Mary-Lau­re Zoss s’adresse-t-elle à son lecteur, à l’être aimé ou à elle-même ? L’impératif donne en tout cas l’impression d’être à portée de voix. Il donne aus­si le sen­ti­ment d’une urgence.

         pars,

C’est sur ce mot que s’ouvre le recueil. Et quelques lignes plus tard :

         plie bagage

Quelque chose sem­ble sur le point de dis­paraître, quelque chose de pré­cieux. La vie elle-même ?

         dans un no man’s land faire mine d’être là, sur un filet de souf­fle déjà rétracté

On sent que très bien­tôt, il sera trop tard. Tout se passe comme s’il n’y avait déjà plus de ciel et que l’air lui-même se fai­sait rare. Partout, la présence à la fois majestueuse et oppres­sante de la mon­tagne : les pier­res, les tor­rents, les ânes sauvages…

On est sou­vent sur­pris à la lec­ture de ces textes. S’il y a souf­france, elle n’est pas amère ; s’il y a risque de mor­dre la pous­sière, l’envie de rejoin­dre les hauts plateaux n’en est pas moins grande.

         le monde n’est pas hos­tile qui te broie

Le recueil est com­posé de trois par­ties. La dernière, Gast­losen, est un ensem­ble de textes très courts. Cer­tains s’arrêtent bru­tale­ment au milieu d’une phrase, lais­sent la parole en sus­pens. Comme quand, au bord des gouf­fres, au bord du monde, nous restons sans voix.

 

                           Trois poèmes

 

passent bêtes et muletiers, la route n’affame pas, vend sa pitance de ves­tiges, d’un col à l’autre : enc­los éboulés, toiles de sac, dans la pous­sière l’urine en zigzag des chevaux ; on s’y attache à cette route – et toi qu’elle égrène sur ses lames de pierre, dernière bribe d’un con­voi, l’hiver achèvera de te scinder du monde, une galette de sar­rasin entre les doigts – le savais-tu en par­tant ? et si tu lâchais le noy­au sec de ta peur, t’agenouillais là, plutôt que ?

 

 

pour met­tre le feu au vent, une brous­saille de clarté sur l’os noir de la terre – ça pour­rait laiss­er croire que

 

tout irait là, dans la cham­bre obscure, où écumer un peu de suie et dans un linge, tor­dre un reste de lumière

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