Mogador
Quelques pas de chevaux
et c’est le silence de l’eau
pour longtemps encore.
Une lueur s’installe,
ambre sur la ville
présage
des soleils levants.
Cité des alizés
des rumeurs s’éveillent
s’évadent des remparts.
Mogador !
arène, quadrature _
une impossible prisonnière.
Je suis de cette ville
qui est la ville de ceux qui sont sans ville*.
Déclic
Un antique rempart s‘ouvre
des confusions reviennent
anciennes, obscures
enfouies
une sorte d’épiphanie
jusqu’à l’instant d’une conscience.
On croyait la mémoire un inventaire
une bibliothèque sage
le cours d’un très vieux chemin,
une trop lointaine voix, perdue.
Un antique rempart s’ouvre
des cris réveillent les tréfonds
fragments, qui se révèlent briques
« il me revient ! »
infans, on se fait verbe.
On ne naît pas, on devient.
D’ivoire et d’azur *
Le jour s’annonce
aux bruits des pas océaniens
et les marins !
image précaire
sur la mer
sous le ciel,
image d’ivoire et d’azur
oiseau bleu
qui passe le miroir.
Aux fenêtres des murailles
des visages se montrent
ils sont regards, qui cherchent
ils sont espoirs
qui scrutent la mer
qui s’aveuglent aussi
sur le cristal de l’eau.
Cité des alizés
le jour s’annonce
d’incertitude.
Rempart
Il y a sur la Ville
les anciennes années
ce suint tout le passé
il y a dans la Ville
les vieilles idées _
d’Avorrès*
toute la pensée.
Il y a sur la Mer
toutes les vagues
les goélands
des vagues de vent
toute la liberté _
…/…
mais il y a
dans la Ville
toutes ces bures ces remparts
toutes ces mises
_ obscures
toutes ces femmes ces visages
_ encagés
][
toute la rage toutes ces femmes
_ étouffées
…/…
mais il y a dans la Ville
toutes ces femmes ces visages
_ entravés
Des yeux béants
Femmes cachées
dans l’ombre des caftans
/
…/…
Je vois des yeux
des yeux béants
je vois des regards
des regards profonds
j’entends des silences
qui scandent des prisons
bleus immatériels
bleus irrémédiables _
des yeux béants.
][
C’est une image précaire,
d’ivoire et de bleu
inconcevable,
comme les larmes
profonde,
comme la mer
des femmes
d’écume et d’azur
…/…
Je vois des femmes prisonnières
dans les cachots de leurs carcans dorés
/
Notes
* Rûmi (1207–1273). Mystique perse qui a profondément influencé le soufisme. Son discours est contemplatif et son esthétique verbale est poétique. Les deux dernier vers du poème sont de Rûmi.
* Le bleu et le blanc sont les couleurs de la ville d’Essaouira et sa flottille de pêche s’y conforment strictement.
* Avorrès, philosophe du XIIème siècle andalou, pensait et fut accusé d’avoir dit qu’il n’existait qu’une seule âme pour tous les hommes.