extraits : « Mes petites morts » en hommage à Jankélévitch.
Mes petites morts
elles chantent
incandescentes
leur clôture est inaudible.
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Une vie comme ça
sauvée à chaque minute
sur une faille lumineuse captée à la volée.
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L’oeil part avec le voyage
devant l’obstacle
on ne dérange pas les morts
on continue
dans la longueur « qui excède nos limites ».
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Empiètements
pour ne pas lâcher prise
et sauver la durée
jusqu’à saisir le pur rayonnement
avant qu’il soit matière.
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Trop plein du jour
tout pourrait rester là
dans l’engouement
à vivre
trop de sang
trop d’orgueil
aux mains chargées d’anneaux et de harnais
le soleil éblouit
perce la permanence
la durée se soulève à l’élan déclaré.
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La mort ne s’ébruite plus
elle a engorgé le jour
on la couvre de fleurs.
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Les trains étaient bondés
son sourire fendu
saignant au coin des lèvres
nous laissait plus meurtris
que l’adieu de sa main .
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Les veines tracent en silence le parcours du reclus
filet sinueux
plus violet que l’encre du poème
qui se gonfle secrètement serré
puis se perd à l’insu des petits plis de peau
pour renaître en saillie
dans une résurgence.
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Le pied se déporte
l’escarpement
est
tel
que la respiration
reste
seule prévaut la loi de la pesanteur
le poids de tout le corps se tient sur le qui-vive
la pierre roule
résonne contre les hauteurs du gouffre
ici
c’est le pied
qui appelle un support
l’écho
fait entendre le vide
pris dans le paysage.
***
Jour blanc
à suivre la neige tomber
on reste suspendu aux laisses de silence
l’oeil papillone jusqu’au vertige
le fond du ciel se perd
la vie tremble au soir glacé
la peau
frileuse
se glisse
dans les draps blancs
se plisse
et lentement se fend
sans douleur.
***
à Abbas Kariosthami pour « Le goût de la cerise »
Le dernier jour fixé
s’allonger sur la terre creusée
tout le ciel dans les yeux
grand ouverts
immensément
à boire par gorgée
jusqu’à ce qu’un passeur tienne la délivrance
quelques poignées de terre
arrachées au très-bas
lancées sur ce corps allongé aux routes de poussière.