ce monde qui nous contraint
à son langage
ce monde qui dans la déchirure
du cri
respire
ce monde
illuminé des larmes
qui le traversent
loin des mille et mille colonnes noircies
entre le mot
et le mot
au blanc des voix
qui l’ébrèchent
de lunes
le silencent
en prière
ce cri qui se dit
ce cri qui ne se hurle pas
étouffe le langage l’assaille l’avale en mots battoirs baillons broyeurs de bouches muettes tordues au sol du labeur tromperie spectaculaire transparence
ce cri sourd
aux mots introuvés
cri de présence
invocation de l’homme
travail du son à sa chair
ô cri ô lune
rouge
viens
monte
au souffle heurté coups déments des mots qui se cognent
s’accouplent
lacèrent
du sang iconoclaste de leur amour
violence
l’opacité innommable
du monde
ô cri
ô lune
***
Vois dit-elle
regarde
moi
les yeux
là
le point de la rencontre
l’étreinte nue
à l’orient du temps
où les mots chuchotés mûrissent sous le dessin des ombres
là
se forme l’espace
les corps émergent
pâlis d’attente
regarde au-delà
des bords étranges
l’eau noire de lumière
regarde bien
sinon
ce bras n’est plus mon bras
ce ventre sous ta main
devient sel
stèle engloutie
d’indifférences
regarde
notre baiser nous appelle
au dédale des pierres se cherche le feu
***
Entre les murets en ruine grimpant dans la montagne
quête sèche
distendue
à vue perdue
mais sur la dalle des dieux
gorgées de solitude
et le vent
herbes blanches
au creux des doigts
une étoile
le lichen
dessine ta pierre
une autre
sous le pas du silence
***
noces
au soir tombant
une fenêtre bleue
une fenêtre grise
l’impartage du ciel se joue ici
dans la pièce
où tu écris
ce bateau
où le silence
chavire
***
J’ai entendu tes étoiles
ne crois pas
j’ai senti l’ombre claire de tes mains
sur l’horizon cet appel
au creux de tes chemins d’enfance
j’ai reposé mon regard
j’ai reposé le siècle
ne crois pas
dans l’eau du dire l’âme a
rejeté la frontière
dénoncé la fatigue
prends mes bras ils ont
besoin de tes épaules
besoin de ta hanche
au seuil de la nuit
***
courir
courir
la course
sans mains
sans signes
courir
frapper de néant
l’espace
de son écriture
tu ne cesseras plus d’opposer
le blanc
à son manque
tu neigeras
sur l’espace
vidé de silence
tu nourriras
la terre
***
quand l’ombre s’abat
sur la place publique
le froid
entre en prière
les cris
s’accrochent aux branches
l’eau appelle tes bras
un baiser
extradé
touche le miroir
elle ne baillera pas sa perte
elle ira au stade
de sa rude pâleur
elle dénoncera
***
deine blutlosen Finger tes doigts exsangues
vorwurfsvoll schauen sie dich an ils te fixent réprobateurs
abstrakte Gebilde formations abstraites
einer Sprache knöchern d’une langue osseux
unflüssig influides
zeitstarr temps racines
erblasst pâlis
Gedanken blanke pensés à nu de sentir
Gefühle
schreien hinan leur cri
zeugend déflagrant
verwüstend une danse
— source — témoin
tänzerisch
Quand l’oubli surgit
insensé
le mot ne dit pas cela
quand
sur l’arc de douleur
tu te souviens
de toi
das sagt das Wort nicht
toi aussi
pris dans les glaces
quand
sous la douceur inexorable
quand tu te souviens
le cri
ton eau
le mot ne dit pas cela
disloque
en pleurs
ce poing de verre
le mot ne dit pas cela
ce poing
où survivait
cela se dit peut se dire
une argile
ton argile
par le mot
ses bras
le baiser
tout contre
son souffle
cela peut surgir
au blanc du dire
son écoute
entre
***
ils vont et viennent
les mots
me vont
me viennent
silences
à tire d’ailes
des oies sauvages
l’ombre de leur vol
ouvre au ciel les façades
ville vague
immeubles
migrateurs
habitables
***
Anrufung Invocation
Le sourire figé Erstarrtes Lächeln
du masque eine Maske
Les touches de rouge mit Rouge
sur les joues blêmes auf bleichen Wangen
Leben wollen Vouloir vivre
Ergaunerte Zeit Temps escroqué
und Schlaf- re-
und Traum -vivifiant
Belebung sommeil et rêve
Mais le regard est rieur Doch im Blick hell ein Lachen
La robe nuage und das Kleid – eine Wolke