Chas­sez la sor­cière : elle revient poème

                                      Essai sur la poésie lyrique au féminin

                                        (Extrait sur le Tris­tan de Thomas)

 

                                            

Chapitre I : le XIIème

 

            Le Tris­tan de Thomas (vers 1173), ver­sion con­sid­érée comme plus cour­toise que celle de Béroul, est très lacu­naire : six man­u­scrits recueil­lent dix frag­ments, env­i­ron un quart de l’œuvre. Le six­ième frag­ment, dit de Carlisle, est décou­vert au début des années 1990, sur les feuil­lets de garde d’un car­tu­laire latin, dans une bib­lio­thèque anglaise. Il donne le pre­mier pas­sage con­nu du roman quand Tris­tan et Iseut vien­nent de boire le philtre dans le navire qui les mène au roi Marc. Autre étrangeté, ces pre­miers vers, étant eux-mêmes abîmés – leur début près de la reli­ure a été coupé – don­nent à enten­dre les pre­miers mots d’amour comme s’ils étaient décousus :

 

             … e fu merveille

                … ne vos ocis[1]

 

C’est Iseut qui par­le : « Ce fut mer­veille que je ne vous ai tué », au lieu de vous guérir comme je fis, alors que vous aviez tué mon oncle Morholt. Une  chaîne con­tin­ue de blessé en blessant, de corps en cœur, est sug­gérée, dans la pre­science que l’amour un jour… Cepen­dant Iseut ne veut pas se déclar­er tout à fait, elle esquisse le pre­mier pas puis le laisse en sus­pens en jouant sur les mots : le verbe aimer se dis­ant « amer » en ancien français, elle l’entortille avec l’amer et la mer. D’où :

 

            Mer­veille est k’om la mer ne het

                Que si amer mal en mer set

                Et que l’anguisse es si amere ![2]

 

C’est mer­veille que pris d’un si amère mal de mer, et de si amère angoisse, nous ne haïs­sions pas la mer  –  ou l’amour, pour Tris­tan, tout ouïe, qui titube un peu, ne sachant si cette douleur vient « de la mer ou de l’amur ». Il emboîte alors le pas, son mal ne vient pas de la mer :

            Mes d’amer ay ces­te dolur,

                E en la mer m’est pris l’amur.[3]

 

C’est l’amour. Le sub­stan­tif dis­sipe homo­phonie et poly­sémie. Le son avait trois sens : Tris­tan choisit le plus beau du bou­quet ten­du par Iseut, choix qui est mer­ci en retour. Le breuvage sem­ble clar­i­fié et pourtant…il y avait, moins naïf, un qua­trième son : « la mère », c’est elle qui, s’appelant aus­si Iseut, a don­né le philtre pour favoris­er l’amour entre sa fille et Marc, fig­ure de père lui-même pour Tristan.

            Le réc­it révèle au texte une lim­ite inhérente à sa tech­nique. Com­ment dire le coup de foudre depuis l’intériorité des deux êtres ? Con­tredire cet impos­si­ble est un enjeu lyrique, une règle ren­con­trée en néces­sité. Le texte ne pou­vant faire par­ler de con­cert deux amants, Tris­tan marche dans les mots d’Yseut. On ne sait pas tout à fait qui a fait le pre­mier pas véri­ta­ble. « L’amer » : le son a qua­tre sens, fondés sur le réel vis­i­ble et invis­i­ble, invis­i­ble lui-même partagé entre con­scient et incon­scient. Le pas­sage est poé­tique en ce qu’il fait naître l’amour tout autant du philtre que du corps du lan­gage et cela non par décap­i­ta­tion mais par élec­tion. L’intelligence joue sur le corps sonore des mots pour faire enten­dre le mal au cœur. C’est là sans doute beau­coup d’intériorité à la langue mater­nelle, Tris­tan souf­frira de voir la terre quand il fait si bon faire l’amour dans la mer… La langue a cepen­dant mar­ié Iseut et Tris­tan : le cœur du roman, l’octosyllabe « ni toi sans moi, ni moi sans toi » a pris. Le roman l’emporte ensuite, le fait reprend ses droits : les amoureux se réjouis­sent et s’embrassent « et enveisent e acolent. » 

 

                                                           *

 « La mer du lan­gage est haute. Ses voiles blanch­es, sex­uelles, sug­gérant l’application de l’image, ou noires, en deuil du déclin de la nav­i­ga­tion. » Ros­marie Wal­drop[4]

 

La fin du roman offre une même den­sité poé­tique. Tris­tan, mortelle­ment blessé, guette depuis la Bre­tagne le bateau d’Iseut qui doit venir le guérir : une voile blanche sera son signe. Guéri­son physique et sen­ti­men­tale ain­si que l‘a dévoilée, déliée en liant, la scène du philtre. Or Iseut aux Blanch­es Mains, épouse de sub­sti­tu­tion, trompée par Tris­tan, va manier con­séquem­ment la langue clar­i­fiée, mono­sémique, et de vic­time devenir bourreau :

 

            Sachez que le sigle est tut neir[5]

 

Sachez que la voile est noire : elle ment et Tris­tan meurt, qui lui avait donc aus­si men­ti. Ce pas­sage est en sus­pens, action et parole se ren­con­trant, car le bateau d’Iseut est sur le point de touch­er au rivage mais le vent est tombé et sadique­ment il y a comme un arrêt sur image, sur les mots d’Iseut « le sigle est tut neir »… Son nom lui-même est en sus­pens, entre ironie, ses actions étant plus d’un cygne noir que d’une vierge, et vérité, Tris­tan l’ayant déjà innocentée.

Or, peu avant, il y a eu un autre arrêt sur image : c’est à l’approche de la côte quand un orage men­ace de naufrage le bateau. Thomas donne cette fois longue­ment la parole à Iseut la blonde dans une sorte de chant du cygne. La scène du philtre était sig­nifiée par une nais­sance du cœur au corps des mots se dis­tin­guant. Nais­sance prépoé­tique dans le sens où les sons sont encore mêlés dans un hasard que con­tred­it la métrique. Ensuite la sex­u­al­ité sera pos­si­ble entre Iseut et Tris­tan puisque fondée en amour, et le poème qui ensem­ble rime et dis­tingue. La scène de la mort pose à Thomas un autre défi esthé­tique : com­ment faire mourir les deux amants ensem­ble ? Sa réponse a une enver­gure plus romanesque : Tris­tan est néces­saire­ment pas­sif tan­dis qu’Iseut est active, sujet d’un long dis­cours, trou­vère fémin­iste qui chante l’homme aimé qui meurt. En vis-à-vis d’Iseut aux Blanch­es Mains, elle cherche à con­jur­er la sépa­ra­tion des mots et des élé­ments, et prie en oxymores.

 

            Vus ne poiez senz moi murrir,

                Ne jo senz vus ne puis perir.

                Se jo dei em mer periller,

                Dun vus estuet a tere neier.[6]

 

Vous ne pou­vez mourir sans moi, ni moi sans vous, si je meurs en mer, sur terre vous vous noierez. Puis elle rêve de repos­er en paix avec Tris­tan dans le ven­tre d’une baleine, souhaite qu’il sache sa mort puis ne le souhaite plus, elle avance en gradu­elle oppo­si­tion… Dans cette tem­pête, très humaine, les opposés échangent, la ligne de partage bouge. Ce n’est plus le corps des mots, peau mer­veilleuse entre humain et monde, qui donne vie à l’amour entre l’homme et la femme. Iseut par­le à Tris­tan absent : elle échange les attrib­uts de la terre et de la mer, celle-ci pré­valant, elle ranime, par la fic­tion d’une image, le désir régres­sif d’aimer dans la mer, elle se lie dés­espéré­ment à Tris­tan, cher­chant ce qui pour­rait témoign­er dans le monde de ce lien… Depuis et con­tre les mots mono­sémiques, elle rend vis­i­ble le tra­vail de la métaphore : le trans­port réversible, dans l’air mou­ve­men­té,  de la mer vers la terre (se noy­er dans la terre ou repos­er ensem­ble dans un pois­son-tombe) – pour dire vive­ment que s’est éteint le feu de l’amour. Elle remonte au bou­quet d’amour inau­gur­al quand tout se touchait physique­ment et séman­tique­ment, mais main­tenant c’est depuis l’aval, depuis le sens : or « ço que je di estre ne puet », ce que je dis ne peut pas être. Alors elle fait signe à son dou­ble sur la rive, Iseut aux Blanch­es Mains : si le monde ne peut s’unir d’amour pour réper­cuter la mort de deux amants, que le vent tombe, que la terre se sépare de la mer, que la sœur mal aimée donne la mort à l’amour qui est… Si l’amour réel qui meurt ne peut pas se pro­longer dans un monde d’amour, alors que l’amour qui n’est pas (partagé), la sœur mar­iée, mette fin à l’amour. Si les lim­ites sépar­ent sans retour, que la mort fasse son œuvre. Si la peau merveilleuse…Le roman se ter­mine, le poème étant impos­si­ble. La dou­ble néga­tion (vous ne pou­vez mourir sans moi…) qui n’est pas tout à fait en poésie une affir­ma­tion, plutôt un dou­ble tour sur un secret, se retourne en déclar­a­tive dans les derniers mots auprès du corps de Tristan :

 

            Mort estes pur la meie amur,

                E jo muer, amis, de tendrur.

                …

                De meisme le beivre avrai con­fort.[7]

Vous êtes mort de mon amour, je meurs de ten­dresse (…) j’aurai cor­dial du même breuvage. Puis le narrateur :

 

            Cors a cors, buche a buche estent,

                Sun espir­it a itant rent

                …

                Tris­trans murut pur sue amur,

                E la bele Ysolt par ten­drur.[8]

 

Corps à corps, bouche à bouche, elle rend son dernier souf­fle (…) Tris­tan mou­rut pour son amour, et la belle Iseut par tendresse.

Quel même breuvage que Tris­tan Iseut boit-elle ? On peut voir dans le mythe une con­tes­ta­tion cour­toise du mariage arrangé, matéri­al­iste, une ten­sion entre société cel­tique où la fil­i­a­tion est ouverte au matri­ar­cat (Tris­tan fils de la sœur de Marc aurait dû hérit­er de la couronne) et société gauloise patri­ar­cale, une ten­sion entre vas­sal et seigneur, entre éros et amour, pas­sion et agapè.

Et percevoir souter­raine­ment une autre trame. Il est un pôle pénible dans les poèmes des trou­ba­dours et des trou­vères qui clivent la femme en idéale Marie ou vénale Madeleine, dames mag­nifiées du grand can­so ou bergères vio­lées des pas­tourelles. Or les deux Iseut sont autres : Tris­tan aime et fait l’amour avec Iseut la blonde, con­tre-Marie ; il épouse mais sans l’aimer et sans la pos­séder Iseut aux Blanch­es Mains, con­tre-Madeleine. Les femmes ne sont pas définies par la seule sex­u­al­ité ou son refoule­ment. Autres, elles dis­ent sub­tile­ment un sens sur l’amour et la mort, elles font la mort avant Tris­tan. Quand Iseut débar­que, elle court vers Tris­tan puis l’embrasse puis meurt, on ne voit pas Iseut aux Blanch­es Mains. L’onomastique le dit, les deux femmes sont mêmes, ne peu­vent se ren­con­tr­er. Tris­tan, l’amour tris­tanien, a séparé en trois axes l’être, les con­tra­dic­tions d’être : Iseut la mère, le corps, le moi ; Iseut l’amour, le cœur, le toi ; Iseut l’épouse, la rai­son, le soi. Son erreur ou angoisse orig­inelle a pris ou plutôt lais­sé les femmes au mot, au même son, au même nom. Le roman a séparé ce qui se touche et com­mu­nique sans cesse dans l’être : le moi, le toi et le soi, le corps, le cœur et la rai­son. Et les a incar­nées en trois fonc­tions : la mère, l’amante et l’épouse. Or dans une belle vie, dans un beau poème, les trois Moires sont le même jour qui passe chaque jour. Le réc­it, lui, les sépare sans cesse, Clotho la mère tient, lâche puis retient la main de Laché­sis l’amour quand Atro­pos « l’amère » aux Blanch­es Mains est bien seule. C’est la longue élégie finale de Thomas qui révèle ce sens : Iseut prend la parole, prend le « je », et s’adressant à Tris­tan, elle tente de rac­com­mod­er les élé­ments séparés, en réu­nis­sant terre et mer, réel et irréel mais « ço que je di estre ne puet », c’est impos­si­ble. Le jour ne peut plus se mari­er avec la nuit, la voile sera noire. Si le Tris­tan n’avait pas séparé l’amour con­tra­dic­toire en trois femmes et, en même temps, don­né même sig­nifi­ant à celles-ci, le réel aurait gardé son pluriel axi­al, et son moyeu : le pou­voir de n’être pas. Ce n’est pas l’une des Iseut, une des trois muti­la­tions, qui peut réu­nir. Le roman finit faute de poésie, de ne pou­voir mari­er des mots découpés par l’amour tris­tanien, de n’avoir plus qu’une rime. C’est pourquoi Iseut se résigne à boire le même boire que Tris­tan : un cœur sans être parce que sans autre.

             Thomas est l’auteur du roman, Tris­tan le héros, cepen­dant le roman a une trame fémin­iste en ce que les clés essen­tielles passent d’Iseut en Iseut comme de main en main. Elles incar­nent une inter­ro­ga­tion sur l’amour, mon­trant que la fusion est aus­si une sépa­ra­tion, que s’il est un amour heureux, il demeure belle con­fu­sion. Et elles sont une inter­ro­ga­tion sur le poème.

Dans la Folie Tris­tan d’Oxford, qui fait un gros-plan sur un retour de Tris­tan déguisé en fou pour approcher de la reine Iseut, le nar­ra­teur dit que le château de Tin­tagel dis­paraît pen­dant les sol­stices, quand il sem­ble que tout va dis­paraître ou appa­raître. La nature par­le au XIIème : si nous avons été créés, c’est dans elle. Nous ne sommes pas les autres de la nature à laque­lle nous ne sommes pas com­plète­ment non plus.  D’où en poésie les jeux sonores inau­gu­raux, la peau des mots ou d’amour, d’où les entrées print­anières en même ou en dif­férence avec le cœur du trou­ba­dour. L’orage et le calme plat ont à voir avec cela : les deux Iseut dis­ent à la con­join­ture de l’apparaître et du dis­paraître, du temps vif et du temps mort, que être humain a à voir mortelle­ment avec la nature. Si nom­mer c’est tuer et créer, il est aus­si dif­fi­cile de vivre sans tuer qu’il est dif­fi­cile de vivre avec le meurtre. Le roman de Thomas cherche à sus­pendre le choix : entre le philtre poé­tique qui dit le pluriel dans le même et le réc­it qui sépare, énumère et fonc­tion­nalise sans pou­voir quit­ter le même son orig­inel. On appelle « roman » un réc­it en langue romane et en vers : celui de Thomas racon­te cette ten­sion entre con­cen­tra­tion poé­tique et réc­it, réc­it aporé­tique qui voudrait dire clairs et défi­nis des vis­ages que baig­nent encore la pénom­bre d’être. Quand les deux Iseut sont au bord de se voir, on devine que l’une l’autre sont l’ombre de l’autre l’une. Finale­ment ce n’est pas Iseut aux Blanch­es Mains qui est Atro­pos, mais la vision tris­tani­enne de l’amour qui sépare incon­séquem­ment. Thomas racon­te cette con­tra­dic­tion : le roman ne peut avoir den­sité poé­tique et déroule­ment nar­ratif, Iseut ne peut être à la fois sig­nifi­ant mul­ti­ple, et signe sin­guli­er s’unissant à un autre signe. Ces deux mys­tères dans un poème seraient une image qui allitère, dans un roman c’est inces­te et polyg­a­mie. Ain­si Thomas par la main d’une femme nous offre une qua­trième fleur qui n’est ni mer, ni amour, ni mort mais leur lien, l’art qui ensem­ble les interroge. 

 

                                                           *

 

Une minia­ture donne une inter­pré­ta­tion éton­nante du mythe. Tris­tan tend à Iseut, un vase rond comme une alliance : tous deux sont assis au milieu d’un jardin édénique, un bel arbre de cœurs au-dessus de la jeune femme habil­lée de ver­meil, un bel arbre d’étoiles au-dessus du jeune homme habil­lé de bleu. Le pein­tre, tout en mon­trant ce qui est train d’être gen­ré, sem­ble déjouer le mythe biblique de la chute : pas d’interdit, pas de ser­pent, pas de femme ten­ta­trice, pas d’ignorance (bien) puis de con­nais­sance (mal) du bien et du mal. Dieu, le tran­scen­dant qu’on ne domine pas, serait dans l’accident de boire, qui va met­tre en cause l’ordre de la société.  Sem­ble ici sug­gérée la nais­sance à l’amour comme une nais­sance au paradis.

 

Le philtre, le point nodal du mythe, est com­pliqué. Au pre­mier niveau, métaphorique, il équiv­aut à la flèche grecque d’Eros, le boire du breuvage est vari­a­tion sur le voir du regard d’amour. L’image dit le peut-être d’un tran­scen­dant. On dirait l’intervention d’un dieu, mais on n’en est pas sûr, nous sommes peut-être libres, respon­s­ables, et l’amour est con­tin­gent. Le sec­ond niveau est réal­iste, c’est la dimen­sion romanesque où le philtre est moteur de tout le réc­it. Mais si le philtre n’est plus une image, s’il est réel, il n’y a plus d’ambiguïté, l’amour n’est pas un choix, nous ne sommes pas libres. Un Dieu malin se joue cru­elle­ment de nous et en même temps nous inno­cente, c’est ambigu. Le Tris­tan est la trans­for­ma­tion d’une image en réc­it, d’une lib­erté trag­ique en trag­ique inno­cence : vaut-il mieux être libre de faire le mal (l’adultère) ou bien obligé mais inno­cent de ce mal ?

Le texte cel­tique décon­stru­it la vision biblique qui pense l’ignorance comme bien, et la con­nais­sance comme déjà le mal. Si Tris­tan et Iseut ignorent qu’ils boivent le philtre du mal, le Dieu est injuste : il leur laisse l’innocence tout en leur infligeant ensuite de quoi faire et sen­tir le mal. Le par­adis et la moitié empoi­son­née du fruit. Le mer­veilleux cel­tique dis­culpe le cou­ple et accuse, mais c’est inaudi­ble à l’époque, Yahvé. Il étire les pôles con­tra­dic­toires de la Genèse en défaisant l’asymétrie biblique – le plaisir partagé est d’abord un bien-être, plus tard un mal et qui tient du hasard : s’il n’avait pas fait chaud, si le philtre n’avait pas été à portée de main, Tris­tan n’aurait pas bu et etc. Il noue con­séquem­ment l’invivable lib­erté qui, à peine sug­gérée, est retirée. Cela fait signe aux schismes à venir, qui mèneront à son terme logique la con­tra­dic­tion de la Genèse : il y aura les élus et les autres.

Ain­si la scène de la minia­ture dit aus­si sim­ple­ment le bon­heur sur terre, le temps d’une inno­cence où une femme et un homme se décou­vrent amoureux. Le partage du philtre est le bon­heur de l’amour, l’inséparabilité de deux corps et deux cœurs, a con­trario de l’inséparabilité biblique qui asso­cie con­nais­sance et mal. Plus tard il y aura le temps de la souf­france. A l’instant du philtre, Iseut et Tris­tan éprou­vent la joie de se décou­vrir nus, d’amour. Le pein­tre sug­gère à notre aujourd’hui ces inter­pré­ta­tions en mon­trant le vis­i­ble qui lui était pos­si­ble, le plaisir, l’amour inno­cen­tés. Qui est aus­si un amour partagé entre un homme et une femme. Là encore les Pictes et les Hébreux s’opposent. Les Pictes, leur boire ensem­ble qui met au monde du bon­heur, auraient dû gag­n­er car ils étaient, femmes et hommes ayant l’avenir devant eux, bien plus nombreux.

 

 

 


[1] Tris­tan et Iseut, Les poèmes français, La saga nor­roise, Paris, Le Livre de poche, 1989, p. 330.

[2] Tris­tan et Iseut, Les poèmes français, La saga nor­roise, op. cit., p. 332.

[3] Ibid.

[4] La Repro­duc­tion des pro­fils, trad. J. Roubaud, Edi­tions Melville, Paris, 2003, p. 76.

[5]Tris­tan et Iseut, Les poèmes français, La saga nor­roise, op. cit., p. 476.

[6] Tris­tan et Iseut, Les poèmes français, La saga nor­roise, op. cit., p. 470.

[7] Tris­tan et Iseut, Les poèmes français, La saga nor­roise, op. cit., p. 480.

[8] Ibid.

 

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