Marc Des­om­bre nous offre, avec Le pas­sage des bris­es paru aux édi­tons Corps Puce, une poésie comme un décompte renou­velé. Chaque page est un poème con­sti­tué de 5 stro­phes, chaque stro­phe pas­sant de façon décrois­sante de cinq vers à qua­tre vers, puis à trois, deux, un vers, final. Cette struc­ture interne sug­gère l’im­mi­nence d’un départ et dans cette espérance s’ac­tu­alise la poésie.

 

Pour ce recueil tu vois
j’écris sans adjectif
sur chaque page un quin­til puis un quatrain
un ter­cet un distique
et enfin un vers qui se détache

Mais pourquoi ces liens
deman­deras-tu
n’imag­i­nais-tu pas plutôt
une vacance

A tout cela répondre
que l’ad­jec­tif est un cache-misère
et qu’il vaut mieux mon­tr­er la mis­ère dans son lit
 

Ensuite à cela répondre
que la forme est un fil où éten­dre ses vêtements
 

Peut-être le soir pour te faire croire qu’il y eut des hommes

 

Cette espérance se veut rap­portée au lan­gage, qui “essaie d’at­tein­dre le jour avec de l’en­cre”. Marc Des­om­bre n’of­fre aucune prise à la rêver­ie débridée. Il use du poème à mots choi­sis, accueil­lant la parole comme la mis­ère elle-même, celle à laque­lle tout homme doit se con­fron­ter pour ten­ter un pas­sage vers une sérénité ici nom­mée “bris­es”. Au cœur de cette mis­ère dis­ant le réel sans tain, le poète avoue quelques dons, ici une “flamme qui vacille/à l’ap­proche des dépres­sions”, là “un oiseau-lyre”. Ces dons sont tous dirigés vers le “Pas­sage des bris­es”, celui qui dénude la mis­ère et se présente devant la mort con­fon­du avec la trame disponible de l’u­nivers. Poète du peu, du sobre, d’une atti­tude se voulant juste quant à l’essence du lan­gage, poète ain­si méta­physique dis­crète­ment puisque le poème le permet.

 

Tu as réduit le monde au visible
pour mieux l’étreindre
et la soif s’est éteinte
la fée a quitté
la fontaine
 

Pour­tant
il n’y a pas un jour sans silence
pas une rime
sans chan­son
 

Mais le spec­ta­cle finira
les acteurs ne danseront plus
en cos­tume
 

La fille des faubourgs
s’ha­billera des hail­lons de nuit
 

Et l’u­nivers sera sa cour

 

Jean-Pierre Siméon, qui signe la pré­face, dit du poète : “Des­om­bre en effet est un homme sans adjec­tif, un être qui ne cherche jamais à se faire val­oir. Je le dis tout net : elle a sans doute très peu d’équiv­a­lents dans la poésie con­tem­po­raine, l’écri­t­ure de ce poète. Elle des­sine en effet une extra­or­di­naire ligne claire, dénuée d’à peu près tous les arti­fices syn­tax­iques et lex­i­caux élaborés par des siè­cles de lit­téra­ture, sans cess­er pour autant dans ce dénue­ment volon­taire, de faire advenir cette vibra­tion du sens, ce chant du dedans qui est pro­pre­ment la poésie.

Nous ne sauri­ons mieux dire pour inviter à lire le poète Marc Desombre.

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