde ment
C’est pour mieux s’exhumer

Il n’y a plus d’enterrement
Ils te jet­teront os aux chiens
L’arbre n’embellit plus
De tenir le vent

Il n’y a plus d’enterrement
Plus un ciel à labourer
Qu’importe la forme des estuaires
Je me soumets à ton sablier

 

 


As-tu tout emporté ?

 

Je ne désire plus me retourn­er encore
Sur la face jadis éclair­cie de ton rocher.
Si l’amour doit sur­gir sous un nom que j’ignore
J’accueillerai jusqu’au san­glot ses vérités.

Ô mémoire, de quel navire t’es-tu échappée
Avec ton vête­ment assoupi de lumière ?

Va, ne me cherche plus. J’ai ser­ti nos graviers.
Je suis la mer en lutte sous le port, l’archipel
Reboisé par les vents mauves et étrangers.

Qui que tu sois, fille fraîche aux mains de cerise,
Veil homme dont la voix est un jeune oiseau,
Je scrute ton orage, j’écarte le rideau rouge de tes rêves,
J’entre au monastère intran­quille de ton brasier.

Qui que tu sois, sois reine,
Et que notre éter­nelle sépa­ra­tion soit célébrée.
Qui que tu sois,
Tu pour­ras dire : — Mon cœur s’en trou­ve délivré.

 

 

Sans compter les dimanches

 

Nous aurons des dessus-de-lit
En velours de Gênes
Et mille guenons plus veilles que ma mère
Y enfanteront

Nous ramerons avec les branches 
Vertes du poème
Quar­ante jours c’est long
Sans compter les dimanches

Les enfants laissez-nous
Allez jouer tant qu’il n’y a pas de vent
Ne touchez pas
Les racines de l’arbre tant qu’il gèle

Nos trist­esses sont des grands cyprès
Qu’on cache et qu’on brûle
Un matin
Sans y penser

 

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5 poèmes

Par | 3 novembre 2015|Catégories : Blog|

 

Aujourd’hui se termine
Rehaus­sant légèrement
La pile des jours
Aux con­tours flous
Comme un vête­ment sur la peau
Qu’on voudrait saine et sauve
Une gomme à  ren­dre invisibles
Les tâch­es accomplies
Nous-mêmes floutés
Juste un sourire raturé
Mais je sais que der­rière la porte
Qui ferme lundi
Ou bien ouvre mardi
C’est selon
Il y a un matin ciselé
Un arbre aux branches
Incontournables
Des bras qui nous tiennent
Le regard haut

 

***

 

Chair des pierres
 

Faire gliss­er les heures
Comme des billes
En terre couleur
D’orage dans la pente
Sur le ver­sant ouest
Per­les sans fil tombées
De nos poches béantes
Lan­gage poucet
Miettes de pain
Miettes de toi
Grains de moi

Galets en transit
Posés sur l’édredon
De gran­it où brille
La pointe d’une étoile
Comme un poinçon
Sur l’absence vive
Petit cail­lou roulant
Entre la semelle
Et le pied entravé
Alors ajuster le pas
Le soleil se couchera
Plus tard que prévu
Graviers surnuméraires
Osse­lets du temps
Lancés au hasard
Vers le ciel vacant
J’écarte les doigts
Tout est encore
Pos­si­ble si je joue

 

***

 

Chaque fois que le silence
Nous attrape par les épaules
Nous sec­oue comme un prunier
Pour faire tomber les particules
De vacarme en nous
Débris et graviers
Grumeaux et copeaux
Chardons et pardons
On peut s’endormir
La fenêtre ouverte
Au son du marteau-piqueur
Dans la rue où résonne
La colère de l’enfant hurlant
Qu’on ne l’écoute jamais
On peut se laiss­er glisser

Dans la bas­sine des doutes
Gorgés de paresse
Les paupières striées de soleil
Des abeilles plein les mains

 

***

 

Delta

 

A cet endroit
Où le soir s’élargit
Vaste embouchure sur la nuit
Des ciseaux à plumes coupent la trajectoire
Des avions que je ne prendrai pas
Alors avaler sa salive
Penser à maintenant
En rassem­blant d’un revers de main
Les dernières miettes du jour
Refer­mer à moitié la fenêtre
Sur ce qui n’est pas encore fini
Etir­er la dernière heure de clarté
Jusqu’au bord
Comme une nappe repassée
Sur le ciel migraineux
S’attabler à l’horizon
En atten­dant le solstice
Ou entr­er dans le courant
Avec nos malles vides
Nos brindilles rutilantes
Et aller vers…

***

 

L’aurore est double
Dans l’intervalle ecchymosé
Mon­ter sur la pointe des pieds
Et pos­er la joue sur la ligne de crêtes
Il y a l’envers du décor
Qui gratte
Et les coutures
Qui craquent
Mais quelqu’un chante
En glis­sant  le long
Des pentes accidentées
Le crépuscule
Est resté coincé
Dans l’horloge  aphone
Et je n’ai pas
De pile pas de ruse
En réserve
Juste du temps
Qui déploie ses ailes
Dans la cham­bre claire

 

 

 

 

 

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5 poèmes

Par | 29 septembre 2015|Catégories : Blog|

 

A Cinecit­tà avait été dressée une palissade
de madri­ers mas­sifs désor­mais graf­fités de tags rouges
à hau­teur d’yeux d’ados. On était par­venu ainsi
à isol­er du monde le cer­cle des idées,
le O de bois, this wood­en O
pro­pre à cern­er les vastes champs de France,
et tout ce que savaient du monde les Grecs anciens.
De cette arène, on avait sor­ti les coqs de combat
et les tau­reaux cuatreños,
on avait fait le vide, mis en jachère,
refusé la moin­dre dîme de sang,
ignoré les appels à la violence
qui nais­sent dans les bas-ventres,
écouté le vent sur le sable et sif­flé les étoiles de sorte
qu’elles choi­sis­sent leur place dans les prés
et ser­rent leurs rosettes, chaude­ment l’une con­tre l’autre,
comme la mémoire classe ses pho­tos. C’était le par­adis, dis­aient ceux qui avaient ôté leurs sandales
au cen­tre du O, un état qui n’avait pas été écrit,
absent par­mi les mil­liards de combinaisons
des touch­es d’un clavier,
pas même envis­agé un seul instant
par le moine du mont Athos descen­du hier de ses cimes
dans la volière de Roissy-en-France.
C’était une utopie d’inventeur,
un décor, un grif­fon­nage de jeunesse
qu’il suff­i­sait de touch­er du bout du doigt
pour que les pig­ments de rouge
s’époudraillent comme maquil­lage de clown,
comme chair aigrelette de cornouille des bois,
qui pro­pose son rouge comme elle peut,
selon la force du vent et le poids des gouttes de pluie.

 

***

 

Toi l’homme, avec le sourire de ta poitrine
ouverte comme on brise un bréchet d’oiseau
ou d’homme oiseau ; l’homme-bullambule
sur une sphère aux con­ti­nents d’un bleu, rouge,
vert de papi­er gom­mé, en équili­bre sur le monde ;
homme habile à lancer le satel­lite d’une main
à l’autre, lancer un point de lune
sur­mon­té de sa tige courbe de muguet noir ;
homme Icare sans ses ailes, frag­ile, com­bi­en fragile,
homme-femme casquée d’une tête d’âne, cou­ple cheval
péné­trant dans Troie bruyant d’un cliquetis
de ressort qui se détend, jou­et d’enfant
arbi­tre des guer­res passées, des guer­res futures. Toi
l’homme con­fon­dant le ciel et une piste de jeu de quilles,
dont la face s’ouvre et se ferme aux solutions,
par­faite­ment se lim­ite au rec­tan­gle d’un miroir,
dont le vis­age est un boîti­er de ser­rure, le trou en forme
de cœur de roi de cœur, de Charlemagne
aban­don­nant Roland à Roncevaux ;
l’homme blot­ti, dont l’envie se blottit
der­rière ses palis­sades, dont l’envie choisit
de faire du sur­place, comme les gouttes d’eau
tombant de la gout­tière, comme le der­viche tourneur
aux yeux noir­cis de khôl com­bine vitesse
et immo­bil­ité. L’homme de cirque
et l’homme du cirque des désirs, des cercles
d’enfer, l’homme-Orphée, tête de lune
sur tête de loup, au corps tombeau,
au corps trom­bone pour mieux scander
les défilés mil­i­taires, pour que le cocher aux deux chevaux
mieux fran­chisse la ligne d’arrivée
de la mort, sur une Terre trop ronde pour lui,
une palis­sade trop étroite qui cache mal,
en dépit de tant d’efforts, la con­stel­la­tion du can­cer et
les métas­tases aux lèvres des musi­ciens muets.
Toi l’homme et la lumière imma­nente des paumes,
la sur­prise pre­mière des tho­rax qui s’ouvrent au large
comme se décil­lent les paupières et les hymens.

 

***

 

Les plateaux du lac Itas­ca écar­tent leurs pentes
et per­dent leurs eaux, lâchent
les esprits, bons, neu­tres, mauvais ;
des nabots tirent leurs chapeaux,
bas, au ras des vagues, et salu­ent leur passage.
Car c’est le grand départ des flots
Où se mêlent encore des sangs bleus, noirs,
des glaires, toute une éro­sion cervicale
dont on se demande bien
ce que pour­ront en faire les berges.
Pour­tant les eaux frôleront les noms acadiens
d’Orange, Beau­mont et Saint-Cloud et,
après les chutes de Saint-Antoine,
rejoin­dront le golfe du Mex­ique, les cyclones
où cer­tains, depuis tou­jours, voient l’œil de Dieu,
un vieux Dieu can­o­tant de déluge en déluge, tirant
les larmes des hommes comme des chèvres le lait et
nom­mant les mers obtenues. Mers Egée,
Tyrrhéni­enne, Morte, Blanche et des Sargasses,
d’où les larves diaphanes des anguilles
met­tront trois ans à regag­n­er l’Europe,
dans un per­pétuel aller et retour et ressac,
un per­pétuel par­cours du monde,
comme aujourd’hui encore, à cette heure,
flot­tent à la sur­face de toutes les eaux du globe
les cris des esclaves noirs attachés au Mississipi
et les cris des Juifs achevés au-delà du Rhin.

 

***

 

La ligne de partage des eaux
a béné­fi­cié du té de l’hydrographe,
aus­si pré­cis que la médi­atrice de l’arête de ses sourcils
tirée par l’arête de son nez ; grand dompteur
des gouttes de pluie comme Moïse sa mer,
fou­et à la main s’il le faut, gri­mace aux lèvres,
sueur sale­ment âcre au front, la règle pincée
entre pouce et index, en instituteur
qui ordonne ses rangs d’élèves,
ange éle­vant sa bal­ance au-dessus des âmes jugées.
Et voici les gouttes par­ties, celles pour la Manche,
celles pour la Méditer­ranée, qui devront encore franchir
les péages d’autoroutes, l’A 13 jusqu’après
les haubans des grands ponts sur la Seine,
l’A 7 finis­sante dans les graus à moustiques,
avec son bruit de bal­lon boulé sur une flaque,
friselisante – pour pédam­ment parler –
à l’approche du golfe après le ron­ron­nement fluide
des files d’automobiles : les gouttes du nord,
gouttes du sud, goutte d’oc, gouttes d’oil.
Ce n’est pas un petit des­tin cette tendance,
aus­si cer­taine que l’Afrique s’écartant de l’Europe,
Mada­gas­car quit­tant ses nich­es du Zambèze,
le sang les poignets incisés, les mots les bouches,
les mots et leur suint, leur humid­ité grasse,
qui pren­nent leurs accents selon la pente choisie
depuis la ligne de partage des eaux :
les mots squelettes de la con­di­tion des hommes.

 

***

 

Le marte­lage du ven­tre, chaque nou­velle lune,
lorsqu’il est dûment exé­cuté par le forgeron,
donne l’assurance d’un accouche­ment facile.
La cer­ti­tude aus­si du pla­cen­ta miraculeux,
la source tou­jours pro­fuse des eaux, des eaux
mêlées d’hématite rouille, les meilleures,
celles recom­mandées sur les ordonnances
des plus grands médecins, celles recueil­lies de
la toute pre­mière pis­souille de Jésus
sous le regard admi­ratif des berg­ers et des mages.
Oh le bel arrière-faix des pre­mières parturientes !
D’une belle couleur, si plein de vertus,
vessie de vie d’avant la vie, éponge gorgée
d’eau de jeunesse ! Et tombé, misère,
tombé dans un sac plas­tique, mes gen­tils enfants,
tombé par­mi les déchets de chairs et excréments.
Tombé. Tombé. Jeté. Bleu, le sac plastique,
je me sou­viens, il était bleu. Cela au lieu
de l’enterrer dévote­ment, respectueux d’un rituel,
dans un pot impéné­tra­ble aux fourmis,
pour don­ner aux sourciers, un jour,
une chance de faire sur­gir l’eau et sa sagesse,
qui empêcheront les épidémies,
calmeront les fièvres, les colères, les coups,
soigneront les gerçures et même répareront les crânes,
ô belle eau dorée, eau d’orange, de grain
d’épi de blé, eau grenat des pubertés,
eau des orages de juin, silen­cieuse, eau
des neiges et des grêles, et des mots chantés,
eau sur vos cous, mes femmes les nécromanciennes,
eau noire, lourde et patiente, aux odeurs
de patchouli, eau pour mouch­er les chan­delles vertes
sous les paupières des enfants restés à l’état
de pla­cen­tas merveilleux.

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5 poèmes

Par | 30 août 2015|Catégories : Blog|

 

 

Retour au ciel éthanol de Paris
aux gerçures des doigts claquant
sur le vélib­er­taire gris,
à l’heure du can­délabre couchant.

 

 

 

 

Penser à rebours

 

Soli­taire sans en sen­tir l’air,
la nuit com­prime mes rêves par terre.

Absence débor­dante ;
pour­tant, seule au loin ;
vide en trop plein.

Impal­pa­ble perception.

Sen­sa­tion vaine :
                               mes mains sans ses seins.
Débus­quer son odeur
pour une bouf­fée d’ardeur,
étouf­fée par la fadeur du présent.

 

 

 

 

Envolée de jupe 

 

            Prémisse d’une vision divine !
Tribu­chote­ment instantané,
                l’œil dérouté
                                se ratatine ;
les mains volent planées vers la rampe !
Divinité du mét­ro­pol­i­tain, les chutes vont de bon train.

 

 

 

Dépeint éter­nelle­ment gris mais il est aussi :
gris acier,
beige délavé,
gris de lin,
beigeasse,
gris perle,
bistre le soir,
gris de Payne,
blanc cassé,
vert de gris en hiver,
blanc sale,
grège,
blanc de noir,
brume d’azur,
zinc,
ou encore, bleu fumée,
orange vieillissant,
au print­emps bleu charrette,
vio­let déteint,
bleu pétrole,
étain,
ton béton,
éteint la nuit,
teinte bitume,
fer à l’apogée et rouil­lé au couchant,
châ­taigne en automne,
aspect souris depuis le métro,
éclat pigeon vu des lucarnes,
teint mas­tic le matin
et s’illumine d’un esti­val col­oris bureau bavant vers le bleu, le ciel de Paris.

 

 

 

 

Eclipse de temps

 

Une éclipse de temps trop sombre,
puis le ray­on de sa fleur col­ore mon visage,
                                  le ciel s’embrase.
Cette douce lumière enflamme les pig­ments de ma peau.
Les coups de soleil figent ma pudeur,
empour­pré, je rep­longe dans l’absence.

 

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5 poèmes

Par | 30 août 2015|Catégories : Blog|

 

« L’amour à ton cou
Mes jambes t’apprennent
L’amour a nos âmes
Mozart et l’océan »

 

Extrait de « Ma pluie sous ta Laine »

 

*

 

Ta main sur
Ma main
Sur
Ton torse
Encore
Ta main sur
Ma main
Sur
Ton torse
Encore
Ta main sur
Ma main
Encore
Pas de
Pas de
Ni
Pas de… juste
Ta main sur ma main
Ton torse
Qui est-ce ?
Pas de
Pas de
Ni
Pas de juste
Juste à qui
Est-ce ?
Est-ce ?
Sur ta peau
Sans bas ni chapeau
Juste ta main sur ma main.

 

Extrait de « Ma pluie sous ta Laine »

 

*

 

Je vais après les mots
Là où l’amour mène les siens.
Je vais après les miens.

Ils lais­sent dire leur vie
Racines fraîch­es et vieilles.
En terre, les mots remon­tent à la sur­face, me sentent.
S’éventent des échos, des prières d’antan, des désirs me touchant.
En terre, les miens moussent.
Les rêver bien plus loin et les per­dre à la cime des arbres.
Au-delà, où sommes-nous ?
Au ciel, qui vient ? Je me suis.
Je vais après les mots, les siens, les miens.
Au ciel, le désir au vent mène qui veut, qui vient, qui sème bien plus loin
qu’en moi-même, son histoire.
J’entre en terre, la sienne, une incon­nue bien­tôt connue.
Et je sais : il me suit, quand je sème au vent des cimes.

Je vais après les mots
Là où l’amour mène les siens.
Je vais après les miens.

Les corps par­lent, caressent les cerveaux, goû­tent au-delà d’où je vais
Souf­flent à la cime des âmes, aux racines et au vent.
Les corps s’aiment sans mots, s’égrènent.
Et les peaux, qui les plante ?
Nos sueurs se mêlent, nos peaux se hissent, lis­sent nos labeurs.
Le front plat, nous sommes là sans rides.
Nos lèvres sèchent à nos soupirs, et nos yeux s’ouvrent sur un bleu immédiat :
« Je suis là !»
Qui sème me revient, me laisse aller vers, me passe à tra­vers, se retient.
Il n’est pas encore l’heure.
Sueur à sueur, nos caress­es effacent nos labeurs les mains ouvertes vers l’autre rive : « Où es-tu ? »
Les mots, les miens, les ondes-miennes, les siennes fon­cent, m’échappent à la cime.
« Me quit­tez- vous ? » « Où m’emmenez-vous ? »
De tout mon long, je vous envie, vous me fouillez.
Alan­guie, je suis longue.
Qui sait qui part, qui revient, qui fouille ?
En terre, les miens mouillent.

Je vais après les mots
Là où l’amour sème les siens.
Je vais après les miens.

Je ne sais plus si je sais que j’aime.
Je ne sais plus que je m’en vais.
Juste je pars juste.
C’est juste après les mots que des vagues débor­dent les lèvres.
Faut-il sor­tir du lit, quand deux riv­ières s’y jettent ?
Je respire ses mains, les miennes s’accrochent.
Je lèche ses pieds, les miens marchent sur l’eau.
Qui sait sans se mouiller les pieds taire ce qui sème ?
Et écouter pouss­er le ciel.

Je vais après les mots
Là où l’amour sème les miens.
Je vais après les siens.

Sans fond ni pont.
Aimer juste aimer sans fin juste l’aimé jusqu’à sa rive.
En face le pont, le courant file son temps.
Aimer sans fond l’aimé qui fait face sans filer.
Et écouter pouss­er le ciel sous sa peau, mouss­er les siens sous la mienne.
Je suis allée après les mots, mes miens, les ondes-ciel, sa cime.
En une dernière vague, un autre monde me quitte, me ramène.
Je suis moi de mieux en mieux.
À pieds secs, sur le bois poreux du pont,
Les yeux lavés par l’aventure,
Le temps de me mouiller, je suis née.
Je n’ai pas su que j’étais nue. Il ne faut pas savoir.
Je suis nue autant que mon âme file à son hymne.
Du ciel, j’ai semé les miens, les siens à ma cime,
Et l’avenir de l’aimé.

Com­ment savoir qui sème ?
Me diriez-vous… en amour…
Où allez-vous après les mots ?

 

Extrait de « Écrire, c’est aimer. »

 

*

 

« Aller en paix
Sous mon ciel
Prière je ne t’ai pas priée
Tu vins seule. »

 

 

En réponse à la phrase de Novalis : « Il faut que cha­cun devi­enne le ciel.»
citée dans « le bruisse­ment des arbres dans les pages » de Gilles Baudry.
 

 

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5 poèmes

Par | 5 juillet 2015|Catégories : Blog|

 

Le regard est à l’or­age        tremble
                           le long des mains

peau blanche et longue
                           papi­er de sel
                                              couloirs infinis
de tes yeux        tournés vers
l’om­bre d’une absence

          Je suis là où tu me cherches

 

 

 

°

 

A quoi sert de brusquer le soleil 
          sec­ouer les meubles
                  bal­ancer les bruits     hors de la tonnelle

 

 

                                      respire

 

laisse les rayons        entre les feuilles
                                     jouer avec ta peau

accepte du bon­heur ses piqures de rappel

 

 

°

 

 

          Sur tes paupières

          je mange les anges            entre tes cils
                  pour que tes rêves     ne soient pas pieux

la nuit        a le goût de tes lignes        Violette
le coeur à l’ar­rêt         je dessine

                   sur un bout de peau
                  un bout de toi    exténué

les aven­tures de nos silences

 

 

°

 

La soli­tude cogne quelques exemples

          tu es tou­jours là devants moi
                  je suis frap­pé par ton odeur

          puis tu dis­parais réap­pa­rais       en boucle

 

 

°

 

          Mes amis sont au pre­mier étage
J’en­tends leurs craquements
j’imag­ine la pous­sière qu’ils transportent
                                                                           avec eux

ils dansent je crois
s’il­lu­mi­nent quand le toit ne répond plus
                  bal­let de plumes de leur­res et d’eau

l’escalier pour les rejoindre
n’ex­iste plus

 

 

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5 poèmes

Par | 5 juillet 2015|Catégories : Blog|

 

Lune

 

Il faut suiv­re la lune
Comme un jour­nal de bord
Sec­ond vais­seau à la gloire d’un roi
Les nuages sur sa coque
Eaux éter­nelles dans la con­stel­la­tion du Poisson

Lorsque la nuit se voile
La lune est une ville sus­pendue dans les airs
Ses sons imper­cep­ti­bles / Elytres de lucioles
Grésille­ment des lam­padaires d’orient
Illu­mi­na­tions liées à l’univers

Il faut voir en la lune
De tous nos cœurs cycliques
Le point d’une question
Un reflet de la terre
Ame dans l’unité affir­mant son ailleurs

 

*

Le silence

 

Silence
Qui se déploie à l’infini autour des frondaisons
Dépose au soir ses arbres d’or
Quand s’élèvent les pous­sières, ger­mi­na­tion cachée
Mul­ti­ples, des con­stel­la­tions nais­sent dans l’azur

Porté par le som­meil de l’être aimé
D’un enfant la sérénité
Les cils d’un regard
Le sou­venir d’un papil­lon ou le vol au zénith
Le loin­tain et le proche

Dans le mur­mure roche
Du souf­fle, eaux paisibles
Espace
Esprit, pensée
Les bat­te­ments de cœur du livre ouvert du temps

 

*

 

Le mil­i­tant

 

Les blés sont verts
Mod­elés de cratères
Sérénités en acte
Le soleil brunit déjà les pins

Regards fron­cés vers l’horizon
De rares promeneurs se dessèchent
Immobiles
La route parsemée
Coléop­tères éter­nels et pressés

Ciels
Uni­forme gris bleu ombrageux orages
Incertains
Des coqueli­cots se risquent dans le vent
Gouttes ver­meilles flot­tant sur les ombres brûlantes

Soir qui tout apaise
Mort du midi au silence blanchi
Matin
Un regard vous embrasse
Couleur d’autres pensées

 

*

 

Porté

 

L’océan
De tous ses organismes
Lumineux
Numineux
Habité
Apporté

Nom­bre
Des cristaux
De sable lait et miel
Ambre nouveau
Retrou­vant l’arbre
En lui-même, sa source claire

 

 

*

N.

 

Dans des pays en guerre
De souvenirs
Luit un vis­age d’or
Un instant tourné vers le ciel

Telle la face éclairée de la terre
Fer­tile et bleue
Sour­cils levés
De mon­tagnes légères

Lisse de toute frontière
D’au­cune peine
Née le matin même
Dans la fraîcheur du jour de notre rencontre

Elle brille sur un océan d’étoiles
Plus grave est la nuit
Cou­vre le vacarme du présent
Que nous nous retrouvions

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5 poèmes

Par | 5 juillet 2015|Catégories : Blog|

 

 

Nuages usés

 

Linges usés jusqu’à la trans­parence, effilochures gris­es pas­sant très bas,  les nuages, ce matin, ont tout de suaires anciens.
Livres de pous­sière, arrivés d’un hori­zon oublié.
Ain­si drossés vers nulle part, ils affo­lent le ciel et le font courir.

Nous hale­tons sous notre souvenir.

 

*§*

 

 

Chantier d’oiseaux

 

Au matin, on entend le chantier de tous les oiseaux,
des tutoiements aigus, des ouvri­ers qui s’in­ter­pel­lent. Sus­pendus comme des lam­pi­ons, des moineaux
se chamail­lent en vol.

Après le bégaiement des rêves, voici le corps des mots, dans leur muselière de pous­sière. Voici les grandes herbes dodelinant.

Pen­dant la journée, dans une peine qui s’épaissit,
c’est toute la mémoire des cail­loux qui durcit.

 

*§*

 

Bagarre d’ar­bres

 

Le ciel déverse ses oiseaux
Ses fan­tômes de feuilles
Ressac de la peine
Sur un grand pan de mur
Jau­ni par le soleil neuf
Des ombres d’ar­bres se bagarrent

 

*§*

 

 

Toupie

 

Lumière dévalant le tobog­gan de la colline

C’est là que les arbres délabrés
appuieront leur renaissance.

Larmes pas loin,
Juste der­rière le mur gris
Là où ramiers et mer­les se toisent

Les pen­sées tour­nent en toupie.

 

*§*

 

Il pleut des cris

 

Pré­cise présence, la nuit te fait face.
Rageuse­ment, tu froiss­es l’instant.
En hale­tant, ta mémoire cherche le mot oublié,
Le mot indis­pens­able tombé dans le puits,
Puits des mots oubliés…
Un puits dont le fonds nargue,
Ne ren­voie que l’é­cho inaudible.

Il pleut des cris.

 

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5 poèmes

Par | 21 juin 2015|Catégories : Blog|

 

                L’intimité du pardon

 

Des vagues de peur et de fureur mon­tent au som­met de la détresse quand des images tatouées dans la chair ne cessent de heurter la mémoire de ce qui fut boule­verse­ment de mil­lions d’existences. À chaque moment de nos survies, la pointe lanci­nante d’un couteau brise nos affec­tions meur­tries et les bar­belés de l’horreur déchirent les lam­beaux du ciel quand la lumière du jour appelle à la clé­mence. Com­ment fouiller l’intime du par­don, regarder le vis­age de ceux qui ont fail­li et ten­ter, pour touch­er à plus de sérénité, d’accorder tolérance, pitié et com­préhen­sion. Ceux qui ont brûlé sur les bûch­ers bar­bares reposent dans le silence mais ceux qui sont restés dans l’incompréhensible ne peu­vent par­don­ner au ciel et por­tent le plus lourd du fardeau.

 

In L’intimité du Poème

 

 

 

 

            L’intimité de l’écrit

 

D’un pou­voir sans lim­ites, les mots s’écrivent et se mêlent de tout. Ils envahissent le des­tin d’une fleur arrachant féro­ce­ment sa tige d’un geste coupant, l’isolant des siens, et l’abandonnant sur un talus sans sépul­ture. Il leur faut recon­quérir paix et silence. Retrou­ver leur voix écorchée par la cacoph­o­nie proche, instituer d’autres règles au sein d’une com­mu­nauté fer­vente, réin­ven­ter la patience. Sur cette forte poussée sans autre chemin que la voix nue ren­voy­ant ses sonorités vers l’âme atten­tive, les mots dressent une ver­ti­cal­ité de funam­bule dans l’épopée du poème et s’attachent à reli­er hum­ble­ment chaque let­tre les unes aux autres, s’articulant dans l’in­ter­valle d’un culte sans offi­ciant afin de tiss­er trame et chaîne d’une étoffe qui vêti­ra la planète d’une res­pi­ra­tion légère.

 

In L’intimité du Poème

 

 

 

 

Si ce n’est Jupiter ou Yahvé, quel est donc celui que tu appelles en silence. Il ne te dira rien de la durée et t’abandonnera à la pénom­bre. Ici ont dor­mi les grands bâtis­seurs de bar­barie et les créa­teurs de néant, vautrés dans la lie et les hurlements. Tu es resté trop longtemps penché sur cette plaie d’où la sève coule goutte à goutte. La tenir au plus pro­fond des plaintes aurait été sur­vivre. Mais tu veux vivre, ser­rer con­tre ton cœur le chant de l’oiseau, trou­ver au fond du nid le rythme des saisons.

 

In » Mémoire d’absence »

 

 

 

 

Au-delà du précipice des mots, la geste indique la route et per­dure dans la fra­ter­nité des élé­ments. Déserts entur­ban­nés d’étoffes bleues, cités meur­tries de fièvres et de douleurs, vol­cans, sim­ples îlots anonymes. Les mots illus­trent la page du rêve incon­ti­nent dis­ant le poème du jour, se cog­nant dans son désir d’éparpiller ses sèves, solistes réu­nis d’une par­ti­tion jouée dans de vastes profondeurs.

Puis le por­teur de mots frémit devant la cer­ti­tude de sa folie.

 

In Trip­tyque

 

 

 

 

J’enrage d’écriture rouge et le sang de l’écrit empêche le bat­te­ment de mes ailes. Je vole au-dessus des nuages, brisant le béton du ciel. À ma cheville le bracelet de pied main­tient en esclavage les mots cadavres. Les mots, morts d’obscurité, s’alignent en rangs ser­rés, hir­sutes, squelet­tiques et j’essouffle mon rêve pour­ri de certitude.

 

In L’exil du poème

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5 poèmes

Par | 8 juin 2015|Catégories : Blog|

 

Tou­jours ailleurs

             Hom­mage à Mah­moud Darwich

                          J’habite dans une valise
                                                    disait-il

 

L’ailleurs nous porte
hiron­delle d’oubli
l’ailleurs fumée de rêves
l’ailleurs aux gonds de nostalgie
l’ailleurs partout où n’être pas
l’ailleurs comme renaître
l’ailleurs d’errances et de dérives
l’entre-deux où se perdre
attente de l’autre rive

Ici tou­jours penche vers l’ailleurs
ici incline ou élève à ciel ouvert
chemin à bascule
sables mou­vants de l’espoir

Con­fort étroit de l’ici
risque con­sen­ti de l’ailleurs
l’ici et l’ailleurs
frères à tout rompre

Ailleurs moulin à tire d’ailes
ailleurs aux ailes de nuages
Ailes d’exil et de tempêtes
soule­vant des voix si fragiles
si fortes

J’habite dans une valise
dis­ait le poète galiléen
pollen de larmes
mou­ve­ment perpétuel
paroles ivres de jasmin

J’habite dans une valise
dis­ait Mah­moud Darwich
l’espace pas à pas
l’ailleurs en archipel

Pales­tinien planétaire
Mah­moud Darwich
est mort à Hous­ton en Amérique
sa valise reste ouverte
aux mains fraternelles…

                                
(Texte pub­lié dans :
Lieux d’être n° 47 et Décharge n° 145)

 

*

 

Cos­mogo­nie du silence

 

L’univers est un océan de ténèbres
où voguent des mil­liards de lampions
en archipels
vib­ri­on­nant d’un ver­tige insondable

Cette pous­sière d’étoiles sous nos pas
nous grandit d’une toise céleste
quand nous por­tons nos yeux
au-delà des murs que nous érigeons
pour pro­téger notre sommeil

Si tout est vanité
il n’est pas vain d’aimer
et d’éclairer l’abîme
de nous-mêmes
naufragés de l’inconnu
pour franchir d’autres seuils
repouss­er l’horizon
assumer l’énigme primordiale…

 

4 jan­vi­er 2009

 

 

*

 

Des arbres de sang
explosent
dans nos labyrinthes
les grappes de vie
sus­pendues à nos lèvres
cherchent un souf­fle nouveau
comme un recom­mence­ment du monde
vers des print­emps palpables

Les mains se cherchent
se pren­nent pour des ailes
et nos voix étranglées
croient qu’avaler une flûte
ou apprivois­er un rossignol
suf­fi­ra à capturer
le chant fragile
not­er sur la portée du vent
la musique indocile
du poème…

              

                               Lyon, le 21 mars 2012

 

 

*

 

Les étoiles
fruits de feu
des ténèbres
en l’athanor céleste
sont-elles fécondées
par la poésie secrète
de l’univers…

La vie est là
tombée des astres
vacillants
dans la nuit infinie
des galaxies
et nous ici
pau­vres idiots
cois
à contempler
notre néant
après avoir adoré
des dieux de papier
sourds à nos appels…

 

                      4.2.2014

 

*

 

Sous le sceau de la burqa

                           à Chah­dortt Djavann*

 

La vie sans visage
est fleur de ténèbres
racines arides
de fiel
et de rage

La nuit barbare
en bâil­lons résille
brise les rêves

Les épousées du désert
ont tis­sé leur linceul
de l’adolescence
à la mort

L’empreinte de leurs pas
d’un bleu brûlant
inscrit d’obscurs
cris dans les sables…

 

• Auteur de Bas les voiles !

(texte pub­lié dans UTOPIA 2012–2013
et dans un livre d’artiste
avec des dessins de Mylène Besson :
Trip­tyque sans visage,
éd. Les Cahiers du museur, 2014)
 

 

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5 poèmes

Par | 8 juin 2015|Catégories : Blog|

 

MERCURE

 

Et je buvais ce sirtaki
En colère dans un grand verre
Bleu brisé d’aci­er au soleil
En croy­ant les cigales proies
De la pythie et d’Aphrodite
Pâmées dans un grand drap !

Au pied de l’Olympe, en tailleur,
J’é­coutais le vent bistre
Et le tabac sauvage chantait
Des mélopées aux voyageurs.
D’autres musi­ciens, beaucoup
Tan­guaient en cœur fripé
D’haleines au grand jour !

Seule, dès l’aube aux linceuls des vignes,
Je cro­quais les Açores aux sortilèges
Quand la voile est partie.

                                                Extrait de Les Champs de Mercure
                                                                            Recueil 1981–1984

 

 

 

                                                    

 

 

FRESQUE

Il est revenu avec les oiseaux de crécelle

Il est revenu avec l’or­gan­di des chemins.

Le sourire épicé des palmiers plissés.

Son cha­peau d’a­mande, cliques en claque.

Il est revenu ce soir de gentianes

Grésil­lant de mots purs et d’aventures

En cul­ture dans les nids de jour qui luttent,

Avec un bour­don craquant, moi, l’oeillet,

Je me drape et j’ai faim !

Mais le bour­don en le coquelicot

En comme dans son berceau.

                                                    Extrait de Vingt ans de peine
                                                          Recueil  1985–1989

 

 

 

 

DEPART

Il y avait du sel, du vent et des couleurs

Et sur le tableau noir d’autres signes encore.

Je trou­vais fort alors d’élever le ciel vaste, l’azur

Des anges, les oiseaux endormis et les croix

Sur tes silences, comme un dôme,

L’é­clair d’un éden mauve.

Juin de feu, Ron­ce­vaux noir ;

Des maisons s’ouvrent

Aux qua­tre coins

En un rire d’eau forte.

Le rosier jaune lance encore sa gerbe

Comme une ostie d’éveil.

Mais dans le tun­nel de mes sommeils,

Rien n’est plus muré que ton sourire,

Cer­clé de con­stel­la­tions tristes.

                                                Extrait de  La Modulation
                                                         Recueil 1990–1995

 

 

 

 TARRAGONE

 

Quand le bruit court et s’ap­proche près de l’homme,

Quand cet homme déjà mur­mure: où es — tu  Margarita ?

Où s’est per­du ton sein sur mon ombre penché ?

Mon chemin s’en va sous la pluie, dans la brume

Et  je  perds Mar­gari­ta dans le silence

D’un chien sous la table de l’enfance.

Et ce chien d’aboy­er aujour­d’hui dans la nuit

Et le regard de se regarder tou­jours vif dans la glace.

Le bruit de la mer d’être à la mer toujours

Où es-tu Margarita ?

Où s’est per­du ton buste sur le berceau voilé ?

Où s’en va le bruit de la mer

Quand tou­jours le chien aboie ?

Quand mon cœur, tout à son désarroi

Sous la lune, avec toi, se noie …

                                  Extrait de Les enfers d’Eurydice
                                              Recueil 1996–2005

 

 

 

TOUT  DEFRAGMENTER  MAINTENANT

Dans le jet d’eau,

L’eau n’a l’air d’être là que pour tomber.

Et pour­tant, c’est de cette averse

Qu’elle tire la force de son jet

Qui remonte bravement,

Trans­for­mant le mouvement

En énergie pure.

Pure,

Non pas au sens de débar­rassé de tout

Mais pure de la pureté des cascades.

La pureté retrouvée

De la cas­cade urbaine …

Le jet d’eau inter­pelle celui qui voit,

Celui qui entend, celui qui sent,

Celui aus­si qui craint le mouvement

Et la présence.

Le jet d’eau vous stabilise

Vous accom­pa­gne

Ou vous enferme

Dans sa liquidité.

Cer­tains passent

Com­pacts,

Devant les jets d’eau.

Non pas fascinés ou curieux :

Etanch­es.

Et je respire pour eux,

Lavée de tous mes encombrements.

Sans égards, pour jouer,

Les enfants s’a­bat­tent comme des cor­beaux colorés.

Mais, ne sont-ils pas de l’én­ergie pure ?

De celle qui a créé les jets d’eau ?

 

                                             Extrait de Les chuin­te­ments de l’extase

                                                             Recueil 2006–2009
 

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5 POEMES

Par | 21 mai 2015|Catégories : Blog|

 

 

vis­age rond

 

 

non mon­sieur non
pourquoi
vous voyez bien c’est écrit c’est écrit voyons vous voyez bien
inter­dit aux vis­ages ronds
pourquoi aux vis­ages ronds pourquoi pas aux vis­ages ovales ou
aux vis­ages longs
parce que c’est écrit inter­dit aux vis­ages ronds
je n’ai pas le vis­age rond
vous avez le vis­age rond
je n’ai pas le vis­age rond  30 cen­timètres de haut et 20 cen­timètres de large
ce n’est pas un vis­age rond
ce n’est pas une ques­tion de cen­timètres monsieur
alors c’est de quoi question
c’est une ques­tion de sen­ti­ment j’ai le sen­ti­ment que vous avez un vis­age rond
un vis­age rond ou le vis­age rond ?
ce n’est pas la ques­tion d’ailleurs il n’y a pas ques­tion il n’est pas question
pas ques­tion d’en­tr­er aux vis­ages ronds pas ques­tion pas question
et si je reviens avec un vis­age rond ?
alors                nous envisagerons

 

( paru dans le #04(Décalages) de la revue Pas­sage d’encres II, déc.2013)

 

 

 

la gloire d’Omphale

 

Omphale prit à Her­cule sa peau de lion
lui fit revêtir sa pro­pre tunique et lui confia

les travaux domestiques

oui  Her­cule ! j’ai bien dit
Her­cule travesti
mal­gré lui ? hum…
cer­tains le savaient
beau­coup le taisaient

le mythe en pre­nait un coup

vivrait un tri­om­phe, la Omphale, aujourd’hui
auprès des femmes

qu’on chante la gloire d’Omphale
pre­mière des féministes
                                              non
                                                          chan­tons femmes

la gloire d’Omphale
                                              ou bien

oui chantez

                                                           femmes

                                                           la gloire d’Omphale

et vous  hommes

 vaquez à la domesticité

                                                                                  ( dirent-elles )

 

( paru  dans  le n°7 de la revue l’Intranquille, automne 2014, éd .l’Atelier de l’Agneau)

 

 

 

loutre de mer

 

 

je voudrais être une loutre de mer pour avoir
170.000 poils au cm²
je crois que ça me suf­fi­rait  moi le glabre non pilifère
moi le si peu pileux
je rêve d’être une loutre de mer avec 170.000 poils au cm²
je béné­ficierais en out­re d’une couche d’air sous mes poils
ce dont je ne béné­fi­cie pas actuellement
les mus­cles sphinc­ter de mes oreilles et de mes nar­ines me permettraient
de plonger sans que l’eau pénètre grâce à
leur fer­me­ture automatique
alors que
les mus­cles sphinc­ter que je pos­sède actuelle­ment n’ont qu’un usage
assez restreint
j’aurais
des poumons plus larges en proportion
j’aurais
un meilleur taux d’hé­mo­glo­bine et
je ferais la planche
toute la journée
aux îles Kouriles ou Aléou­ti­ennes mais surtout
j’aurais
des poils des poils des poils des poils jusqu’à 170.000 au cm²

 

( paru dans  le n°7 de la revue l’Intranquille, automne 2014, éd .l’Atelier de l’Agneau)

 

 

 

 

rimes sin­gulières

 

pau­vre algue
pau­vre bulbe
pau­vres cam­phre et chanvre
pau­vre tertre et pau­vre sceptre
pau­vres meurtre et sépulcre
pau­vres mon­stres que vous êtes tous si
vous ne rimez à rien
sauf à
rimer avec vous-même

 

 

 

bal­samine impatiens

 

qui dira le dilemme
qui chantera l’éloge douloureux
qui glo­ri­fiera l’incurable souffrance
de l’amant de la balsamine ?

toi
l’amoureux pris au piège de ton amour
toi qui ne peux saisir celle que tu aimes
sans que, végé­tale cap­sule éjaculante,
                                  — impa­tiente noli me tangere
elle s’évanouisse (et non s’épanouisse) entre tes doigts

toi l’amant mal­heureux qu’Eros a réduit
à l’impuissant regard
toi qu’il a amputé
des mains de ton désir
toi le brûlant amant
le tout bruissant
cloîtré dans l’inféconde attente de l’impossible
les yeux rivés sur
cette hermaphrodite
psy­chrophile amoureuse des froidures

 

 

in “Algues & barges”, aux édit° p.i.sage-intérieur.

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5 POEMES

Par | 21 mai 2015|Catégories : Blog|

 

Des mots noirs

 

Des mots noirs
à faire chavir­er le nuage
à chérir son ombre
à saccager la plaine
à humer les sourires secrets
à regarder de loin la glu de l’existence
à remon­ter la glis­sade de l’espoir
à cara­col­er avec un chevalier
à faire saign­er sa blessure

 

Extrait de Le sil­lon des jours, Edi­tion Le Temps des Ceris­es, 2014

 

 

Per­ma­nence

 

Ain­si l’aurore
sera-t-elle tou­jours au rendez-vous
alors que des hommes
se trahiront
que d’autres fraterniseront
et que les oies sauvages
con­tin­ueront à ne pas se tromper de chemin

 

Extrait de Le sil­lon des jours, Edi­tion Le Temps des Ceris­es, 2014

 

Villes incer­taines

 

A tra­vers un rideau bleu
je me dissipe
d’une chaleur de ville suspendue
ressac des années de rêve

Ces villes jointes
par des rails bosselés
finis­sent tou­jours dans des gares incertaines

Alors je me couche
et j’arpente leur corps veine après veine
sur des pavés de nuages
en quête d’une ter­rasse de lumière

 

Extrait de Jour­nal der­rière le givre, Poèmes d’Alya, Edi­tion l’Harmattan, 2002

 

 

Pho­to-poème n°5

 

Par­avent de lumière. Démultipliée
comme le début d’un film
au rythme de ta peau
Va et vient. Reflet sur
ce tri­an­gle qui épuise
le regard du promeneur

Tu descends à genoux
prosternée comme au dernier soir
sup­pli­ciée aux griffes du rideau
qui t’emmaillote
en sym­phonie d’escaliers
qui ne font que monter
tan­dis qu’inlassablement tu descends
mesurant le fris­son du velours
de ton corps à l’intransigeance de la pierre

Te couch­er ici ? Impossible

Je rêve du cen­tre de ton ventre
De la trace indélé­bile de ta venue au monde

Une glis­sade aus­si simple
que celle des nénuphars érectiles
sur l’eau calme de ma douleur

Appren­dre à lever la lumière
Jouir de ton pied droit en suspens
comme de la proue d’un galion

Se noy­er ici ? Impossible

Tu ser­pentes verticale
trapéziste de mon désir
qui enlace le ray­on d’un soleil froid entre tes dunes

Te laiss­er retourner
avec des feuilles d’érable rougies
par un vent violent
amoureux des hauteurs
pour­voyeur de hasard et de soli­tude ? Impossible

Te rat­trap­er ce matin ? Impossible

Je me perds dès que je crains
de te percuter
mes yeux acca­blés de sel
à force de penser à toi
de loin
de me souvenir
Car tu es le dou­ble de l’autre
à la voile agile
celui qui s’éloigne sur la rumeur du monde
celui que ma joie d’enfant
a lais­sé s’échapper
comme ce sable sec de tes mains de rose

La marche tournoie, vibrionne
car le mys­tère du fleuve n’est pas loin
Ma poitrine se fragmente
à mesure que je dévale la tour
au-dessus de toi
Toi dont je désire déjà l’obscurité
l’insaisissable repère

Poème inédit, 2014

 

 

 

Râle de l’hiver

 

L’avenir de la forêt ne s’écrit pas sur le clavier de la mer
La houle a arraché toutes les rimes de nos rêves enfantins
Ici le varech nour­rit des femmes sans poitrine
Leurs rides souri­ent aux marins

Par delà la crête des goémons
les entrailles du cha­lut te livrent
leurs zones de tremblements
leurs chaos à étriller tant que s’épanche
par saccades
le râle de l’hiver
et à mains nues, tan­nées, elles y vont par grand froid
four­rager dans ce mois sans saison

Te rap­pelles-tu que tu avais regardée la lune
au creux de l’âme avant de la caler
con­tre ton navire foi­son­nant d’abandons ?

Entr­er pour tou­jours dans la mai­son de sel
où les portes se succèdent
jamais closes
recélant le jas­min comme un ani­mal solitaire
secret par­fumé du sen­tier dans l’obscurité d’un tem­ple trem­pé par l’automne

Trilles et soupirs amassés
souf­fles incan­des­cents sur nos chemins
avides de renaître dans la montagne
aujourd’hui envahie
par la mer

Avec tes fenêtres
posées à l’infini comme des îles
trouant de joie
nos voiles clandestines

J’userai de toutes les nuances du drame
et j’effeuillerai ta rosée libertine

Poème inédit, 2014
 

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5 poèmes

Par | 10 mai 2015|Catégories : Blog|

 

DES COULEURS

Il y a des couleurs qu’on ne voit pas
Des couleurs qui appa­rais­sent parfois
Incrustées dans les pierres
Façon­nées par le feu
Des couleurs éternelles
Comme le vert, le violet
Dans l’imag­i­na­tion qui agence le monde
Dans les notes d’une mélodie
La couleur s’in­vite et illumine
Comme ce soleil noir
Présent dans nos cœurs
Comme ce dia­mant bleu
Que je vois dans mon rêve
Tu es bleue comme le ciel
Je suis rouge comme le diable
Nous sommes pour­pres ensemble
Qu’im­porte les souffrances
Qu’im­porte l’existence
Des couleurs apparaissent
Déter­mi­nent le destin
Se déchiffre l’indicible
Se com­pose le réel
Qui éclate enfin
De jaune, d’o­r­ange, d’ocre
A jamais, nous, devins
Savourons, savourons
La vie éternelle

 

***


CŒUR

 

Et on enfer­mera mon cœur
Dans un petit cof­fre de bois
Il sera gris comme du papier
Comme une pomme momifiée

Mon cœur transpercé
De part en part
Mémoire de mes souffrances

Fatigué par l’amour
Fatigué par les haines
Sur­vivant par les joies
Suc­cinctes et discrètes

Mon cœur se rappelle
Ce que fut cette vie
Gravée à jamais
Dans cet organe sacré
Dans les replis des valves
Autre­fois pleines de sang

Où la vie se niche
Quand elle quitte sa maison ?

Cœur, je veux que tu te souviennes
Qui j’é­tais il y a 10 ans
Qui j’é­tais à 15 ans

Garde ta mémoire entière
Dans ton cof­fre de bois
Non, ne dors pas encore
Je suis là, je suis là…

 

***


LE REFUGE

 

J’ai con­stru­it un refuge en pierre dans les arcanes de mon âme
Une pro­tec­tion de briques rouges con­tre les attaques des spectres
Il y a un jardin de cen­dres qui l’encer­cle de ses bras de poussière
Même la trop humaine et aveu­gle vio­lence ne peut le transpercer

Détru­isez-moi, enfin essayez…

Pourquoi l’hiv­er n’a pu créer la glace ?
Pourquoi le froid n’est seule­ment qu’un mot ?
Pourquoi l’épée n’est qu’un sym­bole de feu ?
Pourquoi la nuit est une belle déesse bleue ?

Abruptes mon­tagnes,
Som­mets lointains
D’en bas je contemple
Mon avenir en vain

Le refuge est con­solidé par la grâce des éléments
Des pier­res s’en­tre­choquent, jail­lis­sent des étincelles
Un feu con­stant irradie de sa chaleur les murs

Com­pren­dre
l’ar­tic­u­la­tion des corps

Con­naître
l’a­gence­ment secret

Comme dans une forge, le métal se liqué­fie et des out­ils d’or nais­sent de mes mains

 

***

 


HEMISPHERE

L’hémis­phère gauche réduit
J’erre dans le monde
Je décon­necte sans peine
Les don­nées du langage
Brisant les chaînes
Et le car­can du sens
La terre m’appelle
Comme une lou­ve blanche
Son cri transperce la nuit
Et frappe mon cœur
Avec la dig­nité du grand style
Je m’en­fonce dans le chaos
Je som­bre dans l’air
Retrou­vant mes ailes
Celles qui me reviennent
A moi l’ange du vent
Retenu par ce monde
Parsemé de matière triste
La noblesse latente
Irra­di­ant d’un feu discret
Les cel­lules de mon corps
Je m’en­fonce doucement
Vers des recoins plus clairs
Vers la pâleur de ta chair
Qui me tient éveillé
Sous le soleil de la nuit

 

***


BALANCEMENT

Sous les arcanes majeurs
La trace de mon sang noir
Un pau­vre bateleur
Sautille et danse le soir

Loin les inquié­tantes cimes
Admirables gouf­fres blancs
Je n’ai peur d’au­cun abîme
Atti­rance du point médian

Pour­tant la route ondule
Elle fuie dans un bruit mat
Ses franges reflè­tent la lune
S’é­grè­nent en rêve mes pas

J’ob­serve amicalement
Les extrêmes qui s’opposent
Alors que vient le temps
Du secret pâle des roses

Sous les arcanes majeurs
La trace de mon sang noir
Un pau­vre bateleur
Sautille et danse le soir
 

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5 poèmes

Par | 25 avril 2015|Catégories : Blog|

 

Je con­denserai mes souhaits
dans l’orgueil d’un jar­dinier de passage.
Grand con­fesseur des roses.
Nous tra­verserons des sentiers
dans des feuil­lages s’initiant aux forces du vent.
Notre con­fi­ance s’unira
afin de prophé­tis­er le temps.
Nous ne frap­per­ons que deux fois
à la porte du destin.

 

***

 

Emprunter les ruelles de miosotis
au besoin, tor­dre les rêves en arrosages.
Atten­dre la journée,
Assis au bord des matins,
et peu­pler de courants d’air
le musc des ténèbres.
A tort ou à raison
les hommes vieil­liront de souvenirs.

 

***

 

J’ai croisé les doigts
harcelé les ténèbres,
qu’elles m’offrent à boire et à manger.
Que je garde des victuailles
pour plus tard,
quand il y aura de la neige sur les chemins.

 

***

 

Il n’y a pas de bruit.
Toute flamme n’est que rosée.
Eglantier en devenir.
Je t’atèle au regard du monde
à ses répliques.
Nous rions de la nuit étoilée.
Des fris­sons sub­jugués par des vents en devenir.
Une lanterne ne s’ébruite
qu’avec le feu qui l’inonde.

 

***

 

Retournez dans votre chaumière
elle s’enfume, s’enracine
dans vos souhaits spirituels.
Dormez dans son corps
et buvez une tasse de lait
de la couleur des ardois­es en hiver.
Entraînez-vous pour être la présence qu’elle désire,
pour être en lisière des copeaux de bois qui ont ensor­celé l’âge d’homme.
N’étiolez pas la fleur au coin de la fenêtre
ses cris pour­raient brouiller la piste des oiseaux.

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5 poèmes

Par | 13 avril 2015|Catégories : Blog|

 

Le silence revien­dra sur ses pas

Par petites touch­es j’ar­riverai au coeur des choses,
là où la nature se désaltère.
Alors, peut-être oserai-je la fidélité.
Alors, peut-être le silence me fera-t-il une place en sa présence.

L’ar­mée des ombres, gar­di­enne spéculaire,
Aplani­ra ses ailes et s’effacera.
J’au­rai alors les trois étoiles pour guider mon regard
Et les deux lions pour diriger ma route.

Lorsque j’ar­riverai au coeur des choses,
là où la ligne et le tracé ne font plus qu’un,
J’oserai habiter le silence et par­don­ner aux signes
Leur incom­men­su­rable lenteur,
Ma tor­peur et ma dette.

Lorsque je parviendrai au seul vouloir,
Oh oui, lorsque je parviendrai au seul vouloir,
Là où la route se fait étroite et le chant profond,
Là où le chant se fait aigu, non pas grêle mais clair,
Le silence revien­dra sur ses pas. Il sur­gi­ra, intact,
De cette enfance sans équiv­oque où les oiseaux ne craig­naient rien.

 

***

 

La nuit Le jour

De chaque écaille du drag­on, la paroi froide, létale… de chaque sec­ousse de sa queue ténébreuse, un pas de plus dans le gouf­fre pois­seux, les yeux écar­quil­lés, les peaux nues muant à une vitesse ver­tig­ineuse, ver­tig­ineuse. « De l’azur nous toucherons la trans­parence »… Ce bleu, ce bleu de Perse, ce bleu cobalt, cette pincée d’azur, comme un poinçon attes­tant la légitim­ité rigoureuse du pacte, son inéluctabil­ité, l’é­tau resser­ré, cal­i­bré au plus près. Ascen­sion vers le jour entraî­nant les cohort­es de créa­tures affamées, avides, ten­dant leurs mains éper­dues, juste avant le non sens, juste avant la ptôse. Flèche de pur désir ten­due du fond de la nuit la plus pro­fonde. Le jour ne sait rien de la nuit. Le jour est une crête amnésique, un seuil, une embel­lie. Les couleurs diaphanes du jour depuis la nuit sont pâles. La nuit, coups de boutoir et décap­i­ta­tion. La nuit lépreuse, la nuit éden­tée, la nuit puan­teur vous entraî­nant dans ses cloaques. La nuit borgne aux miroirs défor­mants. Oise­leur, maître des mon­des, oise­leur, prince des ténèbres, expert en pièges et artifices.
Le jour est unité, alliance, vérité… La nuit, le chemin inéluctable de sa conquête.
La nuit est con­nais­sance, la nuit les philtres et leur gour­mande et délec­table élab­o­ra­tion. La nuit, le lent arraison­nement ; la nuit, ses ver­tiges et la peau de cha­grin, le dur devoir à étrein­dre en bout de course. Nulle nuit n’échappe à son jour. A chaque nuit, son jour. Dans la nuit et ses marges, le kaléi­do­scope aux mille vis­ages, le creuset où s’ébauchent les pos­si­bles. La nuit fer­tile des chants les plus pro­fonds, des ser­ments les plus doux, la nuit aux caress­es irisées, à la pléni­tude matricielle. La nuit, vestale ini­ti­atrice. Chaque marche foulée est promesse de délivrance. Chaque précipice évité, promesse d’ar­chi­tec­ture éblouis­sante. La nuit est chair sur les os qui sont le jour. La nuit, le chau­dron où cuit lente­ment la des­tinée du monde.

 

***

 

Lais­sez-moi la beauté tutélaire

A mon père

 

Adieu, lave. Un froisse­ment sec. Crépite­ment d’os.

Lais­sez-moi la libel­lule et mon col­lier de larmes.
Lais­sez-moi la beauté tutélaire et le naufrage.
Lais­sez-moi rire et lais­sez-moi pleurer.

J’ai mâché des larmes d’oubli.
J’ai grig­noté la moelle de vos os endormis
Et j’ai craché des fil­a­ments séchés,
Des lianes filan­dreuses de fiel et d’agonie.

J’ai noyé et broyé, souil­lé et piétiné.
Et de ce machouil­lis infâme est né un égrégor
Fait de toutes les lames, miroirs de mau­vais sorts,
M’en suis enduit le corps.

J’ai trépigné, psalmod­ié, attisé,
Arraché l’é­paisse boue qui dénature.
En trouées de lumière, de mes san­glots enfouis,
Jail­lis­sant comme un cri,
J’ai craché du lilas, du bleu, de l’a­ma­rante, des oranges solaires,
Des carmins cristallins, des bleus céruléens,

J’ai lavé les orgies, rou­gi les amnésies,
J’ai craque­lé l’ab­sence, étanché la souffrance,
Puis je me suis assise.

J’é­tais seule.

 

***
 

Sur le tran­chant de l’aube

Puis­sante la poussée d’un monde en renaissance.
Flèche azur d’un archer veil­lant depuis des siècles
Dont l’ardeur scin­til­lante ric­oche dans l’eau claire.

Véhé­ment le songe sec­oue la sclérose amnésique
D’un monde qui se dérobe sous le poids de ses ans.
Et cette langue atrophiée,
En bouil­lon­nements d’au­rore ruisselante,
déchire le bail­lon de l’oubli.

Je l’ai vu dans ton chant.
A l’as­saut de ta gloire,
Sur le tran­chant de l’aube,
Tu largues les amar­res sur une mer d’acier.
Et la flèche trem­pée au plus limpi­de du songe
Fait une per­cée d’azur au coeur de l’horizon.

 

***

 

Idéo­gramme amoureux

 

C’est une libel­lule, un oiseau-lyre,

Un archange inspiré invi­tant au baiser.

C’est une promesse d’en­vol, un objet de désir,

C’est un cri.

C’est une main tendue.

C’est une pluie battante.

C’est la fer­til­ité des songes fécondés.

C’est l’in­vi­ta­tion au voyage.
C’est l’élan, c’est un don, une promesse.

C’est une colombe bat­tant des ailes

Prête à pren­dre son envol.

C’est ton cerf-volant.

C’est un coeur inspiré, c’est un coeur échangé.

C’est la danse d’une âme qui bat pour te combler.

C’est l’amour harnaché.

C’est l’alezan ailé.

C’est une certitude.

C’est ta droite, ton étoile,

C’est la ver­tu qui s’offre,

Le lien d’âme, l’ef­fu­sion des enfants.

C’est un oiseau rapace, un petit d’aigle

Un aiglon piaf­fant de joie,

bat­tant des ailes d’impatience.

C’est une danse de joie.

C’est un pro­fil altier.

Une jeune couronne fine et franche.

C’est une sil­hou­ette en marche.

Elle s’est penchée vers toi et t’a don­né son coeur.

 

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5 poèmes

Par | 13 avril 2015|Catégories : Blog|

 

Les march­es froides

Un bruisse­ment de siè­cle mort
ses ravins de safran ses heures
ses chants ses longs cloîtres de verre

oubliés, enter­rés, déterrés
exam­inés, dis­cutés, brûlés,
désac­cordés ces mots dont

les dis­so­nances nous volent
aux yeux au vis­age aux sens
nous bleuis­sent l’âme

nous découpent nous tranchent
nous tis­sent et nous taillent
en petits tapis de plume noire

pour le son pour le goût
d’une soli­tude à l’autre pour voir
on les jette ces mots

à coups de march­es froides
d’arènes de lam­pes et de vers blottis
aux encoignures du temps :

la féroc­ité du langage

           con­ju­gai­son du crime

réson­nances en guerre

Et

            à la fin

l’é­trange cer­ti­tude du renoncement

 

***


Elle dit

 

Elle dit : Je cherche
encore la couleur
de tes mots
le vis­age du désert
l’odeur d’un train
qui glisse
sur une toile d’été

l’estuaire
où s’achèvent nos
soirs assoiffés
de lune demain
repus d’une laine
grise Où est-elle
enfin
  
cette chanson
morte l’espoir
flotte sur tes
lèvres d’enfant 

La cime des chênes
dans un écho
de branch­es claires
me cachent le jour me
cachent la lumière

L’étoile qui me fait terre
l’ivresse qui me saigne
devant toi devant elle
devant lui cette ivresse
de pierre et de feu sous
une coulée blanche

 

***


Der­vich­es tourneurs

 

Bleu du ven­dre­di : cir­con­stance aggra­vante d’un
Hiv­er enseveli : cumin d’été sur les étoiles,
Le sou­venir affleure : écho de l’eau sous la man­grove avant
Les tem­pêtes de mai : l’in­ven­taire des morts oubliés

Elle dit : Arriv­er où s’ar­rime le ciel et

Ensuite : errance pour Sete Cor­das et
Enten­dre : l’e­space de nos corps vides et
Voir : l’herbe blanche des nuages et
Recom­mencer : l’in­ven­taire des morts oubliés

tomber en cer­cle vers des chemins de lumière

Pre­mier cer­cle : la couleur de ta voix
Rivages pri­maires : les qua­tre chants des mers
Troisième cer­cle : devenir sable sous le vent
Silence des lacs intérieurs

 

***

L’hiver per­san

Une araignée en robe blanche
tisse autour d’elle une forêt
de soie éphémère

[Arpèges à rayures]

Poèmes à qua­tre mains
couch­er de soleil sur ton corps
Khayyam en print­emps de verre
sous une cruche de vin noir

Moscou s’enneige dans une longue nuit

 

***

L’enfant des ronces

 

L’en­fant joue

comme on casse une étoile

Avec un gour­din de ronces

pour lui arracher sa lumière

Et pour faire mal

 

 

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5 poèmes

Par | 29 mars 2015|Catégories : Blog|

           

                                                       Prom­e­nade du soir
                                                       Le déam­bu­la­teur ouvre la marche
                                                       Le con­joint résigné
                                                       La ferme.

                              

*

 

                                                        Mon­tagne de douceur
                                                        Je ne l’avais jamais été
                                                        Avant que cette fourmi
                                                        M’escalade.

 

*

 

                                                        Qua­tre fois par jour
                                                        Dans l’escalier mon fils
                                                        Règle son pas sur mon pas
                                                        Au lieu de me tuer.

 

*

 

                                                       Elle n’a plus ses parents
                                                       Elle n’a pas eu d’enfants
                                                       C’est du dos qu’elle se plaint
                                                       La nonne au sécateur.

 

*

 

                                                       Un bain de lune, ce soir
                                                       Pour qui descendra
                                                       Pour la énième fois
                                                       Les poubelles.
 

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5 poèmes

Par | 1 février 2015|Catégories : Blog|

 

Avant moi il y avait le désert

 
On mangeait mon corps comme une car­casse, je l’ai vu
je n’ai pas dit «Emportez-moi sur terre»
je me suis retrou­vée autour du feu
                          comme une bosse de chameau
je me suis pliée en tra­ver­sant la terre

ils ont mis une poignée de sable dans leurs paumes
                                          et ils ont soufflé…
la nuit j’ai dor­mi dans les traces des animaux
mon corps était une vague
                lorsque le sable a fini
à l’intérieur de mon voile, mes yeux savaient
                      « où se trou­ve le monde »
— même si je suis une bédouine dans le désert de désir -

devant la nuit des dattes sont tombées dans mon esprit
              je n’ai pu trou­ver aucun son pour mes oreilles

grande comme un sahara j’ai regardé mon cœur

    

Traduit par Metin Cen­giz et Jean Portante

 

Ben Olmadan Çöller Vardı

                        
Göğsümü leş diye yiy­or­lardı gördüm
ben demed­im “getirin beni dünyaya!”
ateşin etrafın­da bul­dum kendimi
                         devenin hörgücü gibi
kıvrıldım geçerken dünyanın içinden
           
bir avuç kum topar­ladılar avuçlarında
                                   ve savurdular…
hay­van­ların ayak izinde uyudum geceleri
dal­ga dal­gay­dı bedenim
                                bit­tiğinde kumlar
örtümün arasın­da­ki göz­ler­im buldu
                                  “dünya nerede”
‑bir bede­vi isem arzu­nun çölünde-

gecenin önünde hur­malar döküldü aklıma
                     kulak­ları­ma ses bulamadım

sahralar kadar geniş bak­tım yüreğime

 

***

 

Dans la coquille

Dans ma douleur il ya la souffrance
comme le fruit dans la coquille

corps comme une robe douloureuse
que je ne pou­vais pas désha­biller et lancer

on a dit main­tenant je suis venu
on a dit ici je suis arrivé

j’ai brisé les jou­ets du coeur
les jou­ets du coeur j’ai brisé

je me promène dans une image
que tu regardes
— de toi ou de qui -

mes mains mes branch­es comme une masse
com­ment j’ai apporté ici cette masse si grande

ici
le pays du peu­ple où le cœur rétiré
de son sein comme une dent

les larmes ont coulé de mes yeux,
le passé s’est humecté.

Traduit par Claire Lajus et Metin Cengiz

 

 

 

Kabuğun İçinde

 

Acımın içinde acı var
kabuğun içinde meyve gibi

ağrıyan bir elbise beden
çıkarıp üstüm­den atamadığım

şim­di dedil­er geldim
burası dedil­er vardım

oyun­cak­larını kırdım kalbin
kalbin oyun­cak­larını kırdım

senin bak­tığın bir resmin içinde
dolaşıy­or gibiyim
‑senin yahut kimin-

eller­im kol­larım bir yığın
ben onca yükü buraya nasıl getirdim

burası
kalp­leri bir diş gibi gögüslerinden
sökülmüş insan­lar diyarı

göz­ler­im­den indi gözyaşları
ıslandı geçmiş

 

***

Etrangère surtout à moi-même

 

Je vis avec en moi un étranger
au moin­dre saut il tomberait presque de moi

Je l’observe de ma nuque
de mes cheveux ses cheveux
de mes mains ses mains

les racines de mes mains sont sous terre
je suis au-dessus de moi-même une terre souffrante

com­bi­en de fois
j’ai lais­sé sous la pierre mon esprit opprimé

je dors pour qu’il se repose
je me réveille pour qu’il s’en aille
— que dois-je appren­dre du sommeil -

je vis avec en moi un étranger
au moin­dre saut il tomberait presque de moi

Traduit par Claire Lajus

 

 

Bir Yabancıyım En Çok Kendime

 

Üzer­imde bir yabancıy­la yaşıyorum
san­ki zıplasam düşe­cek içimden

boynum­dan altını seyrediyorum
saçları saçlarımdan
elleri ellerimden

eller­im­in kökü toprak altında
acıyan bir toprağım ben ken­di üstümde

kaç defa
ezilen aklımı taşın altın­da bıraktım

uyuy­o­rum dinlensin
uyanıy­o­rum çekip gitsin
‑uyku­dan nel­er öğrenmeliyim-

üzer­imde bir yabancıy­la yaşıyorum
san­ki zıplasam düşe­cek içimden

 

***

 

 

Par­fois les gens se fatiguent de mourir

 

Par­fois les gens se fatiguent de mourir
ils devi­en­nent un pays aban­don­né de tous

tel un pays aban­don­né de tous
par­fois la femme reste

dans une mer de douleurs, plus un poisson
frappe le rivage, plus grande devient la mer

pour que per­son­ne ne voit mes plaies
je cica­trice vite

si je n’ex­is­tais pas, la peine n’ex­is­terait pas non plus

 

Traduit par Claire Lajus

 

İns­an Bazen Ölmek­ten Yoruluyor

 

İns­an bazen ölmek­ten yoruluyor
herkesin ter­ket­tiği bir yurt oluy­or insan

herkesin ter­ket­tiği bir yurt gibi bazen
kalıy­or kadın

acı denizinin içinde bir balık
çarp­tıkça kıyıya büyütüy­or denizi

kimse görmesin diye yaralarımı
kabuk­la bağlıyorum

ben olmasam acı da olmayacak

 

***

 

 

Deuil orig­inel

 

Etre femme
sig­ni­fierait avoir été envahie, mère

ils m’ont tout pris

une femme mon enfance
un homme ma féminité

que dieu ne crée pas la femme
dieu ignore l’enfantement

voilà les côtes de tous les hommes
ont été cassées

notre nuque est plus fine qu’un cheveu

les hommes comme à un enterrement
nous por­tent sur leurs épaules

nous avons été soumises

nous nous sommes envolées légères comme une
plume d’un univers à un néant

même mes paroles sont la
trace de leurs pas, mère

                      
Traduit par Claire Lajus

 

 

Ana Yas

                                               
Kadın olmak
isti­la edilmek­miş anne

her şey­i­mi aldılar

çocuk­luğu­mu bir kadın
kadın­lığımı bir erkek

Tan­rı kadını yaratmasın
Tan­rı doğur­mayı bilmez

kabur­ga kemik­leri kırıldı işte
bütün erkeklerin

boynu­muz kıl­dan ince

erkek­ler bir cenaze gibi
taşıy­or omu­zların­da bizi

ayak altın­da kaldık

bir tüy gibi hafif uçtuk
bir âlem­den bir âdeme

söz­ler­im de onların
ayak izidir anne

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5 poèmes

Par | 17 janvier 2015|Catégories : Blog|

 

D’autres visions
me pren­dront par la main.

Si ce n’est pas
cette douceur prim­i­tive et neuve,
de l’amour,
aux pre­miers temps,

Celle qu’on allaite avec soin,
comme un nouveau-né,
quelles seraient-elles, ces visions ?

Si ce n’est cette can­deur qui fait bailler
même les rêves les plus tristes,

Quelles seraient-elles ?

Si ce n’est dans ce matin calme
qui tiédit à l’ombre
de la bonne mère,

Qui se presse, refait son chignon,
dévisse la cafetière, part au travail
une grappe d’enfants sous le bras,

Où iront-elles ces visions ?

Si ce n’est dans ce même matin
embué des vapeurs de fête
qui flot­tent dans l’air,

Où des jeunes gens, à présent,
autres que la veille,

Traî­nent dans un petit jour,
brumeux et heureux,
la cig­a­rette pen­dant des lèvres,

Aujourd’hui, plus aériens,

Ces visions, ne pour­raient être ailleurs.

Et moi, moi qui ne suis
fécond de rien,

Je serai tou­jours trop vert,
et resterai arbuste, 

Je cour­rai après quelque chose.

Mais quoi ?

Ça pour­rait être la course au soleil
l’ombre aux trousses.

 

***

 

Nous avons été rejetés au monde
sans des­ti­na­tion précise.

Aujourd’hui, comme chaque matin,
mes yeux me piquent, mon coeur palpite.

Tu viens à peine de mourir
dans le petit jour.

D’où je viens, où je vais ? 

Nos mains en s’emmêlant,
cherchent à démêler les siècles,
à traduire le cours des choses.

Nos par­ents morts,
enser­rés dans nos bras,
ont triste mine. 

Pen­dant que nos étreintes,
nous récon­for­tent, un moment.

Je ne peux répondre
à aucune question,
à aucune demande.

La réponse à mon être,
tient uniquement
dans la courbe de tes bras.

Alors que, dans ce matin lumineux,
les hommes, précipités,
vont rejoin­dre leurs affaires humaines.

Quand dans la cham­bre aux stores
encore bais­sés, et alors que je n’ai plus la force
de faire ren­tr­er l’ouvert,

Je reste là, ébahi devant mon corps muet
qui s’éveille pour­tant cette fois,
d’une nuit plutôt tranquille,

Où j’ai tutoyé les anges
puis me suis retrou­vé la peau étourdie
de tes bais­ers encore tièdes,

Qui me dessi­nent un cortège
pour ren­tr­er, insou­ciant, dans l’éveil,

Me per­me­t­tant
d’avancer encore pour un jour
dans cette vie que je n’ai jamais
su posséder,

Et cela bien avant ta venue.

 

                 ***

 

J’ai ce matin dans la tête
des fes­tins inavoués,
des heures tran­quilles passées,
sous le soleil du midi,
à flân­er et à rêver tout bas
à la clarté des choses qui naissent
avec le plus de certitude,
dans l’imagination.

J’ai ce matin dans la tête des fêtes
qui ne trou­vent jamais l’aube,
des offran­des à don­ner et à recevoir. 

Ce n’est pas que
le temps me manque.

J’ai l’intuition ferme,
que nous guidons notre temps,
que nous le tor­dons à notre avantage,
que nous ne nous cal­cu­lons que,
par rap­port à notre tâche.

J’ai ce matin dans la tête
un flux inces­sant à l’oreille
et le son des cloches matinales,
pour guider mon éveil.

 

***

 

L’écaille de la nuit
sur ta peau criblée d’étoiles,
n’a pas atten­du ma venue.

Avant de devenir, aus­si blancs que neige,
nous étions sombres,

Nos corps ter­reux sor­taient d’une matrice
qui n’était pas le ven­tre de notre mère.

Avant de voir s’étirer l’ombre,
la lumière nous fai­sait escorte.

J’ai rêvé de l’ailleurs,
qui m’a lais­sé seul,

En proie à la réalité
d’une vie,
que je n’ai eu qu’en rêve. 

 

***

    

Les draps s’étalent sur nos corps-glaises
et désha­bil­lent encore plus
en les masquant
les con­trastes qui ont pris corps,
dans la lumière trou­blante du petit jour.

Un sen­ti­ment est étalé sur le lit,
avec ses ombres et ses lumières.

Comme ce mem­bre, posé là 
et qui car­togra­phie la rencontre.

Hon­teux, déjà,

D’avoir aimé avant l’amour.

D’avoir été l’amant avant l’aimé,

D’être encore et tou­jours, le philosophe.

Ici c’est l’exil.

Je t’enverrai une carte postale
de l’exil, de ce que j’appelle « l’exil ».

Ça pour­rait être nous deux
qui sen­tons bouger
quelque chose.

Bouger sous nous
quelque chose.

Peut-être la terre,
que nous sen­tons bouger,

Peut-être
sous nous
la terre,

Prête,
à s’endormir
proche de nous,

Nous,
prêts de nous éveiller,

Têtes enfon­cées
dans le même oreiller,

Imprimé en négatif,
d’un amour,
en noir et blanc.

 

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5 poèmes

Par | 27 décembre 2014|Catégories : Blog|

 

Dans le matin noir le réverbère
est l’é­toile qui indi­qua jadis
l’en­trée de la crèche
Vierge sans enfant, auréolée
des vapeurs de la machine à café
elle est là pour ceux qui lavent
les rues avant le jour
Berg­ers sans bre­bis, les mains jointes
autour de la tasse, qui à l’abri
dans le silence de ses yeux
lais­sent mon­ter peu à peu
le sourire de l’enfance

 

***

 


La nuit blanche se penche sur toi
tu vois son vis­age embrass­er le salon
et les bibelots de l’étagère

Ils te mon­trent ta tristesse
qu’ils savent cachée sous les rires du jour
mais qui flotte main­tenant dans la lumière argentée

Se dis­sout la peur qui te lestait le corps
au fond du som­meil lourd
et sans rêves de l’enfance

Mais le bais­er blanc a lais­sé sur tes lèvres
une rosée amère que tu goûtes prudemment
en atten­dant que le jour fasse monter

sous la cloche rose du ciel
le jardin, le chemin, le village
devenus adultes

 

***

L’été s’é­coule encore sous l’acacia
le temps n’est plus sensible
qu’à tra­vers la longueur des ombres

Les mots du livre ne restent plus en toi
Ils s’en­v­o­lent, petits insectes noirs
et tu les cherch­es dans les nuages biscornus

qui déjà t’emmènent ailleurs
Le cœur est entré dans l’attente
de la vie qui vient

 

 

***

 

 

Tu es tombée de moi
si tôt, sur la pointe des pieds
Comme une baie encore verte
qui aurait su, mystérieusement
qu’elle ne devait pas mûrir
Mais seule­ment laiss­er, au creux
de la paume qui la recevrait
une trace bril­lante et sucrée

 

 

***

 

Ici
les mots sont rares
on ne les gaspille pas
Les flaques rem­plies de ciel
frémis­sent à leur passage
et tu les aperçois parfois
pass­er au-dessus des clôtures
cir­culer dans les cuisines
entre les ver­res de café
à tra­vers les potagers
Ils ne sont plus le paravent
mélodieux der­rière lequel
d’habi­tude tu te caches
Mais pour la pre­mière fois
peut-être, à ton oreille engourdie
ils nom­ment les choses
 

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5 poèmes

Par | 13 décembre 2014|Catégories : Blog|

 

 

 

- 1 -

(extrait de Un livre ne dit jamais tout. Edi­tions Privat)

 

Je voudrais écrire un livre sur les reflets, sur les morceaux de verre brisé. Un livre sur les mains, les regards et les dos cour­bés. Il s’agirait d’un livre sur le rien et sur le tout. Je voudrais écrire un livre de mots, de par­en­thès­es, de gestes et de silences. Un livre sur les jours qui promet­tent, sur les nuits qui se sou­vi­en­nent, sur les vies qui pro­lon­gent. Je voudrais écrire en une seule journée, sans témoin et sans ver­tige. Je voudrais écrire un livre sur les vivants, les ombres, les morts, les secrets et les grains de beauté. Je voudrais écrire un livre sur les femmes et les hommes qui se frô­lent. Un livre sur les bais­ers, les lignes de vie et la légèreté des astres. 

 

 

***

 

 

« Pense à la nuit »
mur­mu­rait-elle à Chris,
allongée,
perdue
dans les herbes,

« Pense à la nuit »
lui disait-elle
large front,
gorge douce,
ven­tre lisse.

« Pense à la nuit Chris »,
murmurait-elle,
sans cire
et
sans fard,
une main sur un sein
l’autre à l’ombre d’elle-même,
per­le rare
jetée
à la surface
d’une vie en devenir.

« Pense à la nuit Chris »
lui disait-elle,
lui, à ses côtés,
gar­di­en silencieux
d’une étoile échouée
dans un désert
de sable et de sueur.

« Pense à la nuit »
mur­mu­rait-elle à Chris,
sereine
et lascive,
entre
faille
et
caresse,
entre
courbes
et
chaos,
prête
à se livrer
aux fêlures
de
la nuit.

 

 

***

 

 

Regarde mes mains,
ce ne sont que des mains d’homme.
Vois ces lignes
ces fêlures,
ces brisures,
ces noirceurs,
tout est là.

J’y vois tout,
j’y recon­nais tout,
mes désirs,
mes vertiges,
mes aveux.

Regarde mes mains,
ce ne sont que des mains d’homme,
lavées par les pluies,
usées par le temps,
d’avoir cherché 
à retenir
esquisses
et serments.

Regarde mes mains,
ce ne sont que des mains d’homme
elles sont venues à toi.

De la peau
effleurer
l’infini
et la nacre.

Par la paume,
caresser
l’aube
et le silence . 

Regarde mes mains,
ce ne sont que des mains d’homme
qui s’ouvrent,
et se ferment,
sans savoir
quoi contenir,
préludes,
brumes
ou
poussières.

Regarde mes mains,
ce ne sont que des mains d’homme.
Que doivent-elles,
défi­er ou dénouer ?
dégrafer ou délier ?

 

 

***

 

 

Pourquoi ce chemin
et pas un autre ?
Pourquoi
faudrait-il
choisir
l’étroitesse
d’une fourmilière
quand
on peut
élire
l’immensité
d’un corps ? 

 

 

***

 

 

Et cette vio­lence qui emplit nos ciels, recou­vre nos fêlures, comble nos jours. Insur­montable, iné­narrable. Qu’aucune vie ne parvient à éviter comme un pavé lancé con­tre la ban­quise. Ce n’est pas faute de méditer, d’étirer ses paupières. De regarder au plus haut pour retenir tout ce qui nous sépare. Ce qui nous éloigne de notre pro­pre vie. Il ne suf­fit pas d’être, encore faut-il avoir le don de vivre. Pass­er du vide au présent. Du loin­tain au silence. Comme si nous atten­dions notre heure. Le décompte de nos atom­es. La notice explica­tive de ces étoiles dont nous avons été arrachés. Com­bi­en de fois la vio­lence nous con­traint, nous refuse, nous mange les bras, nous sup­plie d’échouer dans le som­meil. Le som­meil, seulement. 

 

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5 poèmes

Par | 23 novembre 2014|Catégories : Blog|

( extraits de “Brumes Indus­trielles”, Hugues Faco­rat Edition)

 

 

 

 

Les jar­dinières aux jon­quilles cœur de Vol­can en béton armé éclaboussent de bleu le jaune des cheminées
De la brume ou du souf­fre des cav­a­liers métalliques navires à quai en pleine ville se dilu­ent d’impressions en soleil
Le Lev­ant au bout de la digue s’éveille sur les ailes des goé­lands transatlantiques.

 

***

J’ai décroché tous les tableaux qui ornent la nuit
Sans abat-jour, elle me brûle les yeux
J’ai éteint tous les livres qui chantent la vie
Sans rythme, elle me rend sourd
J’ai gom­mé tous les bleus qui col­orent la mer
Sans nuage, elle a un goût de fiel
Et lorsque l’Etoile sans sourire nar­gue le crépuscule
De son œil de lune, la musique reste aphone

 

***

 

Quelques pétales rouges dans la gout­tière effeuil­lent le zinc d’un toit parisien
Ses larmes gris­es s’évaporent des ardois­es qui cou­vrent la Seine
Sous un pont aérien
J’ai vu un chat assis sur un coquelicot

 

***

 

Les cen­dres bleues du petit matin
Dans les paupières d’un lac asséché
Scin­til­lent sur la colline
Les cor­beaux bleus du mois de janvier
Dansent sur les branch­es endormies
Des ombres malines

 

***

 

J’ai des ancêtres aux yeux rouges
Dans les cen­dres de mes peines
J’ai de la terre au goût amer
Dans ma bouche en décomposition
J’ai de la sueur de lait caillé
Dans les trous de mes veines
Et les pier­res à mes poignets
Comme le goudron sous mes pieds
Arrachent les ailes des libellules

 

 

 

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5 poèmes

Par | 1 novembre 2014|Catégories : Blog|

 

 
___
 
dans le vol de ger­faut de ma vie taciturne
je regrette par­fois d’être un oiseau de jour
la nuit agrandi­rait dans sa course nocturne
cette mélan­col­ie    que j’ai     depuis toujours
 
j’y déploierais mes heures avec plus d’amplitude
dans un vaste silence dépourvu de discours
la nuit est peu prop­ice aux bruits des basses-cours
qui étouf­fent dans l’oeuf tout désir d’altitude
 
 
 
___
 
 
 
pour le ciel nous ne sommes ni pro­jet ni souci
mais plutôt un mir­a­cle dont il faudrait l’instruire
d’autres formes de vie dans notre galaxie
font le voeu sans écho de pou­voir y souscrire
 
l’u­nivers est en nous comme un dieu en prière
par­fois   quand on se tait   on sent qu’on est un pont
la nuit   dans le silence            quelque chose répond
on ouvre grand les yeux      on ferme les paupières
 
le rêve con­tin­ue        le réel     correspond
 
 
 
___
 
 
 
vivre est plus grand que ce qu’on peut en dire
 
en notre âge pre­mier nous ver­sons dans l’hy­bris pour éprou­ver sa démesure
si nous n’y suc­com­bons pas   nous nous met­tons à écrire
 
par­venus à la frag­men­ta­tion de l’air
des textes courts  de plus en plus dens­es   refer­ment sur eux l’orbe d’une lumière difficile
et pourtant
notre coeur se cale sur leur res­pi­ra­tion lente
même si un poème    dans sa tech­nolo­gie fine   heurte par­fois un car­il­lon isolé
on com­prend    le cahi­er refermé
qu’il nous est don­né de ne pas con­quérir cet au-delà
 
 
 
___
 
 
 
une crise mys­tique fait entr­er en psychose
et con­stru­it un délire où l’on se croit choisi
par la main invis­i­ble d’un ange qui compose
le mes­sage d“un dieu piqué de poésie
alors
     qu’en contrepoint
                      notre cerveau        explose
et qu’au­cun son ne sort du rond de notre cri
on entend la musique       on ânonne la prose    duchantdésaccordédenotremanuscrit
 
 
 
___
 
 
 
                            debout chaque matin
                            quand la lumière tond
                            l’é­ter­nité têtue
 
                            couché avec la nuit
                            à même son corps nu
                            depuis cinquante années
 
                            je ne suis plus un enfant 
                            fasciné par le feu
 
 
 
j’en suis fait
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
                              antoine dori­an                   16 mars 2014 
 
 
 
 
 
 
 
___
 
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5 poèmes

Par | 10 octobre 2014|Catégories : Blog|

 

Réflex­ion

 

Les ques­tions cer­nent l’esprit
Tra­cent les reflets de vies
Par­chemins de papier
Pous­sières d’encre rêche
Le regard frôle la philosophie

 

***

 

Que du noir

 

Sur les lignes blanch­es, cer­tains regards
Fix­ent des futurs gris.
La route des lumières file la lisière sans frontières.
Les rives du sub­con­scient, en filets d’ombres,

Se lais­sent à la chaux salée qui les refond

 

***

 

Où est l’espoir ?

 

Le noir tangue sur les nuances
Telles des bar­ques éton­nées, fon­cent dans la nuit
Frois­sent le silence, per­cu­tent les rêves
Océan de frus­tra­tions assouplies
L’âme sculpte le revers des attentes
Plus cour­tes qu’un coup de sort

 

***

 

Nomadisme

 

Mou­vance de nomades se tende
Sur le rebord de la grav­i­ta­tion en limes
Pour répar­er le monde
Con­tre les grif­fures du temps
Il faut des contrefaçons…

 

***

 

Silence

 

Des pâturages du vieux silence
Les mots revi­en­nent sans splendeurs…
Dans le cœur, temps chargé de nostalgie
Vagues qui se succèdent,

Éter­nelle ardeur.

 

 

 

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